En France, l'autisme n'existe pas !

Publié le 25 juin 2008 par Handimobility

  EN FRANCE, L'AUTISME N'EXISTE PAS !

Un article soumis par Karina Alt

Très souvent, la communauté Handimobility oublie que le blog est la aussi pour publier vos articles, vos réactions face à ce vaste domaine qu'est celui du handicap.

 

C'est cette possibilité qu'a justement utilisé Karina pour dénoncer la situation de l'Autisme en France

 

Je vous soumet donc "in extenso" l'article qu'elle a composé

 

Pour lire TOUT son article n n'oubliez pas de cliquer sur le bouton "LIRE LA SUITE" 


 

Malgré des recommandations de bonnes pratiques, malgré les rapports parlementaires, malgré les Lois et les décrets, malgré le nouveau Plan Autisme 2008/2010, la France continue à organiser l’exil des personnes autistes en Belgique, ou bien de faire subir à celles qui restent des traitements indignes à l’éthique médicale et non évalués scientifiquement. Près de 600 000 enfants et adultes sont concernés par ce délaissement et cette maltraitance.


« Une société incapable de reconnaître la dignité et la souffrance de la personne, enfant, adolescent ou adulte, la plus vulnérable et la plus démunie, et qui la retranche de la collectivité en raison même de son extrême vulnérabilité, est une société qui perd son humanité. »[1]  

France ! Cinquième puissance mondiale sur la scène économique. Terre de culture et de liberté ; terre de révolution, de justice, d’égalité ; terre des droits de l’homme et de liberté. Mais est aussi la terre d’une maltraitance sans nom, honteuse et ignominieuse envers les enfants et les adultes atteints d’autisme ; elle est aussi la terre de souffrance et d’abandon d’environ 600 000 personnes (CCNE, 2007) vulnérables qui n’ont commis d’autre crime que de naître avec ce handicap.

 

En 1995, sous la pression associative, la France reconnaît l’autisme comme un handicap et non plus comme une maladie, mettant un terme aux discussions philosophiques sur son caractère temporaire et donc curable en opposition au caractère stable et permanent nécessitant une rééducation.

 

Des politiques nationales sont dès lors mises en œuvre, mais le dépistage et le diagnostic et le traitement ne suivent pas. Les psychiatres français qui sont en charge de la pose du diagnostic continuent à utiliser la Classification Française des Troubles Mentaux de l’Enfant et de l’Adolescent (CFTMEA), dans laquelle les Troubles Envahissants du Développement n’existent pas, et classent l’autisme dans les psychoses infantiles. Les thérapeutiques qui découlent sont ainsi d’origine psychanalytique, interprétatives, on recherche dans l’histoire des petits patients le choc initial, la désaffection maternelle qui a entrainé les symptômes. On attend l’émergence du désir des enfants au lieu de leur apprendre par des méthodes alternatives à communiquer, à être autonome, à être propre, à apprendre. Au bout de quelques années, les troubles du comportement, le délaissement et la régression sont tels, que la seule solution est la médication à haute dose. Lorsqu’ils sortent de ces unités psychiatriques d’enfants pour rentrer dans les Hôpitaux psychiatriques pour adultes ou, pour les plus chanceux lorsque les parents les récupèrent au domicile, ces personnes atteintes d’autisme ne parlent pas, n’ont accès à aucune autre forme de communication, portent encore des couches, et suivent des traitements neuroleptiques qui relèvent de la camisole chimique.

Dans ce paysage, quelques associations ont crée des établissements spécialisés, mais c’est la psychiatrie française qui en a la charge, ainsi les neuroleptiques ne sont pas donnés parce qu’il s’agit d’un besoin des personnes, mais pour soulager les soignants qui n’ont reçu aucune formation sur les techniques comportementales ou rééducatives. L’institution est malade mais la réponse est de droguer les autistes !

 

Et pourtant, la France sait ce qu’il faut mettre en place, car depuis plus d’une décennie les rapports alarmants et les Lois se succèdent, mais les résistances corporatistes sont inébranlables.

  

Pour un bref rappel du contexte historique de cette dernière décennie :

 La Loi du 11 décembre 1996 modifiant la loi du 30 juin 1975, relative aux institutions sociales et médico-sociales et tendant à assurer une prise en charge adaptée de l’autisme pose le principe que « Toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique et des troubles qui lui sont apparentés bénéficie, quel que soit son âge, d'une prise en charge pluridisciplinaire qui tient compte de ses besoins et difficultés spécifiques. Adaptée à l'état et à l'âge de la personne et eu égard aux moyens disponibles, cette prise en charge peut être d'ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et social ». 

