Le peinture ukrainienne du XXe siècle à nos jours

Publié le 22 décembre 2016 par Jigece

L’Ukraine est le deuxième pays d’Europe par sa superficie, derrière la Russie et devant la France, et le 8ème par sa population, qui est d’environ 43 millions d’habitants.
Artistiquement, l’Ukraine a vu naître sur son sol de nombreux grands peintres, notamment lors des deux grands mouvements d’avant-garde, celui des années 1905-1930, et celui des non-conformistes des années 1960 et 70.
Ainsi, ont-ils été fortement impliqués dans les deux vagues, avant et après la Première guerre mondiale, de la révolution artistique qui a balayé l’Europe au cours des trois premières décennies du XXe siècle. Parmi les milliers d’étrangers qui composent ce qu’on appelle l’École de Paris, épicentre du mouvement, il y avait des centaines d’artistes Ukrainiens. En fait, dans les années 1908-14, il y avait tant d’artistes ukrainiens dans la ville qu’ils avaient leur propre club appelé le « Cercle des Ukrainiens à Paris » situé dans le Quartier Latin.
On peut citer Alexandre Archipenko (sculpteur), Alexandra Exter, Mykhailo Boïtchouk, David Burliuk, Vladimir Baranoff-Rossiné, Vadim Meller, Vladimir Tatline, Sarah Sophie Stern Terk (future Sonia Delaunay), Mykhailo Andriienko-Nechytailo (qui devient Michel Andreenko à Paris). Mais on peut également en citer d’autres, qui ne sont pas venus à Paris, comme Alexandre Bogomazov. De 1922 à 1930, il a enseigné à l’Académie des Arts de Kiev avec Meller, Tatlin, Victor Palmov. En 1927, il a été membre fondateur de l’Association des Maîtres révolutionnaires de l’Ukraine (ARMU), en collaboration avec Burliuk, Meller, Palmov, Vasil Yermilov et d’autres.

D’autres villes, comme Munich, Berlin et Genève, ont également attiré des artistes, parmi eux Meller, Burliuk et Archipenko. Après 1922, le travail de Tatlin, Malevitch et Exter a eu une forte résonance en Allemagne. Malevich était à Berlin en 1927, et Boïtchouk visité le Bauhaus en 1926-7.
On a souvent englobé l’avant-garde ukrainienne dans le terme « russe », ce qui a nui à sa visibilité. Toutefois, pour certains artistes, cela pouvait être une caractérisation adéquate, en particulier pour ceux qui étaient originaires d’Ukraine mais ont vécu la majeure partie de leur vie créative à Moscou ou Saint-Pétersbourg/Petrograd/Leningrad. Parmi eux, on peut citer Aleksandr Shevchenko, Nathan Altman, David Shterenberg ou Alexis Gritchenko.
Quoi qu’il en soit, grands voyageurs, tous ces artistes ont largement contribué à ce qu’échanges et influences aient lieux de l’Ouest (Paris, Berlin, Vienne, Rome) vers l’Est (Kiev, Saint-Pétersbourg, Moscou) mais également de l’Est vers l’Ouest.
Il faut également remarquer le nombre important de peintres juifs ou d’origine juive, comme Nathan Altman, David Shterenberg, Isaac Dobrinsky (vit à Paris de 1912 à sa mort en 1973), Issachar Ryback, Isaac Rabichev, Solomon Nikritin (du groupe d’avant-garde russe Les Projectionnistes), Isaac Pailes, Emmanuel Mane-Katz, entre autres.

