La tectonique des plaques du Web politique français

Publié le 26 décembre 2012 par Rolandlabregere
A l'issue d'une année politique majeure (primaires socialistes, élection présidentielle, élections législatives, congrès socialiste de Toulouse, élection du président de l'UMP), Linkfluence dresse un nouvel état des lieux du Web politique français et de ses mutations, en regard de la cartographie dynamique consultable sur le Monde.fr.


Les cartographies du Web social produites par Linkfluence reposent sur l'analyse des dizaines de milliers de liens qu'entretiennent entre eux sites, blogs, forums, comptes Facebook ou Twitter. Ces liens (abonnement à un compte Twitter, " amitié " entre deux comptes facebook, republication d'une vidéo sur un blog, lien hypertexte vers une autre page web) sont autant de marques de reconnaissance ou de légitimité pour celui qui en est l'objet. C'est en remontant ces " connexions entre pairs " que Linkfluence reconstitue les grands territoires communautaires du Web social français : plus une communauté sera dense (interconnectée) plus ses publications en ligne seront nombreuses et cohérentes, et plus son influence sera grande.

Il en va de même pour les communautés politiques : le nombre d'acteurs affiliés ou sympathisants d'une formation politique présents sur le Web, et les liens qu'ils échangent entre eux, est un facteur capital d'influence pour cette formation : ce sont autant d'auteurs qu'il sera possible de mobiliser, au service d'un message et d'un objectif.
Ce travail de révélation de réseaux politiques comme invisibles à l'œil nu est mené par Linkfluence depuis 2005. Au moyen de technologies propriétaires et d'analyses éditoriales, Linkfluence cartographie les communautés politiques en ligne comme autant d'empreintes numériques des rapports de force électoraux.

Ont ainsi vu le jour les cartographies 2007, 2009, 2011 et 2012 du Web politique, témoignant bout-à-bout d'une transformation complète du paysage politique en ligne : émergence d'une " réaco-sphère " préalable à la montée en puissance du FN dans les urnes ; dévitalisation de la sphère centriste, en parallèle des difficultés de son navire amiral le Modem ; tensions croissantes au sein d'une sphère de droite jamais complètement unifiée. Cette analyse des réseaux politiques en ligne témoigne des centres de gravité " latents " du jeu politique et de ses acteurs : fin 2011, l'analyse des réseaux du site de Christian Vanneste mettait ainsi en évidence sa proximité manifeste avec des sphères de droite extrêmes.

Un mouvement de " rapprochement " des gauches consécutif à la victoire de François Hollande

La nouvelle édition de la cartographie du Web politique révèle plusieurs enseignements depuis notre dernière exploration : la campagne présidentielle, pas plus que la campagne législative ou le congrès de Toulouse, n'ont significativement affecté les univers de " gauche " rassemblant PC, PRG et Parti de gauche/PCF. Pour autant, si aucun bouleversement majeur ne peut être observé, la victoire de François Hollande n'a pas été dénuée d'impact sur la blogosphère de gauche.

La gauche occupe toujours une position dominante sur le Web politique et concentre en novembre 2012 près d'un site sur deux. Si le volume de sites de gauche a continué à croître (+ 5 %) depuis janvier dernier, ce mouvement doit être nuancé et regardé à l'aune de l'expansion globale du Web politique en cette année électorale (+ 10 %).

Dans le détail, les sites et blogs apparentés au parti socialiste dominent toujours nettement la blogosphère de gauchestructurée autour du site officiel du PS qui reste le plus influent de la cartographie (influence mesurée en fonction du nombre de ses liens entrants). Déjà positionné au cœur du web socialiste sur notre précédente cartographie politique, le site officiel de François Hollande (francoishollande.fr) a vu son spectre d'influence s'élargir au cours des derniers mois à l'ensemble des univers de gauche, mais également du centre, et dans une moindre mesure, de la droite. Candidat ou président de la République, François Hollande voit aujourd'hui son site s'inscrire comme la figure de proue du Web de gauche.

