Zappa 20 fois

Publié le 14 février 2017 par Hunterjones
Frank Zappa m'a toujours fait un peu peur. Trop intense. Boulimique. Il a bien fait d'être hyperproductif car il a peu vécu, rattrapé par la maladie qui l'a fauché à tout juste 52 ans. 6 ans de moins qu'il n'aurait d'albums.
Mais il a vécu le peu qu'il avait avec la plus grande des libertés. Et un bonheur certain, ses enfants et sa blonde vous le diront.

Il était si libre que ça en faisait peur. Dès son second album, il le titrait de sa philosophie de vie. Je ne me suis jamais permis sa musique, intimidé par le mec. Je dois aussi avouer un certain snobisme dans ce que je considérais du mauvais goût. Mais c'était me laisser guider par la faute de juger un livre par sa couverture.
Je ne crois pas que j'étais prêt avant mes 40 ans pour sa musique. Je n'avais qu'un seul album, une compilation de 1988. Un album que j'aimais beaucoup, mais le reste était pour moi ignorance.

Puis à partir de mes 40 ans, j'ai découvert quelques disques. Et suis devenu, peu à peu, fan assez fini du moustachu et de ses amis.
Voici, pour ceux qui ne connaissent pas Zappa, 20 albums qui vous permettront de vous mettre en oreille l'oeuvre du maestro. En simple ordre chronologique.
Freak Out! (juin 1966)
Commencer avec un album double, ça prend un certain culot. Du culot, Zappa en avait tout plein à offrir. Il déconstruit dès le départ les conventions du rock en faisant s'épouser le art rock et le punk avant l'heure. Il ose même marcher à petits pas dans le territoire des musiciens classiques d'avant-garde. Non-conformiste à prendre au sérieux (même si lui ne le fera pas tellement à l'égard de lui-même).
Absolutely Free (avril 1967)
Album schizo qui passe d'un style à un autre sans avertir. Mutations sonores complexes, improvisations jazz et hommage au Petrushka de Stravinsky. Impossible de ne pas lui trouver un talent et une oreille musicale variée. L'album culmine avec un mini opera rock qui va dans toute les directions, défaut que je lui trouvait aussi, je l'avoue.

We're Only In It For The Money (mars 1968)
Depuis le début, Zappa était une voix pour tous ceux qui se trouvaient outsider du système. Cet album prend les hippies et "les gens normaux" pour les confiner dans la même prison de l'esprit terne et mince. La première partie est toute en satire, tandis que la seconde présente des alternatives. Naïves, mais bon...c'est 1968...et la peur de Zappa se réalise deux ans plus tard à Kent State.
Uncle Meat (mars 1969)
The Mother of Inventions (le groupe de Zappa) n'existe que depuis trois ans et les voilà déjà à produire un second album double! Cet album passe du très irritant au sublime. Aurait gagné à être un album simple.

Hot Rats (octobre 1969)
Premier album de Zappa sans les Mothers. Doo-wop, jazz-rock, jazz sophistiqué. Rock sale et poilu, Zappa se paie de graisseuses lignes de guitare blues et se moque de marier tous les genres.
Burnt Weeny Sandwich (février 1970)
Ayant reformé les Mothers of Invention avec un nouveau line-up, Zappa offre un album principalement instrumental qui sera un de mes préférés. Il fait un autre clin d'oeil à Stravinsky, la seule idole de Zappa, à qui il offre un boogie. L'album clôt sur un joli doo-wop, mais les pièces instrumentales restent mes préférées.
Weasels Ripped My Flesh (Août 1970)
6 mois plus tard, toujours avec les Mothers, Zappa a lu les critiques et lance un autre album (au lieu d'un album double en février) avec plus d'audace cette fois en ouvrant sur un morceau d'avant-garde classique utilisant des sons de voix qui ne seront jamais des mots. Les Mothers ont maintenant une section de cuivres. Il touche au jazz d'avant-garde et au style de Broadway dont il aime souvent se moquer.
Chunga's Revenge (octobre 1970)
2 mois plus loin, Zappa récidive. Les morceaux instrumentaux ont un forte saveur de l'Europe de l'Est. Pas surprenant que le futur Président de la République Tchèque Vaclav Havel s'en soit fait une idole. Zappa (qui aura toujours fait des jingles ici et là) offre aussi du cocktail jazz, du rock pur et dur, du doo-wop et des solos de drum scat. Jamais facile de trouver une cohérence dans le son d'un même album, mais on ne peut pas l'accuser de ne pas être diversifié.