Un peu d’histoire

L’Ukraine est le foyer du premier État slave oriental, fondé par des Scandinaves : la Rous’ de Kiev (appelée aussi dans les écrits occidentaux Ruthénie), qui durant les Xe et XIe siècles est l’État le plus vaste et aussi, après l’Empire byzantin, le plus puissant d’Europe. Cependant, au XIIe siècle, des conflits éclatent entre différents seigneurs locaux. Ces conflits mènent l’État kiévien au déclin, fractionné en plusieurs principautés rivales.
Durant le XIVe siècle, toute l’Ukraine du nord-ouest passe sous l’autorité de la Pologne-Lituanie, qui annexe Kiev en 1362, tandis que les Tatars se maintiennent dans la steppe pontique (s’étend à travers le sud de l’Ukraine et la Russie méridionale) au nord de la mer Noire et en Crimée. Ce clivage entre le nord-ouest, orthodoxe mais d’influence polonaise et lituanienne, c’est-à-dire occidentale, et le sud-est soumis aux Tatars et aux Ottomans, puis conquis et colonisé par l’Empire russe, se retrouve jusqu’à aujourd’hui dans la structure politique du pays : le nord-ouest vote plutôt pour les pro-européens et se méfie de l’influence russe, tandis que le sud-est votre plutôt pour les pro-russes et se méfie de l’influence occidentale (souvent assimilée au fascisme depuis la Seconde Guerre mondiale) et peut même se soulever contre le pouvoir de Kiev lorsque ce dernier se rapproche de l’Ouest.
À la suite de la révolution paysanne anti-féodale (1648-1654), connue dans l’histoire comme Hmelnichina, la partie orientale de l’Ukraine s’émancipe du pouvoir lituanien et se constitue en État autonome de caste cosaque. En 1654, le Traité de Pereïaslav signe dans les faits la séparation de l’Ukraine de la Pologne et son rattachement à la puissance russe et au renforcement de l’orthodoxie dans cette région. Pour la Russie, l’acquisition de l’Ukraine marque le renforcement de sa puissance et justifie son appellation d’Empire et le titre du Tsar comme « Empereur de tous les Rus’ ».

La période soviétique

Après la révolution de Février, qui met fin à l’Empire russe en 1917, l’Ukraine est brièvement indépendante jusqu’en 1920, mais le territoire, d’abord envahi par les Allemands, devient un champ de bataille entre le Parti bolchevique (crée en 1903 sous la direction de Lénine), les Russes blancs (partie de la population russe n’ayant pas accepté la révolution russe et la prise de pouvoir par les bolcheviks) et les forces de la Triple-Entente (alliance militaire de la France, du Royaume-Uni et de la Russie impériale). L’Ukraine est finalement envahie par l’Armée rouge (bolchévique) et ramenée dans le giron soviétique. Le 30 décembre 1922, l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) naît du traité qui réunit la Russie, la Biélorussie, l’Ukraine et la Transcaucasie. Dans le conflit qui oppose les communistes du centre (Moscou) et les partis communistes nationaux, c’est le centre qui l’emporte et impose une fédération.
L’ancien « grenier » de l’Empire russe, devenu une république socialiste soviétique, ravitaille les centres urbains soviétiques. Puis, quand Staline déclenche sa révolution industrielle vers la fin des années 1920, l’Ukraine devient l’une des sources indispensables de son financement. Les années d’industrialisation sont marquées par la construction de ce qui est à l’époque la plus grande centrale hydraulique d’Europe sur le Dniepr, ce qui contribue à l’électrification de la République, ainsi qu’une importante mise en valeur du grand bassin minier et métallurgique, le Donbass, déjà exploité depuis la fin du XIXe siècle.
Après une brève période d’ukrainisation dans les années 1920, se traduisant par le retour à l’ukrainien dans les publications, la réouverture des écoles et des universités avec un enseignement en ukrainien et la promotion des cadres nationaux, Staline ne ménage pas les efforts pour réprimer le moindre signe d’un réveil nationaliste ukrainien, interprété comme un rejet du pouvoir bolchevik et une menace à l’intégrité de l’URSS.
Entre 1931 et 1933, une série de famines et l’intensification de la dékoulakisation frappent l’Union soviétique et ravagent particulièrement l’Ukraine, alors que cette région était la plus fertile de toute l’URSS. On estime qu’entre 3 et 5 millions de personnes seraient mortes des suites de cette famine. De nombreux historiens soutiennent que Staline a utilisé cette famine, voire l’a sciemment provoquée, pour briser la paysannerie et le nationalisme ukrainiens, même si la part de responsabilité du régime et ses intentions restent très débattues. Les Ukrainiens l’appellent « Holodomor » ou « l’extermination par la faim ». Le Parlement européen a reconnu dans une résolution de 2008 l’Holodomor comme un « crime effroyable perpétré contre le peuple ukrainien et contre l’humanité ».

