Il faut une clé pour pénétrer sur le site des fouilles. Et cela ne suffirait pas. Sans les explications de quelqu'un comme Guillaume, qui sait "lire" les traces du passé, on aurait du mal à voir ici les anciennes lignes de fortifications, malgré les reconstitutions grand format qui figurent sur les barricades du chantier, percées de temps en temps, il faut y être attentif, de deux trous à hauteur d'homme pour jeter un regard sur l'avancée des travaux.
Les habitants étaient enfermés derrière une muraille il y a 1700 ans pour se protéger des invasions barbares. Depuis elle a pu par endroit servir de mur porteur pour certaines maisons.
Si on regarde la muraille médiévale, et non plus la muraille gallo-romaine, on observe que ce qu'on appelle la Porte peinte, aujourd'hui disparue, était avec la porte aux Fèvres, une des portes d'entrée les plus importantes de la ville. A cet endroit, les magnants, c'est ainsi qu'on appelait ceux qui travaillaient le métal, qu'on appelait alors fevre. Fèvre est l'ancien terme désignant un ouvrier travaillant le fer. Ces artisans faisaient office de chaudronniers ambulants.
Le véritable lit de l'Iton, la rivière qui irrigue la ville, lui valant le surnom de "vile aux cent ponts", a sans doute été détourné il y a plus de 2000 ans et nous ne voyons plus que des canaux artificiels partout où l'eau coule désormais. C'était une rivière puissante qui a participé au creusement des coteaux Saint Michel, assez tendres puisque calcaires. Mais il ne faut pas oublier la vigueur de l'érosion marine. S'il a pu y avoir plus de 300 ponts de pierre, bois, et passerelles pour enjamber l'Iton il en subsiste tout de même 170 aujourd'hui.
La porte n'était pas peinte sur son intégralité. On ignore ce que représentaient les motifs à l'origine, mais on sait que lorsqu'elle fut repeinte, au XV° siècle, on y a placé une statue de la Vierge.
Guillaume nous apprend aussi l'étymologie du mot boulevard, qui vient du néerlandais bolwerk, signifiant place forte. C'est une «promenade plantée d'arbres sur l'emplacement d'anciens remparts» permettant ainsi de contourner une ville de l'extérieur. Le mot date de 1860. Mais c'est en 1670 qu'ils apparurent sans s'appeler ainsi. Ainsi à Paris, Louis XIV décida de reporter la défense du royaume sur la frontière avec la constitution du pré carré et de faire de la capitale une ville ouverte. L'enceinte bastionnée datant de Charles V est détruite et transformée en nouveaux cours carrossables plantés d'arbres qui deviennent rapidement des lieux de promenade à la mode.
Le même processus fut initié à Evreux. L'ancienne route qui mène vers le centre historique actuel. se laisse deviner dans le prolongement des tours. Mais il n'est pas question de poursuivre les fouilles dans cette direction.
Les quartiers marchands/laics/religieux étaient juxtaposés au Moyen-Age, sans imbrication. Les couvents se trouvaient en quelque sorte "rejetés" à l'extérieur des murailles, donc sans le bénéfice d'une protection.
Les deux tours et la Porte peinte disparurent dans les années 1767-69 parce qu'on n'en avait tout simplement plus l'utilité. Au contraire, l'intérêt de Louis XIV était alors de faire abattre tout ce qui pouvait encourager les habitants à se rebeller, car Evreux était une ville sympathisante à la Fronde.
Depuis on a récupéré les pierres et un projet définitif d'aménagement sera annoncé en avril 2017 avec pour objectif de valoriser l'espace dans un cadre de vie agréable et respectueux du passé.
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