Les autres composantes de la gauche de gouvernement, qu'il s'agisse des radicaux de gauche, des membres du Front de gauche (Parti de gauche et PCF) ou d'EELV, viennent compléter l'univers du Web de gauche. Si ce dernier apparaissait relativement fragmenté en janvier dernier, la victoire de François Hollande semble avoir initié un mouvement de rapprochement et de concentration des représentants de l'ancienne " gauche plurielle " autour des sites apparentés socialistes. Moins morcelée, la blogosphère de gauche amorce donc le quinquennat de François Hollande plus unie que jamais.

A l'image de son déclin dans les urnes, la présence de l'extrême gauche (NPA, LO et autres sites militants) reste quant à elle marginale au sein de la blogosphère politique, connaissant même une décrue depuis janvier (46 sites en janvier contre 42 en novembre 2012).

Le Web de droite en voie de balkanisation

Les véritables évolutions du Web politique sont cependant à droite. Les tendances centrifuges s'y sont considérablement renforcées, moins d'un an après la dernière cartographie. Le Web de " l'appareil " UMP s'est contracté autour du site-mère (u-m-p.org), à proximité de la sphère centriste, tandis que gaullistes et simples sympathisants n'ont cessé de prendre du champ, pour se retrouver aujourd'hui satellisés ou par le Web " de gauche " ou par l'extrême droite.

Les sites de Jean-Francois Copé et François Fillon appartiennent tous deux au premier ensemble, celui des cadres et de l'appareil. De ce point de vue, leurs distances sont minimes : Jean-François Copé n'est pas plus " rattaché " au Web d'extrême droite que ne l'est François Fillon : tous deux sont avant tout perçus comme des responsables UMP. Tout au plus relève-t-on une proximité avec le Centre plus affirmée chez François Fillon - ce qui ne surprendra personne au vu de l'importance d'ex (ou de futurs) cadres centristes (UDF/UDI) au sein de l'aile gauche de l'UMP. De son côté, Jean-François Copé appartient à un ensemble plus strictement UMP, générant moins de liens vers des formations amies ou partenaires. Ces tropismes restent cependant très contenus, et leur appartenance à une même " communauté " UMP n'est pas en doute. Les lignes de faille de la droite républicaine passent entre l'UMP et les formations de droite concurrentes avant même de traverser le Web interne du parti.

Le reste de la " droite républicaine ", échappant à la force de gravité d'u-m-p.org, comprend :

  • Les villepinistes et les gaullistes, à mi-chemin entre l'appareil UMP et les sympathisants. On y trouvera notamment le blog d'Alain Juppé, al1jup.com, qui tient, en ligne comme dans la " vie réelle ", une fonction de coordination et de ralliement de réseaux divergents. Très concrètement, cela signifie que les contenus qui y sont produits (ses articles et donc ses propositions) sont susceptibles d'infuser l'ensemble des communautés de droite.
  • Les conservateurs et blogueurs engagés pour la préservation " des valeurs " traditionnelles, dont les sites sont désormais très proches des marches de la " réaco-sphère ".
  • Et enfin les libéraux, sans véritable surprise ; depuis les débuts de Politicosphère en 2007, ceux-ci ont toujours tenu de respectables distances avec le Web de l'UMP.

L'émergence d'un nouveau Web politique

L'accession de François Hollande à la présidence de la République a initié une nouvelle séquence politique dont les premiers soubresauts se font jour dès à présent. Entre délicate tentative de rapprochement des gauches (au sein du gouvernement Ayrault) et éclatement de la droite, illustré par la création récente du R-UMP, le champ politique français connaît des bouleversements majeurs. Dès à présent, ces mouvements sont observables sur le Web et traduisent l'imbrication de plus en plus évidente des univers hors et en ligne : la " tectonique des plaques " de la politique française se révèle sur le Web. Ce type de cartographie, en dépit des limites propres à toute représentation d'une réalité sociale, permet d'objectiver en partie les structures pas toujours conscientes du jeu politique, les positionnements " réels " plutôt que les positionnements " voulus " de ses acteurs. Le quinquennat qui débute sera l'occasion d'un suivi régulier, sur Politicosphère, de ces zones de fractures et tendances émergentes.

A lire également à l'occasion de cette nouvelle édition : Une " droitosphere " en expansion face à une " gauchosphère " en plein doutes, par Samuel Laurent

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