Tmlp

Par Belzaran


Titre : TMLP
Scénariste : Gilles Rochier
Dessinateur : Gilles Rochier
Parution : Février 2011


« TMLP » (ce qui signifie : « ta mère la pute »), dessiné et scénarisé par Gilles Rochier, a obtenu le prix révélation au Festival d’Angoulême 2012. Publié aux éditions 6 pieds sous terre, « TMLP » est un ouvrage traitant du début des cités urbaines, fortement marqué par les souvenirs de l’auteur. Tout démarre sur une description du jeune de banlieue de l’époque : « Nous à la base, on n’est pas des méchants ni des dangereux… Tout juste des branleurs, des fumistes disaient nos profs, mais pas des mômes méchants ». Cette phrase qui ouvre le livre, résume à elle seul l’ouvrage de part tous les sous-entendus qu’elle véhicule…

Une dureté omniprésente

On découvre alors la vie dans la cité à travers divers anecdotes. Sous un abord plutôt classique au départ, le tout va devenir de plus en plus étrange et malsain, avec un côté presque folklorique. En effet, Rochier parle de ses souvenirs avec le ressenti qu’il avait à l’époque. On n’est souvent plus proche de la légende que de la réalité. Même si, hélas, cette réalité n’est jamais si loin.

Au fur et à mesure de l’ouvrage, les faits deviennent de plus en plus graves et même carrément glauques. En présentant d’abord la cité avec même une pointe d’humour, Gilles Rochier intègre lentement les différents vers qui rongent la pomme. C’est subtilement fait et plus on avance dans le bouquin, plus on sent que le fruit est pourri et que l’inévitable ne peut qu’arriver. Le rythme est parfaitement maîtrisé par une narration omniprésente qui utilise beaucoup plus le « on » que le « je ». En cela, l’auteur se définit vraiment comme un membre d’un tout, plus qu’une individualité. Un moyen pour que le lecteur s’identifie d’autant plus ?

La dureté du propos de « TMLP » n’est pas facile à digérer. Heureusement, Gilles Rochier parvient à ajouter une part d’humour et même de poésie pour faire souffler le lecteur. Si bien que la richesse de l’ouvrage est impressionnante. Absolument pas monolithique, ni même linéaire, « TMLP » regorge d’idées.

Il est difficile d’effacer le message qu’il y a derrière ce livre. En traitant des problèmes des cités de l’époque, Gilles Rochier donne un écho aux problèmes actuels de ces mêmes cités. On s’aperçoit comment ces ensembles immobiliers, conçus avec un esprit humaniste au départ, ont dérapé inévitablement. Règlements de compte entre cités, terrains vagues, omerta… Tout est déjà. L’idée que tout se sait mais rien ne se dit est omniprésente.

Graphiquement, c’est du grand art. Certes, le trait brouillon de l’auteur ne plaira pas à tout le monde mais les trouvailles graphiques sont nombreuses et renforcent le propos. Le tout est colorisé avec une sorte de gris/brun boueux parfaitement adapté. On sent une vraie maîtrise des codes de la bande-dessinée.

Traitant d’un sujet forcément un peu casse-gueule, « TMLP » est un ouvrage riche et d’une grande dureté. Sans jugement, absolument par moralisateur, Gilles Rochier pose un regard sur sa jeunesse entre souvenirs émus, angoisses de jeune garçon et tabous à casser. « TMLP » est un ouvrage formidable comme on aimerait en lire plus souvent.