La qualification de Bolt à Rio, quels scénarios ?

Publié le 08 juillet 2016 par Tanialoue

Usain Bolt, blessé aux sélections jamaïcaines, sera-t-il à Rio? ( photo @usainbolt )

Un ischio (encore) récalcitrant lors des sélections jamaïcaines a contraint la nuit dernière Usain Bolt, champion olympique des 100 m, 200 m et relais 4×100 m en 2008 et 2012, au forfait pour la finale du 100 m, ainsi que pour l’épreuve du 200 m à Kingston. En théorie, seuls les 3 premiers sont qualifiés pour les Jeux, remplissant le quota autorisé de 3 athlètes par discipline et par pays. Et contrairement aux championnats du monde, les tenants du titre ne sont pas invités aux JO. Alors, depuis, la question agite les réseaux sociaux : Rio ne verrait donc pas la star du sprint tenter de tripler son triplé ?

Starting the recovery process right away. pic.twitter.com/J0HuvxOfiJ

— Usain St. Leo Bolt (@usainbolt) 2 juillet 2016

Selon les règles jamaïcaines…

En pratique, des subtilités réglementaires permettent en fait au sprinteur, nonobstant l’évolution de sa blessure, d’être sélectionné dans les épreuves individuelles, sous certaines conditions. Tout d’abord, les modalités de sélections de l’Association administrative d’athlétisme jamaïcaine (JAAA) prévoient de sauver une star en difficulté : « Les athlètes classés/listés dans le top 3 mondial de leur épreuve qui sont malades ou blessés au moment des Championnats Nationaux et bénéficient d’une dispense de concourir aux championnats peuvent encore être sélectionnables, pourvu qu’ils soient capables de prouver l’état de forme de leur classement mondial avant la soumission finale des inscriptions pour la compétition. »

Bolt répond à ces critères sur 100 m puisqu’avec ses 9 s 88, il possède le 2e chrono de l’année derrière le Français Jimmy Vicaut (9 s 86). Par contre, il n’a pas encore couru de 200 m en 2016. Mais étant donné que les performances qualificatives pour Rio, selon le système fixé par la Fédération Internationale des Associations d’Athlétisme (IAAF), doivent être réalisées entre le 1er mai 2015 et le 11 juillet 2016, on peut imaginer que la JAAA inclura la notion de classement mondial dans cette période. Cette interprétation permettrait à Bolt d’être sélectionnable sur la base de sa victoire en août dernier lors des championnats du monde en 19 s 55, meilleur chrono de 2015.

Pour autant, Bolt n’est pas tiré d’affaire. Si sa sélection dans l’équipe du relais 4×100 m jamaïcain, invaincu en grand championnats depuis sa 2e place aux mondiaux de 2007 ne fait de doute pour personne, il reste que les athlètes qui constitueront les podiums des 100 m et des 200 m à Kingston prétendront légitimement à une sélection pour Rio en individuel. Et, second problème, Bolt ne pourra pas « prouver l’état de forme de son classement mondial » avant que sa cuisse ne guérisse et sa prochaine compétition à Londres prévue le 22 juillet, après la clôture des inscriptions olympiques fixée le 18 juillet. Quels scénarios s’offrent à Bolt pour que la JAAA inscrive sa star à Rio sans éliminer les médaillés de ses championnats nationaux ?

Selon les règles internationales…

Carole Fuchs, Administratrice aux Inscriptions Sportives lors des Jeux de Londres 2012, spécialiste d’athlétisme et rompue aux méandres des règlements, va nous aider à y voir plus clair en décrivant trois possibilités. Le texte qui suit est ce qu’elle nous écrit au sujet du cas de Bolt, d’après les procédures usuelles d’accréditation des athlètes :

Pour les championnats du monde il est possible d’engager 4 athlètes et de décider à la dernière minute quels sont les 3 engagés définitifs. Aux Jeux Olympiques, ça ne marche pas tout à fait de la même manière car le CIO ne peut pas se permettre d’accréditer des athlètes en catégorie AA (athlètes participants) si en fin de compte ils ne participent pas (question de la maîtrise du nombre final d’athlètes qui est un problème sensible pour la gestion des Jeux). En même temps, il y a un délai d’environ 4 semaines entre la clôture des inscriptions et le début des épreuves, donc plein de choses peuvent se passer dans cette période… En 2012, il y a eu presque 80 athlètes qui ont été engagés à la date limite des inscriptions des JO et qui n’ont finalement pas pris part à la compétition principalement pour blessure et dopage. Par conséquent, il y existe 3 manières de gérer les réserves :

  1. N’ inscrire que 3 athlètes et le 4e n’a pas d’accréditation. Le remplacement se fait par la procédure du « remplacement tardif des athlètes«  en fournissant documents médicaux ou justificatifs, le remplacement doit être validé par le CIO et l’IAAF. Dernier délai: la réunion technique. L’athlète retiré perd son accréditation et son droit de concourir dans d’autres épreuves.
  2. En inscrire 3 et inscrire la réserve pour « Athlètes remplaçants avec une accréditation P ». C’est une accréditation réduite qui permet d’accéder aux stades d’entraînement mais pas de dormir au village par exemple. L’athlète n’est pas dans le quota de la délégation. Tous les frais sont à la charge du comité olympique national. Là encore, le remplacement se fait par la procédure du « remplacement tardif des athlètes » en fournissant documents médicaux ou justificatifs, le remplacement doit être validé par le CIO et l’IAAF. Dernier délai: 24 heures avant la confirmation finale des participants pour l’épreuve. L’athlète retiré perd son accréditation et son droit de concourir dans d’autres épreuves.
  3. Une réserve participant dans une autre épreuve. L’athlète a déjà une accréditation AA du fait qu’il participe dans une épreuve. Il peut être inscrit comme réserve dans une autre. Dans ce cas, du fait qu’il n’y a pas de changement d’accréditation à faire, la décision des 3 participants peut se faire au moment de la confirmation finale des participants pour l’épreuve, sans avoir à passer par le processus de « remplacement tardif des athlètes » .

Pour Bolt, on se retrouverait dans le cas 3, car à moins d’une blessure qui mette un terme à sa saison, il aura au minimum une inscription au 4×100 m. Donc la Jamaïque peut décider ce qu’elle veut à la dernière minute pour le 100 m et le 200 m. Le reste, c’est finalement une question de communication publique.