Les principaux épisodes de l’existence de Casanova se trouvent bien sûr évoqués dans cet ouvrage. La jeunesse vénitienne, les multiples voyages à travers l’Europe, sa carrière de libertin, l’évasion de la prison des Plombs, le duel au pistolet avec le comte Branicki, ses nombreuses escroqueries, son appartenance à la franc-maçonnerie, jusqu’à la retraite forcée à la fin de sa vie dans le château du comte de Walstein, en Bohème. Mais toujours le casanoviste veille et, sans pour autant méconnaître la beauté et la richesse de la matière de l’Histoire de ma vie, le mélange de fable et de vérité est sans cesse pris en compte. Ainsi, Jean-Claude Hauc passe au crible inventions, enjolivements, effets d’autocensure, emprunts divers et «corrections» de la mémoire, sans jugement ni anathèmes.
Le rapport de Casanova avec les femmes occupe une place importante dans l’ouvrage. Aristocrates, comédiennes ou chanteuses, beautés ancillaires, courtisanes et bourgeoises, nonnettes en feu et surtout, comme chez Don Giovanni, la giovin principiante. Jean-Claude Hauc est même parvenu à identifier une maîtresse de Casanova qui avait jusqu’alors résisté à tous les chercheurs. Dans son livre il évoque également divers personnages fréquentés par l’aventurier, comme son frère Francesco, célèbre peintre de batailles bien plus connu que lui à l’époque, Zorzi Baffo, Edoardo Tiretta, surnommé le «comte de six coups» à cause de sa vigueur auprès des dames, Ange Goudar, Saint-Germain ou Cagliostro. Il consacre des articles à l’escrime, à son obsession de l’inceste père/fille, à ses «égarements contre nature», à son rapport à l’oralité et son appétit d’ogre.
Mais une grande partie de l’ouvrage est consacrée au rapport entretenu par Casanova avec l’écriture. Ses premières tentatives en italien, l’adoption du français pour la rédaction de l’Icosaméron et enfin, à partir de 1790, la rédaction de ses Mémoires qui l’occupera jusqu’à ses derniers jours. La première version d’abord qui lui fait dire à son ami Opiz : «J’écris ma vie pour me faire rire. J’écris treize heures par jour qui me paraissent treize minutes.» Puis la seconde, la seule qu’il nous reste, pour l’agrément du prince de Ligne. Toute une vie d’aventure pour trouver enfin sa véritable voie. « Lui qui fut toujours l’homme de l’instant, l’homme sans conséquence, se métamorphose par la réminiscence et ose vivre sa vie une seconde fois. L’instant cède la place à la durée. L’aventurier devient écrivain…»
Bernard Bonavita
Miscellanées casanoviennes, de Jean-Claude Hauc Hippocampe éditions, 240 pages, 15 euros.