Vargas Llosa n’avait encore jamais évoqué, dans un roman, le Pérou aux mains de Fujimori, dont il fut l’adversaire malheureux lors des élections présidentielles de 1990 (et qui, depuis, condamné pour crime contre l’humanité, est enfermé dans une prison de luxe). Et c’est sans doute parce que lui-même était partie prenante dans la grande Histoire, et qu’il montre ce que le Pérou ne serait pas devenu si lui avait été élu, qu’il garde une certaine distance pudique, et use du voile de la comédie pour parler d’événements qui lui tiennent particulièrement à coeur.
Aux cinq rues, Lima, moins directement autobiographique que La Cathédrale, est cependant un roman intime, guilleret et douloureux à la fois, dans lequel, sans faire de plaidoyer pro domo, il dit sa vérité sur une époque noire dont il n’a été que spectateur et victime, alors qu’il aurait pu en occuper la première place. C’est aussi un chant d’amour à Lima, à ses lumières, à ses quartiers populaires, à sa violence et à son charme. Ce bref roman pourrait porter le titrer d’un album célèbre du plus récent (et ô combien justifié) prix Nobel de Littérature : Bringing it all Back Home.
Christophe Mercier
Mario VARGAS LLOSA Aux cinq rues, Lima Traduit de l’espagnol par Albert Bensoussan et Daniel Lefort Gallimard, 300 pages, 22 euros.
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