(reportage) Huit poètes d’Allemagne et de France, par Alain Lance, 3

Par Florence Trocmé

Le Grand Huit, troisième étape

Après Francfort en juin 2016 et Berlin en décembre, la troisième étape du Grand Huit s’est déroulée à Paris du 10 au 13 mars. Huit poètes d’Allemagne et de France, Carolin Callies, Marion Poschmann, Monika Rinck, Jan Wagner, Claude Adelen, Gérard Cartier, Valérie Rouzeau et Hélène Sanguinetti, se sont retrouvés pendant deux journées et demie, à l’Institut Goethe puis à la Maison Heinrich Heine, pour se traduire réciproquement avec l’aide de Gabriele Wennemer, Alexandre Pateau, Michael Hohmann, directeur de la Romanfabrik de Francfort, qui eut cette belle idée, et moi-même. Journées de travail intense, amical et passionnant, suivies d’une lecture le lundi soir, devant un nombreux public, au Centre Pompidou, dans le cycle Littérature en scène animé par Martine Grelle. Cette lecture pourra être vue dans quelques semaines sur le site du Centre Pompidou. L’ensemble des poèmes traduits durant ces trois rencontres sera publié en édition bilingue en Allemagne et en France, une coopération des éditions Wallstein et du Castor Astral. Ce livre paraîtra donc pour la Foire internationale du livre de Francfort où, cette année, la France sera l’invitée d’honneur. Que soient vivement remerciés tous les partenaires qui ont permis de réaliser ce projet : le Kulturfonds Frankfurt-Rhein-Main, la ville de Francfort, le Ministère allemand des affaires étrangères, l’Institut français, la Romanfabrik, l’Institut Goethe, la Maison Heinrich Heine, Les Amis du Roi des Aulnes, la BPI du Centre Pompidou et le Printemps des Poètes.
Alain Lance
Monika Rinck
Merci
Et comment on dit à la fin ? Merci, on dit. Voilà, il n’y a plus de vide.
Dans les gestes il y a encore de la lumière, qui part. Vous nous avez donné trop.
Comment on dit, déjà ? Par exemple : je vous remercie pour la lente fin du vide.
Vous avez mis la lumière. Avec vos bras. Je vous remercie beaucoup.
Et qu’est-ce qu’on dit après ? Là, on compte les couleurs. Faux !
Archi-faux. Après la fin, c’est force de gravité contre force centrifuge.
Lumière, air et nourriture vous étaient d’abord extérieurs. C’est exact.
Le geste incontrôlé de colère impliqué dans la naissance des jambes.
La loi du mouvement exige de s’effondrer en direction du ciel.
À la fin, plus de pitié, mais vous, vous disiez : merci à l’extrême fin.
Mais on dit ça aussi ? Et si oui, quand doit-on le dire, à qui ?
Vous étiez à deux. Ça rendait la parole plus facile, la rendait plus difficile.
Mais le mouvement pourrait porter cela, le poser, le bouger donc. À la fin
Miséricorde, bien sûr. Non rien de cela. Rien d’autre en fin de compte que le souhait
De ne plus attendre plus dès aujourd’hui, de ne plus persévérer dans le déséquilibre oblique
D’une question, geste ou demande d’excuse, d’une esquisse de regret
ou expression d’un regret dans une langue incompréhensible. Persévérez donc,
en remerciement de l’insondable enchantement ou chant qui tout doucement vers le haut,
le bas, d’un côté, de l’autre se met en mouvement. Le remerciement est l’inconnu.
Ça reste quand en vient à l’adieu. De l’invité, lorsqu’il doit partir.

Merci
Wie sagt man am Ende? Merci, sagt man. Da ist jetzt keine Leere mehr.
In den Gesten ist noch Licht, das geht. Sie haben uns zu sehr belohnt.
Wie sagt man noch? Etwa: Ich danke Ihnen für das Verenden der Leere.
Sie haben Licht gemacht. Mit Ihren Armen. Dafür danke ich Ihnen sehr.
Und was sagt man danach? Da zählt man dann die Farben auf. Falsch!
Voll falsch. Nach dem Ende steht die Schwerkraft gegen die Fliehkraft.
Licht, Luft und Nahrung waren Ihnen zunächst äußerlich. Das ist richtig.
Die Fuchtel einer aufgebrachten Geste, beteiligt am Entstehen der Beine.
Das Gesetz der Bewegung verlangt, in Richtung des Himmels zu stürzen.
Am Ende war keine Gnade, Sie aber sagten: Danke, am äußersten Ende.
Aber sagt man das auch? Und wenn ja, wann soll man es sagen, zu wem?
Sie waren zuzweit. Das machte das Sagen leichter, machte es schwerer.
Die Bewegung aber könnte das tragen, hinstellen, eben bewegen. Am Ende
natürlich Erbarmen. Nein, war da nicht. Am Ende war nichts als der Wunsch,
nicht länger zu warten, ab heute nicht mehr auszuharren, in der Schräglage
einer Frage, Geste oder Bitte um Entschuldigung, einer angelehnten Reue
oder Äußerung der Reue in unverständlicher Sprache. Harren Sie also aus,
im Dank des unergründlichen Sogs oder Songs, der ganz leise nach oben,
unten, zur Seite, zur anderen, in Bewegung gerät. Der Dank ist das Fremde.
Das geht, wenn es zum Abschied kommt. Des Gastes, wenn er weiter muss.
Les deux premiers reportages d'Alain Lance : (carte blanche) à Alain Lance : retour de Berlin, (reportage) Huit poètes d’Allemagne et de France, par Alain Lance, 2
Photo Monica Rinck, Wikipédia, fiche de la poète.