Primaire PS 2017 : les sept nains du deuxième débat

Publié le 16 janvier 2017 par Sylvainrakotoarison

Manuel, Benoît, Arnaud, Vincent, Sylvia, François et Jean-Luc sont dans un bateau qui tangue et qui n'est pas loin de couler. Où il est question de désigner un nouveau capitaine de pédalo. Deuxième round.

Le deuxième débat télévisé entre les sept candidats à la primaire socialiste a eu lieu ce dimanche 15 janvier 2017 en direct sur BFM-TV et i-Télé, animé entre autres par les journalistes Ruth Elkrief et Laurence Ferrari. Le fond rouge très agaçant avec ses ombres mouvantes dans le dos des protagonistes n'aidait pas à l'attention et à la concentration d'un tel spectacle.
Fallait-il que la météo fût maussade, le ciel grisâtre, le sol à peine couvert de neige fine pour passer son dimanche après-midi à regarder ce long et laborieux débat ? Il était très ennuyeux, objectivement sans doute pas plus ennuyeux que le premier, mais avec le premier, il y avait la découverte de la confrontation entre sept personnalités qui sont encore loin d'être des "grandes" personnalités politiques.
En fait, ce sont surtout des nains, les sept nains de l'histoire. On peut se rappeler que face à George Bush père, en 1988, le Parti démocrate avait eu du mal à sortir de leurs primaires un candidat valable et on avait alors appelé ces candidats les sept nains (Michael Dukakis avait finalement été désigné, et parmi ses concurrents, on ne manqua pas de retenir un jeune candidat déjà plein de talent, Al Gore, déjà passionné par le thème de l'environnement). Qui est Blanche-Neige ? Marianne, la République ? Ségolène Royal ? (Lors du premier débat, peu ont apprécié la blague de Jean-Luc Bennahmias sur l'actuelle Ministre de l'Écologie).
En regardant ce débat, on comprend aussi un peu mieux pourquoi François Hollande n'a pas voulu le regarder (il a tout fait pour que l'on sache qu'il ne le regarderait pas : il a préféré écouter Michel Drucker dans un théâtre parisien), et surtout, on comprend cette confidence de Jean-Marc Ayrault de ce dimanche soir, selon laquelle François Hollande commencerait à regretter d'avoir annoncé qu'il ne se représenterait pas. Qu'il se rassure ! François Hollande pourrait toujours surprendre son monde et annoncer sa candidature en début février, dans un même agenda que son ancien rival de 2012, après avoir conclu que le candidat socialiste qui sortira de cette primaire serait désormais bien "petit".

"Le Figaro" a même parlé d'un débat qui tournait en rond. J'ai vu surtout que ce deuxième débat a révélé que ces candidats étaient manifestement hors sol, hors des deux préoccupations majeures du peuple français, à savoir le chômage et la lutte contre le terrorisme.
Non, pour ces candidats, il est plus important de parler de la légalisation du cannabis (comme s'il ne faisait déjà pas assez de dégâts, notamment sur les routes, et dont le mélange avec l'alcool est particulièrement dangereux), ou encore de s'amuser capricieusement à redessiner les institutions qui ont pourtant fait leurs preuves (sans la Ve République, François Hollande et eux-mêmes, ces apparatchiks du Parti socialiste, n'auraient pas tenu six mois au pouvoir !).
C'était même la surenchère à la proportionnelle, à un moment de l'histoire républicaine où nous avons besoin d'un gouvernement fort capable de prendre courageusement des décisions fortes pour rétablir l'emploi en France.
Les journalistes, qui pourtant voulaient se montrer percutants (Laurence Ferrari s'est même payé le luxe de défendre son employeur attaqué par l'un des candidats), restent toujours très faibles sur leurs connaissances politiques. Ainsi, lorsque Jean-Luc Bennahmias a parlé de proportionnelle "totale" (pour dire "intégrale") en disant que cela correspondait au scrutin en Allemagne, il a évidemment tout faux puisque les députés en Allemagne sont justement élus avec un scrutin mixte (proportionnel et majoritaire).

Si Jean-Luc Bennahmias s'est vu confirmer le rôle de bouffon de la primaire (apparemment, tout le monde a souri quand il parlait), on comprend aussi pourquoi il faisait l'éloge du cannabis... prêt à former un gouvernement allant de Nathalie Kosciusko-Morizet à Jean-Luc Mélenchon (en passant par le PS, Emmanuel Macron et François Bayrou).
Arnaud Montebourg, l'un des deux candidats qui se prenaient vraiment trop au sérieux, au point d'être obséquieux et pompeux (poupon plutôt pour le second, François de Rugy), n'a pas su rire avec humilité et simplicité de son lapsus, lorsqu'il a parlé de ses soutiens fraudeurs au lieu de frondeurs !
Certes, parfois, l'ennui était mis entre parenthèses lorsqu'il y a eu de timides joutes, toujours ciblées sur Manuel Valls, le seul représentant du pouvoir sortant (à croire que les autres n'ont jamais été ministres de François Hollande !), attaqué par Vincent Peillon puis par Arnaud Montebourg.

