Culture et religion. La transcendance, une réponse ou une question ? Par Roger Garaudy (1964)

Par Roger Garaudy A Contre-Nuit

I

Photo Marc Garanger


L’ humanisme, depuis la Renaissance, nous a habitués à considérer un hommecomme « cultivé » lorsqu'il est habité partoutes les créations de l'humanité passée.La culture serait donc d'abord un bilan dutravail et des actes créateurs de l'homme,de son savoir et de son pouvoir sur la nature,sur la société et sur lui-même.Mais la culture n'a pas que ce caractèrecontemplatif. Elle ne se réduit pas à laconnaissance et à la possession du passé.Elle a pris à notre époque, avec le marxismesurtout, une signification active. Ellen'est plus seulement de l'ordre du connaîtremais de l'ordre du faire. Elle a acquis unedimension nouvelle, prospective, tournée versl'avenir. L'ensemble des connaissances estun instrument d'action ou de combat pourconstruire un monde où chaque hommesera un homme, c'est-à-dire un créateur.L'humanisme jouisseur se dépasse en humanismemilitant.A l'égard de cette culture, la religion— et nous nous en tiendrons ici à la religionchrétienne — a adopté des attitudes trèsdifférentes, voire opposées.Si la culture, c'est la présence en l'hommede l'humanité, la religion, c'est la présenceen l'homme de Dieu, c'est-à-dire d'abordla reconnaissance de l'insuffisance de l'humain.L'affirmation de la transcendance,c'est-à-dire l'affirmation que le sens de lavie de l'homme et de son histoire ne peutse limiter à son existence empirique, comportedeux interprétations différentes d'oùdécoulent deux attitudes opposées à l'égardde la culture: ou bien l'affirmation de latranscendance conduit à la négation de lavaleur de la vie du corps et de la vie del'intelligence, et nous avons affaire à unantihumanisme, condamnant dans son principemême la culture, appelant folie lasagesse des sages, et exigeant que l'on sedétourne de ce monde perverti par le péché,et de la double concupiscence de la chairet de l'esprit, la culture étant alors vanitémondaine, ou bien l'affirmation de la transcendanceconduit non pas au refus desvaleurs de la culture mais à leur intégrationet à leur dépassement, comme le préconisaitle cardinal Bellarmin dans sa Montéevers Dieu par l'échelle des créatures, ou,plus près de nous, le Père Teilhard deChardin.Dans la première perspective l'oppositionest radicale entre religion et culture.Dans la seconde qui, dans la dernière période,gagne du terrain, comme en témoigneaussi bien l'évolution de l'Église catholiqueavec Vatican II et l'audience croissante querencontre l'oeuvre du Père Teilhard, quel'évolution, dans l'Église protestante, d'unthéologien comme Karl Barth passant deson Commentaire de l'Épître aux Romain àson Humanité de Dieu , le dialogue estpossible, l'affirmation de la transcendanceapparaissant non plus comme une présence(opposée à celle du monde et extérieure àelle) mais comme une exigence intérieureau monde, son ferment et sa vie.Tout le problème des rapports de laculture et de la religion peut donc se formulerainsi: la transcendance est-elle del'ordre d'une réponse ou de l'ordre d'unequestion ?
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