Le rapport parlementaire de Jean-François Chossy d’octobre 2003 sur La situation de l’autisme en France, insiste sur

  • la nécessité de développer la recherche
  • la nécessité d’un diagnostic précoce et la mise en place d’un dépistage
  • l’information et l’accompagnement des familles
  • le besoin de formation de l’ensemble des professionnels intervenant
    en particulier dans le champ de la petite enfance

En 2004, l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) publie son rapport sur l’évaluation des psychothérapies commandité par la DGS (Direction Générale de la Santé), organisme gouvernemental. Ce rapport conclut à la supériorité incontestable des thérapies cognitivo- comportementales par rapport aux thérapies psychanalytiques et cela dans toutes les pathologies étudiées. Ce rapport déclenche en France une guerre ouverte entre tenants des deux approches, les médias se font l’écho des uns ou des autres. Mais la pression psychanalytique est telle, que quelques mois après sa sortie, lors d’un forum de psychanalystes, le Ministre de la Santé, désavoue et censure ce rapport en promettant aux psychanalystes qu’ils n’en entendraient plus parler et fait retirer du site du Ministère toute mention le concernant.

 

En 2005, dans les recommandations pour la pratique professionnelle du diagnostic d’autisme, la Fédération Française de Psychiatrie recommandait fortement d’utiliser pour le diagnostic nosologique la terminologie employée par la Classification Internationale des Maladies (CIM10) pour homogénéiser la formulation des diagnostics donnés aux parents et faciliter les comparaisons en recherche (FFP, 2005, p13).

 

En 2005 encore, le premier Plan Autisme sort et poursuit la création des Centres Ressources Autisme initiée en 1999. Les CRA structures médico-sociales ont pour vocation l'accueil, l'orientation, l'information des personnes et de leur famille, l'aide à la réalisation de bilans et d'évaluations approfondies, la formation, le conseil auprès de l'ensemble des acteurs impliqués dans le diagnostic et la prise en charge de l'autisme et des troubles apparentés, l'animation de la recherche, sur un territoire donné. Et c’est à la psychiatrie psychanalytique qu’on va les confier.

 

En mars 2006, une pétition à l’initiative des chercheurs INSERM et CNRS et des enseignants chercheurs en psychologie est envoyée au Ministèrede la Santé, afin que la formation au titre de psychothérapeute soit réglementée. Mais en France, pas besoin d’être psychologue ou médecin pour se déclarer psychothérapeute. La formation des psychologues dans les universités est orientée sur les théories psychanalytiques, seules quelques universités offrent des diplômes en psychologie scientifique ou comportementale. La psychanalyse continue toujours à être l’idéologie dominante en France. Les « prises en charge courantes dans les institutions sanitaires ou médicosociales en France se construisent autour d’une approche théorique dominante inspirée par la psychanalyse » (DGAS, 2007 p40)

Malgré quelques tentatives d’ouverture, on comprendra pourquoi dans les programmes d’études des infirmiers en psychiatrie, des éducateurs spécialisés, des pédiatres, des psychologues, des médecins généralistes, des psychiatres c’est de Freud, Lacan et de Bettelheim que l’on érige en tenants du savoir ! La spécialité de neuropsychologie n’existe pas et c’est à ces psychiatres psychanalystes qu’il revient de poser des diagnostics d’autisme en France.

 

Aujourd’hui, le traitement adapté de l’autisme n’existe pratiquement pas en France, car les professionnels (excepté pour ceux des quelques établissements crées à l’initiative des associations de parents) qui en ont pourtant la charge ne sont pas formés à l’autisme et aux interventions éducatives reconnues par la communauté scientifique. Les Lois et décrets n’ont ainsi sur le terrain, aucun effet pratique, et l’on serait bien tenté de conclure qu’aucune Loi ne peut changer les représentations sociales et culturelles d’une société, quand bien même ces représentations fussent-elles erronées et éloignées des découvertes scientifiques au sein d’une société moderne et industrialisée.

  Une situation critique pour plus d’un demi-million de personnes atteintes d’autisme et leur famille. Près de 600 000 personnes atteintes de troubles du spectre autistique et environ de 5000 à 8000 nouveaux nés par an développeront ce handicap (CCNE, 2007) 

En 2008, il est courant d’avoir des enfants autistes suivis dans des centres médico-psychologiques (antennes de l’Hôpital) et pour lesquels on n’a prescrit aucun examen clinique, métabolique, génétique ou autre, puisqu’on explique aux parents que le trouble est dû à une relation parentale défaillante ou fusionnelle et que c’est vers ce dysfonctionnement que doit se porter le traitement psycho-dynamique. Les autres explorations étant de ce fait écartées d’emblées car considérées inappropriées!

