Anne est une nouvelle coproduction de huit épisodes entre CBC au Canada (diffusée chaque dimanche depuis la mi-mars) et Netflix (en ligne dès le 12 mai). L’action se déroule dans la province de l’Île-du-Prince-Édouard à la fin du XIXe siècle alors que Marilla Cuthbert (Geraldine James) et son frère Matthew (R.H. Thompson) planifient d’adopter un garçon pour aider ce dernier dans les travaux de la ferme. Seulement, l’agence fait une erreur et leur envoie Anne Shirley (Amybeth McNulty), une jeune orpheline qui se distingue à la fois par ses cheveux roux et son franc-parler. Reste à savoir si la chimie passera suffisamment entre les deux parties pour qu’ils puissent vivre tous ensemble. Étant donné la notoriété des livres de Lucy Maud Montgomery dont cette adaptation s’inspire, ainsi qu’une première série qui elle aussi a vu le jour à l’antenne du diffuseur public canadien en 1985, cette question relève plutôt de la rhétorique. Pourtant, on ne se lasse pas de revivre les aventures de cette adorable fillette et cette nouvelle version nous arrive avec une plus-value à laquelle il vaut la peine de s’attarder, sachant que l’on tombera rapidement accro.
Une époque…
Lorsqu’il tombe nez à nez avec cette jeune rouquine laissée seule, Matthew n’a pas le cœur de l’abandonner. Sur le chemin menant vers les Pignons Verts (le nom de la propriété des Cuthbert), il se rend rapidement compte que ses histoires qu’elles soient inventées ou non viendront mettre un peu de piment dans leur morne quotidien. Passé le premier choc, Marilla accepte de prendre Anne à l’essai et après une violente incartade entre celle-ci et la voisine Rachel Lynde (Corrine Koslo), une certaine routine où tous y trouvent leur compte s’installe. La jeune fille se découvre beaucoup d’affinités avec Diana Barry (Dalila Bela) qui a son âge et c’est en revenant d’un goûter chez sa famille que la broche de Marilla disparaît. Persuadée que c’est Anne qui la lui a volée, elle décide de la renvoyer à l’orphelinat, mais à peine la rouquine a-t-elle quitté en train que l’on retrouve le bijou. Dans le second épisode, Matthew part à sa recherche dans les environs de Charlottetown et c’est in extremis qu’il répare les pots cassés. Au final, cette aventure aura cimenté les liens du clan Cuthbert-Shirley au point où Matthew et Marilla décideront de l’adopter légalement.
… et une jeune fille
C’est ce contexte socio-économique ou encore hiérarchique qui nous aide à mieux cerner notre héroïne. On comprend d’abord à quel point le fait d’être orphelin en cette fin de siècle vient avec son lot de préjugés : des voleurs, des menteurs, des indésirables, etc. Dès lors, il nous est plus facile d’éprouver de la sympathie à l’égard de la jeune rouquine lorsqu’elle affirme à Matthew : « I like imagining better than remembering », d’où le monde fantasque qu’elle se crée et qui lui sert d’évasion. Pour ajouter un peu plus de chair au personnage, le recours aux flashbacks où elle est victime d’intimidation se révèle très utile tout en se faisant l’écho d’une réalité à laquelle des pays comme le Canada ont été particulièrement sensibilisés ces dernières années, notamment avec l’arrivée des réseaux sociaux. Dans le second épisode lorsque Matthew retrouve enfin Anne dans une gare à Charlottetown, il peine à la convaincre de retourner aux Pignons Verts et finalement affirme haut et fort aux autres voyageurs : « She’s my daughter! »… ce qui nous fait immédiatement monter les larmes aux yeux. Toute cette séquence, pour ne pas dire l’épisode en entier n’avait pas été portée à l’écran dans la version originale : une autre raison d’apprivoiser la nouvelle mouture.
Enfin, on ne peut passer sous silence les talents de l’actrice Amybeth McNulty. Pour ne rien enlever à Megan Follows, cette dernière avait 17 ans lorsqu’elle en incarnait une fillette de 14 tandis que la nouvelle a le même âge que son personnage, ce qui est davantage réaliste. Aussi, le fait qu’elle soit d’une beauté un peu moins classique que sa prédécesseure nous la rend plus vulnérable quand on entend les autres se moquer d’elle.
Outre les premiers téléfilms de la CBC, le personnage d’Anne n’est jamais tombé dans l’oubli. Entre l’Île-du-Prince-Édouard dont le tourisme ne dérougit pas d’un iota, la petite orpheline rousse a touché le cœur de millions d’étrangers de partout dans le monde, de la Suède en passant par le Japon. Ironiquement, c’est ce pays qui est à l’origine d’une nouvelle version en dessins animés à la fin des années 70 qui a entre autres trouvé preneur à… Radio-Canada à l’époque ! Et malgré des adaptations récentes, notamment un long métrage à PBS et une série jeunesse à YTV, l’incontournable est définitivement ce partenariat entre CBC et Netflix. Entre cette mise en ligne prochaine un peu partout dans le monde et celle du diffuseur public canadien ayant récolté une audience de 815 000 téléspectateurs pour son premier épisode et 780 000 pour le second, nul doute que d’autres saisons sont à venir.
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