Mariés et algues vertes

Publié le 28 juillet 2011 par Hilarion


La réalisation des photos de mariage est ici toute une affaire. Les photos ne sont pas seulement destinées à un album que l’on exposera au banquet de mariage, et sortira aux réunions de famille, elles viendront aussi s’accrocher ad vitam au-dessus du lit matrimonial, et ailleurs sur les murs du domicile conjugal promis aux jeunes époux. Chaque ville a ses lieux de prédilection pour servir de décor à ces images : l’ile de Shamian à Canton, Les abords de la Cité Interdite ou le Parc de Chaoyang à Pékin, le Bund à Shanghai… Il est aussi un lieu qui fait courir les couples de toute la Chine du Nord : la plage Numéro 2 de Qingdao(Shandong). La mer de Bohai, des rochers qui pourraient nous rappeler la Bretagne, des villas au kitch prérévolutionnaire et le sable blond. Qui a dit romantique ?
Il y a quelques jours le sable promis était recouvert d’une marée d’algues vertes causée par la pollution industrielle et agricole. Une marée sans doute similaire à celle que connaissent nos côtes bretonnes sauf qu’ici aucun décès de sanglier, marcheur ou équidé n’a encore été déploré. L’invasion végétale n’a découragé ni photographes, ni jeunes couples pour lesquels elle fut saisi comme un élément de décor supplémentaire. Le métal du ciel et de la mer, l’ivoire des costumes, et l’olive des algues. Oui, romantique, mais la plupart des couples avaient quand même opté pour les rochers, ou une plage voisine déjà nettoyée. Là, ils avaient le choix entre plusieurs accessoires : du viril et onéreux étalon blanc, au régressif ours en peluche, en passant par l’anglophile pancarte « I love u »/ « I love u 2 ». Ils étaient au moins une centaine. Certains étaient organisés en groupe, enfilant à tour de rôle des costumes d’opérettes trop grands pour eux, faisant la queue pour le nounours, et se prêtant avec plus ou moins bonne grâce aux ordres du photographe… Debout, à genou, debout, les mains dans les mains, les mains jointes, le regard vers le ciel, les yeux dans les yeux, embrassez vous. Et les amoureux de mimer l’amour. La chaleur humide, l’attente, et le coté industriel de l’opération commençaient, après quelques heures, à peser lourd. L’affaire qui se promettait joyeuse tournait à l’aigre. Les soupirants soupiraient. Il n’est pas sûr que la photo accrochée au dessus du lit rappelle à tout le monde de bons souvenirs.