Loi El Khomri

Publié le 20 décembre 2016 par Christophefaurie
On dit que le problème de la France, perte de compétitivité, millions de chômeurs, montée du FN…, c’est son droit social. Vrai ou pas, si M. Fillon devient président, il faudra passer des paroles aux actes. Le changement s’appellera El Khomri. Selon le billet précédent, cette loi vient de loin.  J’ai rencontré il y a des années certains de ses promoteurs. Je n’ai pas saisi ce qu’ils cherchaient à faire ! Cela en dit long sur le sujet, et son manque de clarté. Car la loi est au confluent de plusieurs courants idéologiques, puissamment culturels, d'où confusion. 
Ultralibéralisme
  • Le législateur a voulu que la politique de l’entreprise s’élabore au plus près du terrain. Parce que c’est là où tout se joue, pense-t-il. C'est aussi le modèle de "l'agilité". C'est une idée qui est associée à la "transformation numérique". Mais qui n'est pas du tout récente. Déjà dans les années 90, lorsque j'étudiais en MBA, on me farcissait la tête de textes contre la "bureaucratie" et pour "l'adhocratie". Idéologie individualiste, à la fois ultralibéralisme à la Hayek, néoconservatisme, mais aussi trotskisme. 
  • C’est aussi la loi des zones franches en situation désespérée. Venez chez nous vous ferez vos lois sociales ! Et c’est peut-être bien pour cela qu’elle inquiète. C'est la menace de la destruction de tout droit social.
La tradition française Mais ce n'est pas que cela,  ce type de pensée est solidement implanté dans notre histoire. Et c'est pour cela qu'il n'est pas évident que tous ses promoteurs soient vendus à l'ennemi.
  • Un raisonnement que j’ai entendu est le suivant. Le mal de la France, c'est le dirigeant de droit divin. Il n'écoute rien. L’environnement concurrentiel est très complexe. Seule l’organisation, dans son ensemble, possède l’information qui permet de le décoder. En forçant le patron à s’entendre avec ses collaborateurs, le système allemand est efficace. C’est ce type d’efficacité que recherchent nombre de promoteurs de ce type de loi. On pourrait appeler ce courant de pensée "co gestion".
  • Il y a surtout une tradition française. M.Macron est un disciple de M.Rocard, lui-même héritier d'un des plus puissants courant de pensée de notre culture nationale. Quel est son nom ? humanisme, radicalisme, personnalisme, solidarisme, voire anarchisme ? Parmi ses promoteurs : Proudhon voire Vercingétorix. L’idéal de cette pensée est l’association de libertaires. C’est le modèle qui réconcilie capitalisme et communisme. C’est aussi le principe de l’économie sociale : l’entreprise comme une république d’égaux (ou d’égos). Ses principes sont férocement anti étatiques, libertaires, mais aussi associatifs. L'individu seul n'est rien. C'est le "ni ni". Ni capitalisme, ni communisme. C'est un modèle anti technocratique. C'est la pensée de la 3ème République, qui a bu un bouillon avec Pétain puis avec les trente glorieuses et sa 5ème République, qui ont installé le règne de l’État.
Une première morale de cette histoire, est que l'on voit ici pourquoi des gens de tous les horizons de pensée ont pu se retrouver dans le pétainisme, le nazisme, 68 ou la révolution française : ils y entendent les idées qui leur sont vissées au corps, et pensent que l'histoire va dans leur sens.