[Critique] L’EMPEREUR

Par Onrembobine @OnRembobinefr

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Note:

Origine : France
Réalisateur : Luc Jacquet
Distribution voix : Lambert Wilson
Genre : Documentaire
Date de sortie : 15 février 2017

Le Pitch :
12 ans après La Marche de l’Empereur, Luc Jacquet revient avec un documentaire sur les manchots empereurs en Antarctique. Une plongée en immersion dans le monde des ces êtres charismatiques, curieux et attachants, à travers le regard et le voyage d’un petit manchot, de sa naissance à son exode naturelle vers la mer…

La Critique de L’Empereur :

Ah l’Antarctique, ses étendues de blancs et de bleus qui scintillent au soleil, ses blocs de glace massifs et gigantesques, à la hauteur vertigineuse, comme venus d’ailleurs. Ses paysages incroyablement beaux à l’horizon sans fin. Le continent blanc ne cesse de fasciner. Mais au-delà de sa fabuleuse immensité et de sa nature demeurée intacte, l’Antarctique c’est aussi une faune étonnamment riche pour l’un des environnements les plus âpres du monde. On y trouve des baleines, des phoques, divers oiseaux, des orques et plusieurs espèces de manchots, dont le plus emblématique qui est le manchot Empereur. C’est de ce dernier dont il est question dans le dernier film de Luc Jacquet, simplement intitulé L’Empereur. Un nouveau documentaire hautement technique qui arrive donc douze ans après le célèbre et oscarisé La Marche de l’Empereur. Parfois présenté comme une suite, les deux documentaires sont tout de même assez distincts de part leur style.

Le Manchot Empereur et Luc Jacquet

Le manchot empereur est un animal fascinant pour lequel s’est depuis longtemps passionné Luc Jacquet. Le réalisateur s’intéresse à ce manchot et l’Antarctique depuis qu’il a une vingtaine d’années. Il a déjà tourné trois films sur le continent blanc et sauvage, où il est allé plusieurs fois. Les manchots empereurs sont les plus grands des manchots, ils peuvent atteindre jusqu’à 1m30 et sont uniquement présents sur le continent Antarctique. Ces grands oiseaux, imposants et charismatiques, ne volent pas mais sont de grands nageurs et des plongeurs hors-pair. Ils sont capables de résister aux grands froids grâce à la superposition de leurs nombreux plumages et au fonctionnement de leur vie en société. Par exemple, pour résister au froid glacial, les manchots empereurs utilisent le système de « la tortue ». Un système de rotation en cercle d’individus qui permet de créer une chaleur pouvant monter jusqu’à 35 degrés au cœur du cercle. Les œufs sont couvés par les mâles tandis que les poussins sont protégés et élevés par les femelles. Les manchots empereurs sont des êtres sociaux qui fonctionnent en symbiose, et c’est à cela qu’ils doivent leur survie. C’est au travers d’images sublimes que l’on observe tous ces détails pris sur le vif, et que l’on en apprend davantage sur cette espèce menacée par le réchauffement et le dérèglement climatique. C’est surtout pour faire découvrir la vraie vie de l’empereur que le réalisateur a voulu renouveler l’expérience, cette fois-ci avec de nouveaux bagages de connaissances et avec bien plus de moyens. Les manchots empereurs sont plutôt appréciés du grand public grâce à leur nature pacifique et leur allure sympathique, mais ils sont souvent perçus comme de grands empotés qui ont du mal à marcher sur la glace, se déplaçant avec toute la difficulté relative à leur poids. Rendre à cet animal surprenant de sa superbe, là était le but avoué du réalisateur. Car les empereurs sont des animaux incroyables capables de résister à des températures extrêmes grâce à leur ingéniosité et leur instinct grégaire, mais ils sont aussi capables de plonger à de grandes profondeurs et de rester en apnée pendant de longues minutes. C’est d’ailleurs sous l’eau que les empereurs se transforment en véritables fusées redoutables, faisant preuve d’une souplesse et d’une aisance, toutes deux exceptionnelles. Certaines observations ont montré que l’empereur peut plonger à environ 300 mètres de profondeur et l’on sait en réalité que cela pourrait être bien plus profond. Cet aspect méconnu des manchots est au cœur du documentaire, fort bien renseigné et magnifiquement filmé. Jusqu’à présent c’était surtout la partie terrestre de la vie des manchots qui était montrée, principalement en raison d’une eau de mer inférieure à 0 degré, qui n’encourage pas les observations marines. L’Empereur nous entraîne quant à lui pour un voyage à la fois sur la glace mais aussi en mer…

Des images hallucinantes de beauté

L’Empereur est une vraie réussite sur un plan technique, et c’est d’ailleurs ce qu’il convient d’admettre en priorité. Les images terrestres et sous-marines sont d’une beauté rare et insensée, les décors absolument féeriques sont captés dans leur pure essence, et les cadres alternant les plans larges et rapprochés sont à tomber. Tous ces éléments réunis font du dernier film de Luc Jacquet une expérience immersive et captivante où l’on tend à oublier la caméra, et où l’on se retrouve directement transporté en Antarctique. C’est également une véritable aventure sonore, gorgée des multiples bruits provenant des éléments naturels, priorisant ces derniers à des morceaux de musiques trop bruyante ou à une narration trop invasive. Ici, c’est d’ailleurs Lambert Wilson qui se prête à cet exercice délicat. Passionné par l’Antarctique lui aussi, l’acteur que l’on a récemment vu dans le très bon L’Odyssée, réussit efficacement cet exercice de style avec brio et sobriété, mais aussi avec la plus grande simplicité. L’Empereur est un documentaire qui joue sur les sens, sur les ralentis et les effets de style.C’est une véritable expérience artistique à part entière. La mise en scène est originale, surtout concernant la seconde partie du film, et la réalisation n’est teintée d’aucune forme de clichés inhérents au genre. Point d’anthropomorphisme donc, bien qu’il s’agisse d’une production signée DisneyNature. La liberté artistique et de ton est totalement respectée. On mentionnera tout de même que l’effet pourrait être escompté pour celles et ceux qui auront au préalable visionné le formidable documentaire Antarctica, sur les traces de l’empereur, récemment diffusé sur Arte. Réalisé par Jérôme Bouvier et avec la présence du plongeur et photographe Laurent Ballesta et du photographe animalier Vincent Munier, Antarctica, sur les traces de l’empereur fait partie du même projet et de la même expédition que celle du tournage de L’Empereur. Une expédition baptisée « Wild-Touch Antarctica ! ». On retrouve donc les mêmes images à certains moments mais les deux documentaires, qui ont chacun leur identité propre, valent clairement le détour. Ces équipes de professionnels permettent notamment aux spectateurs d’observer la richesse des fonds marins dans cette zone sauvage du globe, et la diversité d’une vie foisonnante insoupçonnée. S’il y a un seul regret à émettre, et plutôt important, ce sera sûrement celui du manque de poésie et donc d’émotion qui en découle. La fascination pour le manchot empereur n’en demeure cependant pas moindre …

En Bref …
L’Empereur est un film calme et apaisant, visuellement très prenant, qui rend hommage à la grandeur de l’Antarctique, un continent regorgeant de merveilles, dont les manchots empereurs font partie. Les 84 minutes de film nous donnent même le sentiment d’être sur une autre planète tellement les paysages semblent lointains et inconnus. Ce documentaire contemplatif rend toute sa dimension à l’Antarctique.

@ Audrey Cartier

   Crédits photos : The Walt Disney Company France