Pendant ce temps, Far Cry 5 sème apparemment la controverse

Publié le 25 mai 2017 par _nicolas @BranchezVous

Après avoir parcouru la planète, la série Far Cry s’arrêtera prochainement aux États-Unis, ce qui ne semble pas faire l’affaire de tous.

Mercredi, Ubisoft Montréal dévoilait au monde entier l’affiche de son prochain jeu phare, Far Cry 5, sans passer par quatre chemins.

Alors qu’on savait déjà que l’action du jeu allait se dérouler au Montana, tel que mentionné par la courte vidéo diffusée par Ubisoft en début de semaine, on ignorait toujours quel était le groupe auquel les joueurs allaient être confrontés. Les seuls indices? Un fugitif en fuite, le bruit du canon d’un fusil de chasse, et le son du clocher d’une église arborant un symbole semblant être inspiré de la croix de fer – une décoration militaire allemande réappropriée par le régime nazi.

S’agirait-il d’une secte de hillbillies racistes de confession chrétienne? La seule façon pour Ubisoft de l’annoncer plus clairement aurait été de l’écrire en majuscules.

Seulement l’affiche promotionnelle de Far Cry 5 ne donne pas dans la subtilité. Pas besoin d’avoir suivi un cours en histoire de l’art pour reconnaître qu’il s’agit d’une reprise de La Cène de Léonard de Vinci, version glauque red neck. On retrouve un arsenal militaire en avant-plan, une table sur laquelle est posée le drapeau des États-Unis dont les étoiles ont été remplacées par les mystérieuses croix, un hipster au centre à la place de Jésus (on dirait Dusan Nemic, mais sans son accoutrement de yoga), cinq autres barbus, une femme fleur à la main, un loup ensanglanté, et un prisonnier ligoté avec pour mention SINNER (pécheur) au dos. L’église fait également son retour dans le paysage.

S’agirait-il d’une secte de hillbillies racistes de confession chrétienne? La seule façon pour Ubisoft de l’annoncer plus clairement aurait été de l’écrire en majuscules.

N’allez pas croire non plus que l’utilisation d’Amazing Grace est une contradiction ici : cet hymne a beau être profondément ancré dans le gospel, la chanson a été composée par John Newton (qui, vous l’aurez deviné, était blanc).

Cela dit, cet ancien marchand d’esclaves (eh oui) s’est repenti avant de consacrer le reste de sa vie à l’abolition de l’esclavage (après avoir été touché par la grâce de Dieu). Et c’est d’ailleurs après ce changement radical de position qu’il a écrit son œuvre, ce qui explique très certainement l’amour que lui porte la communauté chrétienne afro-américaine. Mais bon, cette secte anonyme peut très bien avoir omis ce léger détail.

Et c’est alors que la marde pogna

Toujours est-il que cette affiche a heurté les sensibilités des adeptes de la droite alternative américaine. Un terroriste peut-il être blanc? Un terroriste peut-il croire en Dieu? Un terroriste peut-il être Américain? Manifestement pas selon Paul Ray Ramsey, vlogueur et personnalité publique influente de ce milieu :

Guess who are the villains in the new Far Cry game? Muslim terrorists who explode nail bombs? ISIS who burn people alive? Nope. Christians. pic.twitter.com/OGodCAGd6Y

— RAMZPAUL (@ramzpaul) May 24, 2017

«Devinez qui seront les méchants dans le nouveau Far Cry? Des terroristes musulmans qui font exploser des bombes à clous? Le groupe armé État islamique qui brûle des gens à vifs? Non. Des chrétiens.»

Peu importe qu’il s’agisse manifestement d’un groupe de dérangés. Peu importe que nous soyons dans un univers fictif. Peu importe le fait que l’on retrouve une panoplie de jeux et d’œuvres qui se sont déjà «attaqués» de près ou de loin à l’église. En cette ère où Donald Trump est le président des États-Unis, ce genre de proposition de la part d’Ubisoft, une société française, ne passe pas. Du moins, pas aux yeux de certains.

Car d’autres ont salué l’audace. C’est notamment le cas d’Erik Kain, journaliste pour Forbes.

«Tous les jeux ne devraient pas être politiques, mais certains jeux devraient l’être, et tant qu’à faire de la politique avec un jeu vidéo, allez-y jusqu’au bout ou laissez faire.»

«Les néonazis de Whitefish, le Montana qui a menacé de tenir une marche armée récemment, et les groupes suprématistes blancs ont été plus actifs qu’auparavant ces derniers mois», écrit Kain. «Ce jeu pourrait très bien frapper en plein dans le mille.»

«À cela, je dis : allez-y, et arrangez-vous pour que ça tienne. J’espère qu’Ubisoft ne retiendra aucun coup de poing. Tous les jeux ne devraient pas être politiques, mais certains jeux devraient l’être, et tant qu’à faire de la politique avec un jeu vidéo, allez-y jusqu’au bout ou laissez faire.»

Ce n’est évidemment pas le premier jeu d’Ubisoft à semer la controverse. En fait, ce n’est même pas le premier Far Cry à susciter la grogne d’internautes. L’affiche de son prédécesseur, Far Cry 4 en 2014, avait été perçue par certains comme une œuvre raciste lors de son dévoilement. Le hic? Le personnage blond sur l’affiche, la main posée en dominance sur un prisonnier d’origine étrangère, était non seulement l’antagoniste (alors que certains croyaient qu’il s’agissait du protagoniste), mais «il n’est pas blanc», comme l’a précisé à l’époque le directeur créatif de Far Cry 4, Alex Hutchinson d’Ubisoft Montréal.

Croyez-vous que Far Cry 5 soit réellement menacée d’être la cible d’une campagne de la droite alternative américaine pouvant affecter ses chiffres de ventes, ou s’agit-il simplement d’une tempête dans un verre d’eau?

Soulignons qu’Ubisoft Canada prévoit dévoiler davantage d’informations au sujet de Far Cry 5 sur sa chaîne YouTube ce vendredi.