[critique] la Cité des morts

Par Vance @Great_Wenceslas

Second film visionné dans le cadre du FantastiClub, mais premier à y avoir été inscrit, la Cité des morts s'est avéré être une agréable surprise.

C'est dans le cadre d'une interview de Christophe Gans pour le livre le Cinéma Fantastique que je suis tombé sur ce titre, encensé par le réalisateur du Pacte des Loups qui y avait trouvé sa plus grande source d'inspiration à l'époque où il avait mis en scène l'adaptation de Silent Hill.

Et il faut admettre que pour une production un peu fauchée, l'ambiance est relativement réussie : outre quelques intérieurs aux décors chiches, on n'aperçoit que deux rues de la bourgade inquiétante perdue au fin fond de la campagne de la Nouvelle-Angleterre, noyée continuellement sous un épais banc de brume artificielle, conférant ainsi une ambiance ouatée dans laquelle se meuvent sans bruit des silhouettes forcément intrigantes.

C'est là qu'a décidé de se rendre Nan, une jeune étudiante passionnée par la sorcellerie, sur les conseils de son professeur, Alan Driscoll, lui-même natif du lieu. Elle y trouve le gîte dans la seule auberge du coin, en face d'un cimetière abandonné et non loin d'une église délabrée, puis fait la connaissance de Patricia, petite-fille du prêtre local, venue récupérer les affaires de sa grand-mère décédée qui tenait une boutique spécialisée dans les vieux livres. Ca tombe bien pour Nan qui lui emprunte un traité antique sur les pratiques occultes de la région. En l'étudiant le soir même de son arrivée, jour de la Chandeleur, elle entend une sourde mélopée provenant des sous-sols. Malgré les dénégations de la tenancière de l'auberge, Mrs Newless, une femme hautaine au sourire glaçant, elle est persuadée qu'un groupe d'individus procède à une cérémonie secrète et décide de s'y rendre. Malheureusement pour elle, des sectataires lui tombent dessus et l'emportent afin qu'elle soit sacrifiée sur l'autel d'une messe noire, sous les yeux d'une sorcière que d'aucuns croyaient avoir été exécutée trois siècles auparavant...

Et l'on n'est qu'à la moitié de ce film au format bref (76 minutes) qui se poursuivra par une vaine enquête de police puis l'investigation menée conjointement par le petit ami de Nan et le frère de celle-ci, Richard Barlow, professeur de sciences : tous deux prenaient la passion de Nan pour une lubie sans fondement et commencent sérieusement à s'inquiéter deux semaines après sa disparition.

(longtemps exploité sous le titre Horror Hotel) ne s'embarrasse guère de dialogues pompeux ou d'effets de style, mais parvient à intéresser dès les premières minutes par une recherche constante d'efficacité. La musique est discrète et les habituels flonflons ronronnant dans les productions des années 50 et 60 sont moins présents, sachant cesser aux moments opportuns. On ne peut pas vraiment parler d'atmosphère gothique comme dans les productions similaires de la Hammer, mais il y a dans cette brume languissante et ces jeux d'ombres une matière suffisante pour laisser s'immiscer un parfum d'inquiétude. Même si on ne verse pas dans le fantastique poétique du formidable Carnival of Souls sorti deux ans plus tard, on trouve dans ces arrêts sur image surprenants, dans ces silhouettes sombres balayées par les pinceaux souffreteux des phares, dans ces dutch angles brillants suivant la progression de personnages désespérés une certaine maîtrise artistique du sujet, qui propulsent cette petite production au rang de perle intéressante du VII e Art.

Certes, le jeu d'acteur n'est pas le point fort du film, Patricia Jessel jouant davantage sur les grimaces de son visage expressif que sur sa capacité à entrer dans la peau des deux personnages qui lui ont été attribués. Mais en face, il y a Christopher Lee, dans un second rôle un peu déroutant dans lequel on le voit clairement s'amuser à jouer de sa voix de stentor (devant ses élèves un peu ennuyés) et retenir une fureur digne du Cauchemar de Dracula datant de 1958 lorsqu'il se sent acculé dans une discussion. Et si les deux chevaliers servants font vraiment pâle figure ( Bill est un blondinet aux idées courtes et aux muscles saillants, pauvrement interprété par Tom Naylor, Dennis Lotis joue en Dick Barlow un professeur à la grande gueule mais un peu lent à la détente, assez terne), les filles relèvent le niveau, et pas seulement en sachant hurler de terreur le moment venu, mais par leur perspicacité et un jeu en nuances sachant indiquer la persévérance, le doute et le ravissement. La jolie Venetia Stevenson campe une très persuasive Nan Barlow qui illumine la première moitié de l'œuvre par sa blondeur agressive contrastant terriblement avec la pénombre étouffant Whitewood.

Malgré un montage pas toujours évident, quelques facilités scénaristiques, le film parvient à engendrer la fascination et quelques gentils frissons avec ces mains entrant dans le cadre, ces chœurs assourdis sortis de nulle part, ces visages figés et ces sous-entendus qui font d'excellents ingrédients à un bon scénario de l'Appel de Cthulhu. Certes, le caractère fantastique est présent, mais il se refuse à des effets grandguignolesques : pas de giclées de sang ou de jump scares à foison, mais des ombres qui rôdent et le tonnerre qui gronde. La fin est même plutôt réussie, assez spectaculaire en dépit d'une gestion de l'action chaotique.

À Whitewood, Nouvelle-Angleterre, en l'an de grâce 1692, une sorcière est sur le point d'être exécutée sur le bûcher. Avant de périr, elle profère une malédiction sur tous les habitants. Trois siècles plus tard, sur les conseils de son professeur, une étudiante se rend dans cette bourgade perdue afin d'y trouver des éléments pour étoffer son mémoire sur la sorcellerie. Elle ne se doute pas de ce qui l'y attend...

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