Pour ceux qui croient que la terre est ronde, de Jean-Rock Gaudreault, par la Compagnie Ici Londres

Publié le 26 décembre 2016 par Onarretetout

Il a vieilli, Christophe Colomb (interprété par Jean-Marc Haloche). C’est son quatrième voyage. Le voici arrêté en Jamaïque, attendant qu’on vienne l’y rechercher. Il répète chaque jour avec son fils, Hernando, 13 ans (interprété par Rémi Goutalier), ce qu’il dira à la reine à son retour. Mais quoi ? A-t-il réussi quoi que ce soit ? Il est sûr que les Indes sont là, à portée de bateau, puisque la terre est ronde et tient en équilibre dans l’espace par la répartition harmonieuse des continents sur le globe. Et peu lui importe ce que disent les autochtones puisqu’ils n’ont pas la science des Portugais, des Espagnols, ceux-là même qui ne lui accordent pas la reconnaissance au prétexte qu’il est Génois… Et sur cette île du bout du monde, un dialogue puissant va s’engager entre le navigateur et son fils. L’admiration de l’enfant pour son père (premier jour) va se muer en reproches quand l’enfant aura lu le récit que fait l’aventurier dans son journal (deuxième jour). L’amour filial ne va pas, pour autant, disparaître (troisième jour) mais il appartiendra au fils de réparer quelques fautes commises par le père. Dans cette relation d’une génération à l’autre, ce n’est pas seulement la science qui évolue. Ici, le fils écoute les indigènes que le père ne considère que comme outil d’enrichissement. Admiratif de l’ingéniosité de ce père, il n’en sera pas moins critique au regard de ce qu’il en fait. Il mettra tout cela dans la malle pour repartir enfin. On ne poursuit l’oeuvre de la génération précédente qu’à cette condition d’en reconnaître les erreurs, de les corriger, de mener « une émancipation critique » comme le dit l'historien Patrick Boucheronpour « renouveler un monde commun », comme l’écrit ailleurs Hannah Arendt.

C'est la première pièce que je vois de cet auteur québécois, mise en scène par Jean-Marc Haloche. J'ai vu ce spectacle au Petit théâtre Odyssée, à Levallois (92) où elle est à l'affiche jusqu'au 29 janvier 2017.