La lecture n’en finit plus de m’enchanter. Quand suspense, connaissances, humanisme et plaisir esthétique s’amalgament entre deux couvertures, comment ne pas être subjuguée?
Ce dernier bonheur en date m’a été offert par un grand bonhomme dont je viens (à ma honte) de faire la rencontre : John le Carré. L’œuvre : La constance du jardinier.
Le livre nous en apprend beaucoup sur les rouages du pouvoir des grandes pharmaceutiques: magouillage des résultats de recherche et méthodes quelquefois terrifiantes de censure, silence des diplomates sur les entorses aux droits de la personne quand rien d’autre ne compte que les intérêts du pays qu’ils représentent, bâillonnement des scientifiques trop scrupuleux. En un mot, les dérives auxquelles peut mener la soif de profit. À ce sujet, voici ce qu’en dit l’auteur dans les notes de fin de livre:
Mais je peux vous dire une chose: à mesure que j’avançais dans mon périple à travers la jungle pharmaceutique, je me suis rendu compte que, au regard de la réalité, mon histoire est aussi anodine qu’une carte postale de vacances.
Et que dire du style de l’auteur. Époustouflant. Alerte. Brillant. Grinçant à l’occasion.
Gloria Woodrow était une de ces épouses modèles de diplomates résolues à toujours voir le bon côté des choses. Et si l’horizon ne s’éclaircissait pas, elle éclatait d’un rire franc et disait : «Eh bien, nous voilà tous dans le même bain!», cri de ralliement invitant les gens concernés à se serrer les coudes et à endosser sans se plaindre les misères de la vie. Fidèle ancienne des écoles privées qui l’avaient façonnée, elle les tenait régulièrement informées de son parcours et se repaissait des nouvelles de ses congénères. Pour l’anniversaire de la fondation, elle envoyait chaque année un télégramme de félicitations fort spirituel, généralement en vers pour que personne n’oublie qu’elle avait remporté le prix de poésie. Séduisante sans recherche, notoirement bavarde surtout lorsqu’il n’y avait pas grand-chose à dire, elle adoptait cette affreuse démarche dandinante qu’affectent les Anglaises de sang royal.
Paru en 2001, le roman a été adapté au cinéma en 2005. Sans avoir vu ce film, je pense qu’il n’a pu en subsister que l’ossature tant ce récit est construit sur les longs interrogatoires de divers protagonistes, interrogatoires qui livrent peu à peu toutes les clés de l’affaire.
Un grand livre. Un grand auteur.
John le Carré, La constance du jardinier, Éditions du Seuil, 2001, 450 pages, (version numérique)