Maka /Jawaka (juillet 1972)
Confiné à une chaise roulante après qu'un fan l'eût poussé en bas de la scène, Zappa travaille beaucoup en studio sur un album qui sera deux longues pièces instrumentales et deux chansons plus courtes. Plusieurs s'entendent pour dire que cet album (sans les Mothers) est la suite de Hot Rats, avec même le clin d'oeil sur la pochette. L'ancien blues plus crotté est maintenant du jazz se rapprochant du jazz fusion. La chanson titre est orgiaque.
The Grand Wazoo ( novembre 1972)
La même année, un album principalement instrumental (et jazz fusion) est lancé. L'attention est davantage sur Zappa le compositeur et l'arrangeur. On y devine davantage un band de jazz qu'un band de rock. Essentiel pour le Zappa instrumental (que j'aime presque mieux que le Zappa chanté).
Over-Nite Sensation (septembre 1973)
Gros succès commercial pour FZ. Simple guitare rock ou funky, accords de jazz, humour sexuel explicite, commentaires juvéniles crasses, voix de Tina Turner et les Ikettes en arrière plan, les chansons de cet album seront de presque toutes les tournées qui suivront.

Roxy & Elsewhere (Juillet 1974)
Zappa avait besoin de musique plus complexe. Après un album de transition, il livre un nouvel album double, au 3/4 en spectacle, plein d'humour, et où son band et lui-même se montrent parfaits virtuoses de leurs instruments.
One Size Fits All (Juin 1975)
Chansons comiques ou musicalement complexes, à cheval entre le rock simple d'Over-Nite Sensation et l'architecture sophistiquée de certains moments de Roxy & Elsewhere. Zappa fait du rock progressif alors que sévit le disco.

Zoot Allures (octobre 1976)
Minimaliste pas rapport aux albums précédents. Beaucoup de basse, des paroles murmurées, un album qui parait sombre, lent, d'un rock sordide. C'est le plus près du crooner que sera Frank.
Sheik Yerbouti (mars 1979)
Album double qui contient beaucoup de controverse comme un portrait de juive désobligeant ainsi qu'un regard sur l'homosexualité mâle et le sado-masochisme qui sera un hit en Europe. Parfaitement politiquement incorrect. Un album que j'ai beaucoup aimé parce que baveux à souhait.
Joe's Garage I, II & III ((septembre et novembre 1979)
Album concept sur Joe le musicien. Zappa continue avec sa fascination pour les histoires d'errances et d'ethnicité, tout comme ses soucis à la salle de bain. Nancy Reagan y mettra ses oreilles et placera Frank sur sa liste noire. Les actes II & III sont lancés 2 mois après la première partie. Zappa lance, en 1979, 7 albums de nouveau matériel ! (seulement?)
You Are What You Is (septembre 1981)
Les textes satiriques sont toujours mordants. Zappa attaque les adolescents, le punk, le disco, le country et la direction des médias, les yuppies, l'industrie de la beauté, les gyms, les vice de la dite haute société, la religion, l'hypocrisie, le suicide, l'appel militaire, Reagan et la censure. Un combat qu'il livrera jusqu'à sa mort.
Them Or Us (octobre 1984)
Il commence et termine l'album avec des clins d'oeils à ce qu'il aimait dans les années 50. Il offre ici un peu de tout pour tous. Du rock à la guitare électrique rugueuse, des paroles vulgaires, de l'explicitement sexuel, Et se moque même jalousement de Bowie. C'est probablement pour ça que j'ai condamné Zappa à la non-écoute pendant si longtemps.
Guitar (avril 1988)
Album sous estimé et peu connu de FZ mais qui montre tout son talent à manier la guitare. Instrumental de bout en bout.
The Yellow Shark (octobre 1993)
Tentant, vers la fin de sa vie, de ranger le personnage de rock, et de léguer au monde le souvenir d'un compositeur, Zappa offre en fin de parcours des albums de "musique sérieuse" cet album déroutera ceux qui en ont aimé les premiers.
You were what you is Frankie,
Wild.