 

Et pourtant une volonté de rétablir la situation existe, la loi du 11 février 2005 « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » si elle marque un tournant dans la législation, ne change pas encore les mentalités. La situation est telle qu’aujourd’hui on parle de maltraitance des personnes autistes ! (CCNE, 2007).

En effet en 2006 le ministère de l’Education Nationale avançait le chiffre de 64% des enfants autistes qui n’étaient scolarisés d’aucune façon  (DEPP, 2006).

Un rapport du CNSA la même année, montre que la demande en créations d’établissements ou de services d’accompagnement à domicile pour les personnes autistes persiste. Et de ce fait, les adultes sont presque systématiquement dans l’incapacité de s’insérer socialement et professionnellement puisqu’ils n’ont pas librement accès à une prise en charge ou à une éducation adaptée à leurs problèmes. En raison du nombre très limité de structures adaptées, les personnes autistes se retrouvent souvent à la charge de leurs parents, ou internés de façon définitive en hôpital psychiatrique, les plus chanceuses sont envoyées en Belgique loin de leur famille dans des institutions financées par l’Etat français. Car c’est cela la France des autistes en 2008 : l’exil ou l’internement à vie sous camisole chimique dont le film de Sandrine Bonnaire (2007) est une illustration criante.

L’Etat laisse ainsi le soin aux parents qui se regroupent en associations de trouver les ressources pour accompagner leurs enfants. Ils ont la charge de se battre pour obtenir un diagnostic, un traitement adapté, de trouver les formateurs pour former les professionnels, de créer des institutions, des écoles spécialisées… Ceux qui n’ont pas les ressources pour entreprendre ce travail colossal, en continuant à subvenir aux besoins de leur famille, ont la possibilité d’envoyer aux frais de l’Etat français leurs enfants dans des centres adaptés en Belgique, de les garder au domicile jusqu’à leur mort ou de les faire interner définitivement en Hôpital psychiatrique.

 

En juin 2007 est publié un rapport (DGAS) sur les interventions éducatives, pédagogiques et thérapeutiques proposées dans l’autisme, fait sous l’égide du Ministère de la Santé, (Baghdadli et al, DGAS, 2007) qui dresse un répertoire des pratiques existantes. On peut constater dès lors, qu’outre la psychanalyse, sont considérées comme thérapeutiques dans les institutions françaises, la Communication Facilitée[2], le packing,[3] le holding[4], la pataugeoire[5], les animaux[6], la pâte à modeler… Mais le pire c’est que des médecins et des psychiatres français appliquent aux enfants et aux adultes des thérapies sans fondement scientifique et dont l’efficacité n’a jamais été évaluée. « Ainsi il n’existe pas d’études sur l’effet des thérapies à référence psychanalytique ce qui nous amène à dire qu’il n’existe pas de preuve de leur efficacité » (DGAS, 2007,P 260)

Alors que les thérapies pour lesquelles on dispose les études et les preuves scientifiques sont diabolisées, décriées, stigmatisées et non remboursées par la Sécurité Sociale.

En France, si les controverses sur la reconnaissance de l’importance d’un diagnostic précoce sont depuis peu terminées, elles concernent maintenant l’ accès à une éducation adaptée des enfants en milieu ordinaire, l’insertion sociale des enfants et des adultes par rapport aux foyers de vie occupationnels et médicalisés,la nécessité d’une participation de la famille à l’accompagnement de l’enfant, le choix éclairé et l’accès des familles à la prise en charge la plus adaptée et individuelle des enfants. Pour les adultes la situation est encore plus dramatique d’autant plus que le manque actuel d’études épidémiologiques en France, participe au déni de leur besoin d’accompagnement adapté.

 

Dans ce panorama, en Novembre 2007, le Comité Consultatif National d’Ethique saisi par plusieurs associations de parents d’enfants autistes publie son rapport qui conclue que pour les personnes atteintes d’autisme « L’absence de diagnostic précoce, d’accès à l’éducation, de socialisation, et de prise en charge précoce adaptée conduit donc, dans ce handicap grave, à une perte de chance pour l’enfant qui constitue une «maltraitance» par défaut » (CCNE, 2007,p7).

