(Note de lecture), Werner Lambersy, "Hommage à Calder", par Jacques Morin

Par Florence Trocmé

Les poèmes de Werner Lambersy tiennent de plus en plus à un fil, non que le poète vieillisse prématurément, non qu’ils se désunissent, mais comme le titre le poète, simplement parce qu’ils possèdent une structure verticale, filiforme, comme les célèbres mobiles de l’artiste. Et l’équilibre tient. Ainsi cet éclairage dans le métro :
Lumière
d’élytres dans
le couloir 
en céramique
des yeux…
Chaque vers se contente d’un mot, (ou deux ou trois), leur longueur comme on dit en poésie se révélant plutôt une largeur, étroite en ce cas. La strophe pouvant équivaloir en réalité à une phrase ou deux…
Werner Lambersy parle de choses simples : sa fille, son fils, l’amour, l’écriture, le réveil, la ville, la fin, ou de choses plus abstraites aussi, l’âme, dieu… mais toujours avec cet humour délicat, cette distance courtoise et bienveillante :
Je remercie  
le papillon
qui hier après-midi
a bien voulu
passer le quart
de sa vie avec moi…

Il maîtrise parfaitement comparaisons et métaphores, le matin de la ville entraîne des images continues de naissance et de lever :
Le néon
vide son dentifrice
sur la chaussée…

Sa fibre érotique reste toujours palpable, lorsque comparaison n’est pas raison :
Je t’ai fait  
les seins
comme on fait
les vendanges…
Werner Lambersy cueille des détails courants, indices du tout venant, et en tire des images éblouissantes. Il trie dans la boue sableuse les poussières aurifères et forge des brindilles dorées. Non content d’avoir ce pouvoir exorbitant, il écrit sans trêve ni repos. Ainsi c’est le cinquième recueil chez Rhubarbe, ce qui en fait l’auteur le plus édité, et il publie de même beaucoup et partout.
Dehors
les réverbères
ont passé
les bas résille
de la pluie.
Mais au fond que faire d’autre quand on a de l’or dans les mains ? Quand on est, pantin onirique, suspendu au merveilleux ?

Jacques Morin

Werner Lambersy, Hommage à Calder, Rhubarbe, 2017, 84 pages, 8 €. Gravure d’Elisabeth Gasquères, décédée en 2013, à qui est dédié ce volume.
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