Durant la Seconde guerre mondiale

En septembre et octobre 1939, après l’invasion de la moitié occidentale de la Pologne par les troupes allemandes puis, de sa partie orientale, par les troupes soviétiques, certaines régions polonaises à forte minorité ukrainienne (comme la Galicie et Lwow, aujourd’hui Lviv) sont annexées par l’Union soviétique et incorporées au sein de l’Ukraine occidentale.
À l’été 1941, l’Ukraine est envahie par les armées allemandes. À leur arrivée, les Allemands sont reçus en libérateurs par une partie de la population ukrainienne, surtout par la population de la partie de la Pologne envahie par Staline en 1939 puis intégrée à l’Ukraine. Mais, au fur et à mesure de leur progression vers l’est du pays, et notamment en raison des mauvais traitements infligés à la population, les nazis rencontrent une forte résistance de la part de la population locale, laquelle perdure jusqu’au retour des Soviétiques en 1944. En représailles, les Allemands traquent les partisans, et brûlent des centaines de villages et des milliers de maisons avec leurs habitants. La population juive d’Ukraine est anéantie par l’application de la solution finale.
En 1944, l’Armée rouge libère la plus grande partie de l’Ukraine.
À la fin du conflit, le bilan des pertes ukrainiennes est de 8 millions de morts dont 1,4 million étaient des militaires.
Le 26 juin 1945, l’Ukraine devient l’un des membres fondateurs de l’ONU, en y obtenant (grâce à son rôle dans la victoire sur le nazisme) une place distincte de l’URSS.
En 1954, le 1er secrétaire du Parti communiste d’Union soviétique, Nikita Khrouchtchev, qui a passé sa jeunesse en Ukraine, transfère la péninsule de Crimée à la République soviétique socialiste d’Ukraine pour marquer le 300e anniversaire du traité de Pereïaslav marquant l’union entre la Russie et les provinces formant l’Ukraine d’alors. L’Ukraine est considérée comme un modèle des républiques soviétiques. Notamment, Léonid Brejnev, le principal dirigeant de l’URSS pendant 18 ans entre 1964 et 1982, est d’origine ukrainienne.

Indépendance difficile

C’est seulement vers 1989 que la libéralisation du régime soviétique et la libération des détenus politiques permettent aux Ukrainiens de s’organiser pour défendre leurs droits à la souveraineté. Sous l’influence des députés démocrates, le Parlement adopte, le 16 juillet 1990, la Déclaration sur la souveraineté politique de la République d’Ukraine. C’est le premier pas vers l’indépendance complète de l’Ukraine. Celle-ci est proclamée le 24 août 1991 et confirmée par le référendum du 1er décembre 1991 : 90,5 % des électeurs votent en faveur de l’indépendance.
Le 8 décembre 1991, la dislocation de l’URSS est actée par l’Accord de Minsk, signé par les dirigeants russe, ukrainien et biélorusse.
L’Ukraine devient l’un des membres fondateurs de la Communauté des États Indépendants.
Par le Mémorandum de Budapest sur les garanties de sécurité, signé le 5 décembre 1994, l’Ukraine abandonne son arsenal nucléaire en échange de la garantie par les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie de son intégrité territoriale.
Depuis, au niveau géopolitique, l’Ukraine est considérée comme à la frontière entre les influences économiques et politiques de l’OTAN et de la Russie (on l’a vu plus haut). Ainsi, Viktor Iouchtchenko, homme politique pro-UE et pro-OTAN, accède à la présidence en 2005. En 2010, il est battu par Viktor Ianoukovytch qui à l’inverse, est considéré comme proche de la Russie. Après avoir refusé de signer un accord d’association avec l’Union européenne et des manifestations monstres (Euromaïdan), ce dernier doit fuir, laissant la place à un nouveau gouvernement dirigé par Arseni Iatseniouk, pro-UE. Poutine en profite pour « annexer » la Crimée, après un référendum controversé et non reconnu par l’Ukraine et une large part de la communauté internationale.
Ces crises sont dues en grande partie au fait que, depuis l’implosion de l’Union soviétique et son indépendance, l’Ukraine se développe beaucoup plus difficilement que ses voisins : Hongrie, Slovaquie, Pologne à l’Ouest ou même Russie à l’Est – et à cette partition historique entre le nord-ouest plutôt pro-européen et le sud-est plutôt pro-russe.

Galerie

Voici donc cette peinture ukrainienne en 242 tableaux et autant de peintres.