 

Le plan Autisme 2008 / 2010, présenté le 16 Mai 2008 par le Gouvernement français, en réponse à cette situation déplorable, bien qu’il montre une bonne volonté politique de prendre concrètement en charge le problème, continue à faire de la psychiatrie l’interlocuteur privilégié des personnes autistes et de leurs familles, continue à vouloir évaluer les pratiques thérapeutiques et éducatives qui ont déjà l’aval de la communauté scientifique internationale depuis plus de 30 ans, accorde 173 millions d’euros sur les 187 millions prévus, aux institutions psychiatriques et médico-sociales pourtant responsables de ce gâchis.

 

Mais maintenant, c’est la justice qui devra trancher, face à cette situation inique. Déjà Autisme-Europe, avait assigné la France devant le Conseil de l’Europe pour manquement à ses obligations éducatives, et a obtenu gain de cause en 2004 et en 2006 l’association Léa pour Samy a porté plainte contre l‘Etat pour discrimination à l’égard des enfants autistes ; ce dossier à été confié au Juge d’instruction du Pôle Santé du Tribunal de Paris.

 

Car malgré tous ces rapports, recommandations et Lois, la France ignore le problème de l’autisme, mais :

  • en continuant de permettre l’utilisation de classifications diagnostiques dépassées au détriment des recommandations internationales, la France nie l’existence de l’autisme
  • en refusant de prendre en charge les besoins fondamentaux de ces personnes, la France nie l’existence des autistes
  • en continuant d’organiser la déportation en Belgique des enfants et des adultes autistes, la France permet à l’autisme de ne pas exister sur son territoire
  • en continuant de permettre le défaut de diagnostic précoce, le défaut de soin et en refusant de mettre un terme immédiat à la maltraitance sanitaire, la France se rend coupable purement et simplement de l’élimination massive des personnes autistes.
 

C’est ce que la France de 2008 fait encore aux personnes atteintes d’autisme.

  

En droit international, il existe un mot pour décrire un crime qui correspond à

« …l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

  
  • Meurtre de membres du groupe ;
  • Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
  • Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
  • Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
  • Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe. »[7]
 

Ce mot est Génocide.

 

La seule différence, c’est que les personnes autistes ne constituent pas une ethnie. Ils ne sont personne, puisque en toute impunité, la France continue de faire avec eux ce qu’il est interdit de faire avec un autre groupe humain. Et puisque l’Etat n’ignore plus ces faits, cette maltraitance ne deviennent elle pas dès lors intentionnelle ?



[1] Comité Consultatif d’Ethique CCNEAMEISSEN J C, (rapporteur)   2007, Sur la situation en France des personnes enfants et adultes atteints d’autisme, AVIS n° 102,  [2]La « communication facilitée » ou « psychophanie » est une méthode qui se veut thérapeutique, s’adressant à des personnes handicapées de la parole. Le « thérapeute » est appelé le Facilitant, son patient, le Facilité. Aucun apprentissage, aucun prérequis n’est nécessaire pour le Facilité. Le thérapeute saisit fermement la main du handicapé en laissant dépasser son index, puis appuie sur les touches d’un clavier d’ordinateur, ou d’un clavier alphabétique, sorte de petite machine à écrire, d’où part un ruban sur lequel s’impriment des mots, des phrases, que le Facilitant lit à haute voix, au fur et à mesure de la frappe. Lorsque l’on assiste à une séance ou que l’on visionne une cassette de démonstration, on se rend compte immédiatement que c’est bien évidemment le Facilitant qui « fait tout le boulot ». Dr Laurent Jézéquel - SPS n° 277, mai 2007 http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article743

[3] Depuis plusieurs années, la technique du packing (ou séances d’enveloppements dans des draps froids et humides) est proposée pour le traitement des enfants et adolescents autistes les plus gravement malades dans les hôpitaux Psychiatriques pour enfants (Hôpitaux de Jour). Le packing a pour but d’aider le patient à retrouver une image corporelle en privilégiant ses vécus sensoriels et émotionnels http://fr.wikipedia.org/wiki/Packing

[4] Mise au point par Martha Welch aux Etats-Unis, découle du courant psychanalytique selon lequel les TED sont causés par un déséquilibre émotionnel dominé par l’anxiété, qui résulterait d’un manque de lien entre la mère et l’enfant. La holding thérapie se propose de restaurer ce lien lors de sessions de 45 minutes durant lesquelles les parents sont encouragés à contenir leur enfant en lui expriment des affects positifs et en les regardant dans les yeux (Mellier, 1995 ; Burszejn, 2004) cité par DGAS 2007

[5] Flaque thérapeutique ou l’on observe les enfants et ou on les prépare à une psychothérapie, utilisée classiquement dans les hôpitaux de Jour.

[6] Zoothérapies, équithérapies,etc…

[7] Extrait de l’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, entrée en vigueur le 12 janvier 1951