Les Haut débit a renforcé la culture Porno des ados

Publié le 21 mars 2017 par Jean-Pierre Jusselme
Alors que le débat sur l'accès des sites pornographiques aux mineurs a été récemment relancé par la ministre des Familles, Laurence Rossignol, l'Observatoire de la Parentalité & de l'Éducation Numérique (OPEN) a souhaité faire le point sur l'évolution de la consommation de pornographie chez les adolescents et son influence sur leurs comportements sexuels. L'étude de l'Ifop porte sur un échantillon représentatif de 1 005 adolescents âgés de 15 à 17 ans. Cette enquête permet d'y voir plus clair sur l'évolution et l'ampleur d'un phénomène qui suscite autant de craintes que d'idées reçues.

La moitié des adolescents âgés de 15 à 17 ans ont déjà surfé sur un site pornographique (51%), soit une proportion en nette hausse (+ 14 points) en 4 ans (37% en septembre 2013). Et si les écarts entre sexe s'estompent, la fréquentation des sites X reste une pratique très genrée au regard du différentiel d'expérience entre garçons (63%) et filles (37%). L'essentiel de la consommation pornographique des ados sur internet s'effectue via des sites gratuits (96%, contre 78% chez l'ensemble des Français), à peine 4% des adolescents ayant déjà surfé sur un site payant au cours de leur vie (contre 22% chez l'ensemble des Français), que ce soit sous forme d'abonnement (4%) ou de payement à l'unité (3%). A 15 ans, la moitié des adolescents interrogés ont déjà vu un film X, que ce soit sur un support télévisuel (46% avant 15 ans) ou sur le web (47% avant 15 ans). Ce rajeunissement de l'accès à la pornographie se retrouve aussi dans la baisse de l'âge moyen de la 1ère visite sur un site porno : 14 ans et 5 mois en 2017, contre 14 ans et 8 mois en 2013. En majorité, les ados considèrent eux-mêmes que cette première expérience était prématurée. En effet, plus d'un ado sur deux (55%) considèrent qu'ils étaient " trop jeune " la 1ère fois qu'ils en ont vu, 45% qu'ils avaient " l'âge pour en voir " et 0% qu'ils étaient " trop âgés "... Alors que le premier visionnage d'un film X constitue pour la plupart des garçons (64%) une expérience solitaire généralement associée à une activité masturbatoire, la majorité des filles (53%) déclare avoir vu leur premier porno avec quelqu'un d'autre, essentiellement avec leurs ami(e)s (36%) et leurs petits amis (13%) Près d'un ado sur deux (45%) estime que les vidéos pornographiques qu'il a vues au cours de sa vie ont participé à l'apprentissage de sa sexualité, soit une proportion largement supérieure à celle observée dans la population adulte ayant déjà vu un film X (35% en 2009). Près d'un ado sur deux (45%) a tenté de reproduire des scènes vues dans des films pornographiques, soit une proportion assez proche des adultes (47%).Toutefois, les ados reproduisent plus régulièrement des pratiques vues dans des vidéos X : 20% s'y sont adonnés " plusieurs fois ", soit deux fois plus que dans la population adulte (11%).


Films pornos et adolescents : Thomas Rohmer par franceinter

À PROPOS DE L'ETUDE :

Etude de l'Ifop pour l'Observatoire de la Parentalité et de l'Éducation Numérique réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 21 au 27 février 2017 auprès d'un échantillon représentatif de 1 005 personnes, représentatif de la population âgée de 15 à 17 ans résidant en France métropolitaine. La représentativité de l'échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, situation et filière scolaire, profession du chef de ménage, région, taille d'agglomération).

Les Haut débit a renforcé la culture Porno des ados

" Etroitement liée à la généralisation du haut débit et des terminaux mobiles offrant un accès aisé, discret et bon marché à ce type de contenu (le taux d'équipement des smartphones y a été multiplié par quatre en 5 ans par exemple), la banalisation de la consommation de pornographie chez les adolescents est un phénomène dont l'impact sur leur sexualité ne se limite pas qu'au visionnage passif d'images pornographiques. S'effectuant désormais principalement via des sites streaming gratuits, cette consommation de pornographie s'est en effet accompagnée d'un accès de plus en plus précoce et prématuré aux contenus pornographiques qui renforce le rôle des films X dans l'apprentissage de la sexualité et, plus largement, l'intégration des codes et scénographies de la pornographie dans le répertoire sexuel des ados. "

François KRAUS, directeur du pôle Politique / Actualité à l'Ifop

" Les contenus pour adultes doivent rester pour adultes "Thomas Rohmer

Thomas Rohmer est expert depuis plus de 10 ans sur les questions de protection de l'enfance en lien avec les univers numériques. Fondateur de l'OPEN (l'Observatoire de la Parentalité & de l'Education Numérique), il a été nommé par le Premier Ministre en octobre dernier " 'expert protection de l'enfance et numérique " au sein du HCFEA, et est administrateur bénévole de la Voix de l'Enfant en charge des questions numériques depuis 7 ans.

Dans quel contexte avez-vous fait réaliser cette étude ?

La commande de cette étude s'inscrit dans le cadre des actions annoncées par L. Rossignol dans son plan national des violences faites aux enfants (mesure 7). En effet, mardi 21 mars se tiendront deux groupes de travail impliquant tous les acteurs économiques, associatifs et institutionnels impliqués autour de ce sujet. A l'issue de cette journée du 21 mars le flambeau sera passé à l'OPEN pour mettre en application les préconisations de ces groupes de réflexion à travers la mise en place cette fois d'un groupe de travail que je co-piloté par l'OPEN et la DGCS ce qui devrait permettre d'inscrire les choses dans le temps.

Quel est votre point de vue sur les résultats ?

Cette étude permet pour la première fois depuis 2003 de dresser un tableau exhaustif de la situation réelle de consommation de contenus Pornographiques par les Mineurs. Elle nous révèle que cette consommation est en hausse chez les ados, qu'elle se déroule désormais presque uniquement sur téléphone mobile grâce à l'accès gratuit qu'offre ces milliers de site qui sont présents sur la toile. Nous appelons tous les acteurs qui seront présents lors de la journée du 21 mars à prendre leur responsabilité afin de faire en sorte que ces contenus qui " sont faits par et pour des adultes " le demeurent.