D'ailleurs, Manuel Valls, concentrant les attaques contre lui, s'est montré surtout défensif au point d'apparaître comme le Lionel Jospin de 2002, aux yeux écarquillés qui cherchaient à convaincre.
Sur la laïcité, Manuel Valls et Vincent Peillon voudraient rédiger une chartre de la laïcité adossée à la Constitution. Arnaud Montebourg, lui, a trouvé très aventureux de réécrire un texte alors que la loi du 9 décembre 1905 était excellente et encore d'actualité et il a ajouté vouloir constitutionnaliser cette loi. Quant à Benoît Hamon, il a considéré que tout était déjà écrit et qu'il n'y avait pas lieu de légiférer mais d'appliquer la Constitution et les lois.
Ce que j'ai trouvé particulièrement surprenant pour un avocat avisé comme Arnaud Montebourg, c'est que sa mesure est complètement inutile puisque le Conseil Constitutionnel a déjà affirmé, dans sa jurisprudence, que la loi du 9 décembre 1905 faisait partie, par sa nature, du bloc de constitutionnalité et donc, il n'y a pas lieu de vouloir la constitutionnaliser, ce qui serait de toute façon rouvrir une boîte de Pandore dont on ne sait rien de ce qui sortirait.
Vincent Peillon, l'auteur de la fameuse et catastrophique "refondation" de l'école, celui qui, par idéologie, a imposé les nouveaux rythmes scolaires aux enfants (supprimant la journée de repos au milieu de la semaine) et supprimé le latin au collège, a osé déclarer qu'il n'y avait plus aucun problème à l'école primaire et au collège et qu'il fallait maintenant réformer le lycée et le premier cycle universitaire.
Heureusement, ses concurrents n'étaient pas du même avis et ont demandé au contraire de se concentrer sur l'école primaire (Benoît Hamon notamment), proposant de renforcer le nombre de professeurs.
Si Sylvia Pinel semblait un peu fade dans ses propositions, ce fut sans doute elle qui fit le plus de politique : non seulement elle a défendu (avec témérité !) le bilan du quinquennat de François Hollande (il faut insister sur le fait que, quel qu'il soit, le candidat du PS sera obligé de faire cette défense, qu'il le veuille ou pas !), mais aussi elle a attaqué François Fillon sur deux sujets, l'éducation et la laïcité, de manière très politique. La seule femme est peut-être la seule personnalité de la primaire PS à avoir fait un peu de politique, ce dimanche soir ! Les autres trop focalisés à rivaliser de mesures démagogiques sans l'ombre d'un début de financement.

Il n'y a pas que sur l'éducation que le désaccord est patent : en fait, ces candidats pourtant issus du même parti (j'évoque les quatre du PS) ne sont d'accord sur rien ! Ni sur l'école, ni sur l'économie, ni sur la sécurité, ni sur le cannabis, ni sur les institutions, ni sur l'accueil des réfugiés syriens, ni sur le revenu universel. Je vois mal comment le PS pourrait rester intact après l'élection présidentielle avec autant de lignes de fracture. Même sur le nucléaire, ils ne sont pas d'accord, les uns considérant que l'énergie nucléaire est une énergie "propre", les autres que l'indépendance de la France est aussi menacée par la fourniture en uranium et aucun, évidemment, n'a évoqué le fait que pour "lisser" la production d'énergie renouvelable, il faudrait remettre en marche des centrales qui utiliseraient de l'énergie fossile...
Bref, non seulement, une overdose pourrait vite survenir à la vision d'un spectacle si désolant, si ennuyeux et surtout, sans enjeu, car personne n'imagine l'un de ces candidats en capacité de vaincre le 7 mai 2017. Cela reste donc le numéro d'un mauvais feuilleton, qu'on pourrait regarder comme n'importe quelle émission de téléréalité dont on est sûr de la médiocrité et qu'on souhaite regarder jusqu'au bout pour voir à quel point c'est médiocre... Prochain épisode le jeudi 19 janvier 2017 à 20 heures 30 sur France 2. Pour les derniers téléspectateurs courageux.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (16 janvier 2017)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Deuxième débat de la primaire socialiste du 15 janvier 2017.
Premier débat de la primaire socialiste du 12 janvier 2017.
Jean-Christophe Cambadélis.
La primaire socialiste de janvier 2017.
L'élection présidentielle vue en janvier 2017.
François Hollande.
Emmanuel Macron.
Jean-Luc Mélenchon.
Manuel Valls.
Arnaud Montebourg.
Benoît Hamon.
Vincent Peillon.
Programme de Manuel Valls (à télécharger).
Programme de Benoît Hamon (à télécharger).
Programme d'Arnaud Montebourg (à télécharger).
Programme de Vincent Peillon (à télécharger).
Programme de François de Rugy (à télécharger).
Programme de Jean-Luc Bennahmias.
Programme de Sylvia Pinel (à télécharger).

http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170115-primaire-ps.html
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