Pretty/Handsome - Critique - Review - Pilot

Publié le 24 juin 2008 par Blabla-Series

Créée et écrit par Ryan Murphy (Popular, Nip/Tuck)
Format 60 mn -  X épisodes
Diffusion - FX

Cast
Joseph Fiennes, Carrie-Ann Moss (Models Inc), Blythe Danner (Huff), Robert Wagner, Sarah Paulson (Studio 60), Jonathan Groff, Jack Cherry (Desperate Housewives)

Plot
Un gynécologue réputé, père de famille aimant, époux attentionné et membre respectable d’une communauté bourgeoise de banlieue réalise son envie de changer de sexe.

Critique

Après les geeks, les trans’ ? C’est une question que l’on peut évidemment se poser vu le nombre non négligeable de séries qui se penchera sur la question l’an prochain. Après le très prometteur et gentiment trash Mrs-in-Betweeny de la BBC, FX a crée sa propre vision du transsexualisme, la chaîne américaine montante depuis The Shield et Damages. Alors est-ce ici de bon augure ou la série signe-t-elle sa troisième série racoleuse au concept aussi vide que l’esprit de Lucy Spiller et Christian Troy ?

Disons-le tout net, Pretty/Handsome, c’est du très lourd et ce n’est pas tant en raison de son concept ambitieux et quelque peu surprenant, le pilot excellant davantage dans sa manière d’aborder ses storylines, toutes vraiment réussies et d’explorer le fond de ses personnages, tous saisissants.

Pareil à Mrs-in-Betweeny, l’intérêt de cet homme aux envies transsexuelles est qu’il est un homme de rang élevé évoluant dans un milieu bourgeois respectable, le triptyque traditionnel country club, parties de tennis et cocktails mondains sont évidemment présents mais sans le côté bougrement cliché de Big Shots. Joseph Fiennes campe cet homme torturé entre ses pulsions naturelles et sa réputation professionnelle et personnelle avec une immense conviction, son malaise étant palpable à de nombreuses reprises. De plus, en soi, cette idée de départ est retranscrite à l’écran avec une réelle efficacité ; d’abord dubitatif quant à une vision de cet acteur plutôt carré en travesti, on en vient vite à reconnaître que Joseph Fiennes est méconnaissable dans la peau d’une femme et que sa manière de lui donner corps est particulièrement sincère et troublante. Je ne pensais pas l’acteur si épatant, si féminin non plus.

Outre son sujet principal intéressant qui permet de s’arrêter sur la crise identitaire de Bob jouant à cet égard remarquablement sur la confusion des genres, la dissonance entre l’être et le paraître,  la construction (notamment sociale) de l’identité sexuée, le pilot jouit d’une diversité de storylines abouties aux problématiques réelles ; malgré un nombre important d’historiettes, le pilot, grâce à une écriture de très haute qualité, ne s’égare à aucun moment et réussit à mener avec brio chacune de ses facettes, on sent que chaque histoire a une réelle importance et permet de mettre en lumière en particulier l’un des protagonistes (petit bémol à l’égard de la liaison du grand-père, sans réelle saveur). C’est vraiment agréable que de ne pas ressentir cette (si souvent) impression que les sous-intrigues ne sont pas que ces bouche-trou scénaristiques superflues, inutiles au traitement du sujet premier de la série. En l’espèce, elles servent bien à la série, finement menée, chaque histoire permet une attention particulière et un attachement rapide à l’égard de son protagoniste.

Le pilot bénéficie en outre d’une réalisation et d’une mise en scène particulièrement soignées, l’univers aisé, bourgeois et notamment celui du country club est assez récurrent dans les séries américaines et pourtant, à aucun moment, on ne sent une approche clichée des choses, le pilot connaît ce je-ne-sais-quoi de nouveau qui permet un ton inattendu et captivant. La réalisation du pilot vacille entre caméra à distance et caméra à l’épaule, procurant elle, un effet immersif au moment où la vulnérabilité des personnages est à son état paroxystique, cela permet un regard authentique et désarmant, une combinaison réfléchie et astucieuse procurant à ce premier épisode une expression singulière et nuancée. De plus, l’accompagnement piano était une grande caractéristique du pilot, l’idée n’a rien de révolutionnaire et pourtant ledit recours fit naître une atmosphère émouvante et vibrante, sans jamais verser dans un mélo déplacé, la bande-son plutôt bonne permettait également de maintenir la dominante dramatique de l’épisode, une qualité artistique supplémentaire très appréciable.

Outre un Joseph Fiennes vraiment étonnant -il faut le souligner à nouveau- la galerie des personnages était aussi excellente, une sensation rare après un seul épisode passé en revue : une épouse perdue très juste, deux enfants éloignés de tout cliché générationnel,  un couple d’amis secondaire vraiment réussi (un véritable plaisir que de retrouver Sarah Paulson, ma découverte et ma plus grande déception sérielle de l’an passé après l’arrêt du grand Studio 60), la distribution des rôles secondaires est également particulièrement bien menée, l’intrigue médicale, symbole du mal-être de Bob était avant tout sublime pour ses deux acteurs transsexuels remarquables.

Au final, un épisode introductif riche et saisissant, un pilot presque parfait émouvant et intriguant, un début glorieux foncièrement sympathique qui laisse présager la qualité certaine du projet et l’investissement important des showrunners (Ryan, c’est l’occasion d’abandonner séance tenante le plus que foireux Nip/Tuck) ; en regardant le pilot de Pretty/Handsome, on a finalement la sensation de voir un épisode introductif maîtrisé du début à la fin et non une simple amorce aux airs aguicheurs, supposé appâter le spectateur en mystères et idées ambitieuses, finalement vides. Le pilot est suffisamment accrocheur et brillant pour montrer que Pretty/Handsome a des idées, de la ressource, une audace certaine et une qualité filmique indéniable, la suite, je l’attends avec une impatience rarement éprouvée. Et si la série conserve cet esprit à la fois envoûtant et mélancolique et cet environnement très plaisant, Pretty/Handsome ne sera rien d’autre que le must-see de l’année prochaine.