(poètes) Marco Giovenale

Par Florence Trocmé


 

Marco Giovenale est né à Rome en 1969 où il travaille comme éditeur (dont une importante anthologie de Roberto Roversi) et traducteur. Il est un des poètes italiens les plus originaux.et se reconnait moins chez ses collègues actuels que chez les expérimentaux des années 60 comme Emilio Villa et Amelia Rosselli. Il se sent bien dans la compagnie des poètes Language nord-américains (comme Charles Bernstein) ou même post-language comme les conceptuels autour de Kenneth Goldsmith, ainsi qu’avec les poètes avant-gardistes français, de Christophe Tarkos jusqu’au magazine Nioques. Il est ainsi plutôt un de ces poètes planétaires émergents avec l’interconnexion de l’internet : actif dans plusieurs blogs dont le plus important est GAMMM où il écrit et publie d’autres avant-gardistes, il participe au centre culturel romain La Camera Verde où il organise des expositions, et il fait des lectures dans d’autres pays que l’Italie, en italien ou en anglais. Giovenale distingue deux facettes dans sa poésie. La première est son « écriture linéaire » avec des poèmes en vers ou prose qui dressent des paysages linguistiques ambigus, polymorphes, néo-dadaïstes, à la cohérence volontairement écartelée, qui arrivent parfois à toucher par une ombre de lyrisme impersonnel désespéré ou offrent des critiques du langage de bois des médias et du capitalisme. Pour Giovenale une grande partie du langage implique des relations de pouvoir qu’il s’agit de déconstruire de multiples manières : fragmentation, puzzles, ready-mades en révèlent l’aspect de montage non-transparent, manipulé/manipulable. Une beauté inquiète peut quand même se dégager des scories d’une civilisation complexe en déshumanisation. Sa deuxième facette est une « écriture asémique », où il rejoint un mouvement avant-gardiste actuel encore peu connu (« asemic writing ») mais actif dans divers pays par des sites internet, et  qui a développé d’hermétiques images d’écriture manuscrite indéchiffrable -pouvant évoquer des précurseurs comme Michaux ou Dotremont -, poèmes visuels qui refusent la communication et produisent des graffitti et idéogrammes subversifs en réponse à un monde machinique ultra-connecté, avec un désir de partager ces poèmes qui sont distribués gratuitement par courriel, mail-art ou photocopie souvent sans nom d’auteur, appartenant à tout le monde, à qui veut les regarder, compléter ou jeter, d’humain à humain, avec leur irréductibilité simple, leur esthétique fragile, leur rêve de langage.
Bibliographie sélective :
Curvature, La Camera Verde 2002
Endoglosse, e-book 2004
Criterio dei vetri, Oedipus 2007
La casa esposta, Le Lettere 2007
A Gunless Tea, Dusie 2007 (en anglais)
Sibille asemantische, La Camera Verde 2008 (poésie visuelle)
Shelter, Donzelli 2010
In Rebus, Zona Editrice 2012
Anachromisms, Ahsahta 2014 (en anglais)
Numeri morali, gammm 2014 (livre électronique)
Il paziente crede di essere, Gorilla Sapiens 2016
Strettoie, Arcipelago Itaca 2017

Traduction en français :
Une vingtaine de pages de Marco Giovenale figure en bilingue italien-français (traduites par Michele Zaffarano) dans l’excellente anthologie avant-gardiste « Italie / Italia » de la revue Nioques (n°14, 2015) éditée par Jean-Marie Gleize.
Sitographie :
Ecouter Marco Giovenale dire en italien certains des poèmes traduits ici (dont « sono entrati i ladri nella casa ») en allant sur l’audiothèque Lyrikline
Un extrait en français du livre de poèmes et photos « La casa esposta » dans le site web « Une autre poésie italienne » de Jean-Charles Vegliante
Un extrait du poème en prose « Phobos » en bilingue français-italien sur le site de plaquettes « Benway Series »
Interview très intéressante de Marco Giovenale en anglais avec un exemple de ses poèmes visuels « asémiques » et de multiples liens internet.
Pour les italianisants, une vidéo de Marco Giovenale donnant des poèmes gratuits et introduisant sa poésie ; il lit ensuite le poème « Phobos » , atteignant un rythme de lecture assez impressionnant sous un écran à images kaléidoscopiques