The Patriot (2017): pas très enthousiaste

Publié le 09 mars 2017 par Jfcd @enseriestv

The Patriot est une nouvelle série de dix épisodes qui a été mise en ligne sur le site de vidéo sur demande d’Amazon le 24 février. Le personnage auquel le titre fait référence, c’est John Tavner (Michael Dorman), un amoureux de la musique qui se voit forcé par son père Tom (Terry O’Quinn) de devenir un « agent sous couverture non officiel ». Nous sommes en 2012 et il a pour mission de stopper le programme nucléaire que l’Iran tente de mettre en place. Pour se faire, il doit s’abord se faire engager par une firme de tuyauterie industrielle du Milwaukee, mais une fois au travail, les embuches se multiplient. Sélectionnée par le public en décembre 2015 lors de sa saison des pilotes, The Patriot a toutes les caractéristiques d’une bonne comédie noire, mais s’égare à peine rendu à la seconde diffusion et ça ne va pas en s’améliorant. Son avantage est que l’entièreté de ses épisodes soit disponible aux abonnés… pour les plus persévérants sans doute.

Conspiration vaudevillesque

Ce n’est pas un hasard si la série se déroule en 2012 alors que la tension entre les pays occidentaux et l’Iran dirigée par le très conservateur Mahmoud Ahmadinejad monte d’un cran quand ce dernier se lance tête baissée dans l’aventure nucléaire. Dans le premier épisode de The Patriot, on retrouve John qui parcourt les villes d’Europe avec pour seuls bagages sa guitare et de la marijuana. Apparemment très attaché à son père, il accepte néanmoins de mener à bien sa mission qui consiste en gros à transiger de l’argent en Iran et de financer un certain candidat qui s’oppose à l’armement nucléaire de son pays. Mais comme on l’apprendra au cours de l’épisode #3, c’est l’inverse qui s’est produit et c’est le mauvais qui a été financé. Toujours est-il qu’entre-temps, John réussit à s’incruster dans son nouvel environnement tout en passant inaperçu. Mais lors d’un voyage au Luxembourg, l’une de ses altercations avec des membres d’un cartel brésilien tourne au vinaigre et se solde par trois meurtres. C’est Agathe Albans (Aliette Opheim) de la police locale qui est chargée du dossier et elle va jusqu’à effectuer un voyage aux États-Unis pour questionner Dennis McClaren (Chris Conrad), un collègue de John et son seul confident dans toute cette histoire.

Les missions quasiment désespérées ont eu la belle part du gâteau cette dernière année, notamment avec des séries comme Shooter, Designated Survivor et 24 : Legacy qui nous offrent des protagonistes empêtrés malgré eux dans des conspirations internationales. Même à plus petite échelle on a eu droit à la mi-janvier à Sneaky Pete (aussi d’Amazon) qui mettait en scène un protagoniste somme toute ordinaire qui devait se mettre dans la peau d’un autre afin de fuir ses ennemis. Effets spéciaux, explosions, fusillades, chantage : pour la plupart, nous avons droit à des surhommes qui à eux seuls portent tout le poids de leurs pays sur leurs épaules. Si ça nous donne une bonne dose d’émotions fortes, on repassera pour le réalisme. C’est en ce sens que The Patriot se démarque de ses contemporaines. John, c’est l’antihéros par excellence que l’on pourrait quasiment qualifier de psychopathe. En effet, il a beau céder à la requête de son père, il s’exécute machinalement à sa nouvelle mission sans enthousiasme aucun. Il va même au premier épisode jusqu’à pousser son concurrent Stephen Tchoo (Marcus Toji) devant un autobus pour obtenir l’emploi à Milwaukee qui lui servira de liaison (toujours non officielle) avec sa mystérieuse mission. À bien y penser, son détachement lorsqu’il commet ce geste donne froid dans le dos et plus tard, il n’hésite pas à poignarder à la cuisse Dennis afin d’effectuer sa mission en paix.

Sinon, la menace nucléaire a beau être réelle, toute cette mission qui est pourtant est au cœur du récit est éclipsée par un humour noir aussi déstabilisant qu’original concernant les différents personnages. Par exemple, dans le premier épisode, on fait également la connaissance d’Edward (Michael Chernus), le frère de John qui travaille à Washington. Lorsqu’il est nommé attaché politique, tout ce qui l’intéresse est de savoir s’il aura droit à un badge. La réponse étant négative, il s’en confectionne un autant absurde que loufoque. En tant que père aussi, ça laisse à désirer. Il commet la bévue de confier son fils Efram (Lyon Daniels) à sa belle-mère qui n’a pas toute sa tête et qui lui raconte l’histoire de Mary Poppins. Quelques minutes plus tard, on voit l’enfant avec un parapluie dans les mains sautant du toit d’un immeuble… il n’en meure pas, mais ses os ont encaissé tout un choc. Reste Dennis qui parce qu’il est mis dans la confidence, se prend lui-même pour un agent secret, ce qui ne fait que mettre des bâtons dans les roues de son congénère.

Et après?

Malheureusement, ce ton déjanté traverse difficilement le pilote. L’apathie de John transperce l’écran et atteint rapidement le téléspectateur qui se met à regarder sa montre de plus en plus souvent. Le plus frustrant concerne surtout ses missions alors qu’on a toujours l’impression d’avoir manqué une phrase de dialogue pouvant expliquer les agissements des protagonistes. En fait, il faut arrêter de trop s’en faire à ce sujet puisqu’à même le scénario, on maintient ambiguïté sur ambiguïté. On pousse en effet la logique de la série « anti-espionnage » avec la femme voilée d’Alexandrie, les multiples voyages entre Amsterdam, le Luxembourg et le Milwaukee, les meurtres, etc. L’épisode #3 illustre assez bien la dynamique. À deux doigts de se faire renvoyer par son superviseur Leslie (Kurtwood Smith), John et ses collègues participent à un weekend de chasse afin de souder l’équipe. Le protagoniste parvient à faire juste assez de boniments au grand patron Lawrence (Gil Bellows) pour qu’à la fin, il décide qu’il fera partie du voyage d’affaires de quelques employés au Luxembourg. Ici, ce n’est donc pas tant sa mission sur le terrain qui importe, mais plutôt comment s’y rendre. Cette formule pourrait fonctionner à la longue si on la truffait des mêmes éléments comiques que l’on retrouvait dans le premier épisode, mais eux aussi se font de plus en plus rares.

En plus de s’ériger en concurrente contre Netflix, c’est en raison de sa fameuse semaine des pilotes qu’Amazon a su faire parler d’elle. C’est qu’à des intervalles irréguliers, elle a pris l’habitude de mettre le premier épisode de plusieurs séries en ligne et de développer celles qui recevraient le plus grand appui du public. Le problème est que le délai entre ce choix populaire et sa mise en ligne est beaucoup trop long, si bien que ces productions tombent rapidement dans l’oubli. Autre handicap : Amazon semble toujours être prise de court dans lesdits choix et une fois la série tournée, le charme est vite rompu (Hand of God, The Man in The High Castle, Red Oaks, etc.) : une formule qu’il faudrait peut-être réinventer…

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