The OA (2016) : les poupées russes II

Publié le 20 décembre 2016 par Jfcd @enseriestv

The OA est une nouvelle série de huit épisodes qui ont été mis en ligne le 16 décembre sur le site de Netflix. Le titre est le surnom que se donne Prairie Johnson (Brit Marling), le personnage central de la fiction que l’on voit dans les premières minutes se jeter en bas d’un pont. Ce n’est que quelques jours plus tard que l’on en apprend un peu plus sur son compte : c’est en fait la fille adoptive de Nancy (Alice Krige) et Abel (Scott Wilson) qui a disparu il y a plus de sept ans. Mais ce qu’il y a d’encore plus surprenant, c’est qu’elle a recouvré la vue (elle qui l’avait perdue depuis sa tendre enfance). Ces mystères ne sont que le début d’une longue histoire qui en recèle plusieurs et que Prairie partage avec un groupe d’initiés, suspendus à ses lèvres. Bien que le projet ait été rendu public depuis plusieurs mois, contrairement à son habitude, Netflix a décidé de mettre la série sur son site en l’annonçant quelques jours à l’avance seulement, ce qui a de quoi nous laisser dubitatifs. Cadeau des fêtes ? Après trois épisodes, il semble bien que oui puisque nous aussi ne voulons pas manquer une ligne du passé de l’héroïne autant tourmenté qu’imprévisible. D’une autre côté, c’est à se demander si The OA a les moyens de combler véritablement nos attentes relativement élevées du point de vue scénaristique.

D’un genre à l’autre

Dès le départ, Prairie a de quoi nous intriguer puisque son geste qui l’a menée à l’hôpital n’était selon elle pas du tout une tentative de suicide. Reste qu’elle demeure muette sur son passé, du moins avec le FBI et ses parents adoptifs qui tentent de savoir par qui elle a été enlevée et pourquoi. Ces réponses, elle les réserve à Steve (Patrick Gibson), Jesse (Brendan Meyer), Alfonso (Brendan Perea) et Buck (Ian Alexander), des adolescents fréquentant le même lycée ainsi qu’Elizabeth (Phyllis Smith), une institutrice. Chaque soir, le groupe se réunit dans une maison abandonnée où Prairie revient sur les événements marquants de sa vie. Née en Russie dans les années 80, elle a frôlé la mort lors d’un accident d’autobus qui s’est projeté dans une rivière. Seule rescapée, elle a néanmoins perdu la vue. Son père a décidé plus tard de l’envoyer dans l’une des meilleures écoles spécialisées du monde, mais est décédé quelques années plus tard. C’est sa tante qui l’a recueillie, puis qui l’a donné en adoption à Nancy et Abel. À l’adolescence, Prairie lors d’un voyage à New York s’est lié d’amitié avec le Dr Hunter (Jason Isaacs) qui la convainc de le suivre chez lui. Une fois arrivé dans sa maison isolée, il l’enferme dans une cage de verre adjacente à trois autres cellules contenant des captifs ayant tous en commun d’avoir vécu une expérience proche de la mort. Prairie réussit néanmoins à gagner la confiance du docteur dans le but éventuel de prendre la fuite, mais rien n’est joué d’avance.

En raison de la direction quelque peu paranormale ou semble s’orienter le récit, plusieurs ont comparé la série à Strager Things, mais en fait les similarités sont plus grandes avec Sense8, elle aussi de Netflix. Cette fiction nous offrait huit histoires parallèles issues de huit cultures différentes à travers le monde et toutes par leurs spécificités parvenaient à nous toucher. Dans le même sens avec The OA, on a droit à des sujets forts (une fillette qui perd la vue, une jeune adulte qui la retrouve ou un enlèvement), mais qui rivalisent notre attention avec d’autres d’un ordre beaucoup plus banal, comme le quotidien de ceux qui viennent écouter Prairie chaque soir. C’est là le meilleur atout de la série : la qualité de sa narration qui ici constitue une jolie mise en abîme du cinéma. Pour preuve : lorsque Prairie rencontre pour la première fois ses cinq « adeptes » vers la cinquantième minute du premier épisode, un nouveau générique apparaît.

Et tout au long de la série, on continue à jouer sur cette ligne fine entre la réalité et la fiction, notamment au niveau de la mise en scène. Il y a d’abord ce quotidien où Prairie évolue chez ses parents adoptifs : la petite ville de St Louis qui semble figée dans le temps. En pleine saison automnale, la luminosité est drabe, les femmes ne portent pas de maquillage et tout le monde magasine chez Costco; cette chaîne de produits en gros aussi attrayante visuellement qu’une usine désaffectée. Dans le monde de la télévision où en général on embellit systématiquement la réalité, il s’agit là d’un réel contraste. Au niveau du scénario par contre, c’est totalement cohérent. Steve peine à gérer son stress, Jesse, malgré ses notes parfaites prend de la cocaïne et Phyllis semble en burn-out. Ces histoires si colorées, si exotiques offrent un exutoire parfait à ce groupe de désaxés.

Des promesses

L’un des éléments clé que l’on apprend à propos de Prairie est qu’à son arrivée au sein de sa famille adoptive, elle est examinée par un médecin qui la diagnostique maniaco-dépressive. À un moment, Nancy lui demande « Are you hearing voices again? », ce qui nous pousse à remettre en question la véridicité des histoires de Prairie. En effet, qu’est-ce qui nous dit que tout ce qu’elle raconte est vrai ? En tous les cas, on peut aisément comprendre pourquoi elle ne revient pas sur l’épisode de son enlèvement avec ses parents. Ils l’aiment véritablement, mais ont tellement peur pour elle qu’ils l’ont gavé de médicaments afin qu’elle demeure « normale ». Mais le fait est qu’elle a bel et bien recouvré la vue et qu’avoir été captive d’un médecin pourrait expliquer sa disparition durant sept ans.

Là où l’on éprouve quelques réserves en regardant The OA est le volet science-fiction ou ésotérique qui semble vouloir s’affermir. Le docteur Hunter effectue sans conteste des recherches sur le passage de la vie à la mort, un trait commun de tous les captifs, mais concrètement, que cherche-t-il à prouver ? Que veut dire Prairie lorsqu’elle affirme à une journaliste qui veut écrire son histoire que de toute façon, ce qui lui est arrivé n’est que le premier chapitre de sa vie ? Pourquoi affirmer s’appeler « OA » ? Il y a aussi le fait qu’elle demande à son quintette de laisser leurs portes de maisons ouvertes lorsqu’ils viennent l’entendre… Bref, bien des mystères qui pourraient s’avérer crédibles ou carrément grotesques une fois dévoilés.

Netflix a l’habitude de renouveler systématiquement pour une seconde saison ses nouveautés, en supposant que dans ce cas-ci, le huitième épisode se termine sur une fin ouverte. Encore une fois à l’image de Sense8, le volet science-fiction nous laissait dubitatifs, mais on y trouvait largement notre compte en se réfugiant du côté des histoires individuelles. En espérant qu’il s’agisse de même pour The OA, ce qui est le cas pour le moment.