Paula (2017) : une folie qui ne tient pas la route

Publié le 18 juin 2017 par Jfcd @enseriestv

Paula est une nouvelle série de trois épisodes qui a été diffusée du 25 mai au 8 juin sur les ondes de BBC Two en Angleterre. Le titre fait référence au personnage principal (interprété par Denise Gough) qui enseigne la chimie dans un lycée et qui voit sa vie tourner au cauchemar après avoir eu une aventure d’un soir avec James (Tom Hughes), un ouvrier qui est aussi instable mentalement que capable du pire physiquement. En raison du peu d’actions concrètes posées par la police, la jeune femme ne pourra compter que sur elle-même, mais ayant elle-même un grain (comme la plupart des protagonistes), difficile de parier sur ceux qui pourraient ressortir indemnes de cette histoire. Meurtres, lourds secrets, traumatismes remontant à l’enfance : Paula ne manque pas d’éléments pour nous tenir en haleine. Malheureusement, en effectuant le bilan de tout ce qui a défilé pendant trois heures devant nos yeux et en ressassant les morceaux du casse-tête, peu de pièces s’agencent convenablement ensemble. Au final, on est donc déçu du résultat, autant au niveau d’une folie que l’on nous transmet mal que du côté policier sans queue ni tête.

Le regard de Méduse (*** divulgâcheurs)

En effet, ils semblent que tous ceux qui croisent Paula sur leur passage dans une relation de cause à effet soient empreints d’une certaine fatalité. C’est d’abord son collègue Philip (Edward MacLiam), un homme marié avec qui elle a une aventure. Un soir chez elle, ils entendent des bruits venant de la cave et tombent sur un rat. Tombant par hasard sur un prospectus, elle fait appel à James qui en travaillant découvre une photographie de deux enfants qu’il met dans ses poches et qu’il ne cessera de contempler tout au long de la série. Le premier soir, Paula et lui ont une aventure sans lendemain, paraît-il, mais l’homme à tout faire est criblé de dettes. Sachant que Philip est son amant, il le fait chanter puis le tue violemment. Ce n’est que le premier acte puisque cet être déséquilibré s’en prend aussi à Callum (Johnny Holden), le frère de Paula alcoolique et dépressif en brûlant l’unité de stockage dans lequel il vit. Entre en scène le détective McArthur (Owen McDonnell) qui est le seul de sa brigade à prendre au sérieux la menace que représente James. Lui aussi aura une aventure avec la jeune femme et devra faire face à la vindicte de James qui aussitôt arrêté a l’intention de régler ses comptes avec Paula. Celle-ci est désabusée et n’ayant plus rien à perdre a déjà élaboré un effectif, mais compliqué plan de vengeance.

Avant même de commencer à visionner Paula, la fiction a une longueur d’avance du côté de notre intérêt tellement est forte la réputation des séries anglaises pour les thrillers de peu de formats. Pourtant, avec toute la bonne volonté du monde, on déchante rapidement. C’est que la toile complexe que l’on tisse au fil des scènes ne répond pas à la moitié de nos questions ou alors a peu de sens. Il est évident que le réalisateur Alex Holmes cherche à nous plonger dans une spirale menant à la folie puisque l’état mental des protagonistes en général se dégrade considérablement. Seulement, c’est la manière de s’y prendre en ayant recours à des flashbacks/rêves qui n’est pas très effective. Par exemple, on a James qui a cette vision répétitive d’une fillette blonde au teint livide et les lèvres cousues ensemble. On apprendra plus tard que dans sa jeunesse, sa petite sœur a disparu sans qu’on lui fournisse la moindre explication et tout porte à croire qu’il l’associe du moins physiquement au personnage de Paula. Ce que l’on peine à comprendre, c’est que dans le doute, il couche avec elle… La principale intéressée de son côté lorsqu’elle a les yeux fermés a des visions de quelqu’un qui l’étrangle. Dans les faits, durant son adolescence elle est passée de trépas à la vie après un jeu qui est allé trop loin avec Callum et qu’elle décrit en ces termes : « I got Callum … to put the skipping rope around my neck and pull it really tight, and tighter I mean, kids, they do that sort of stuff. »… Sinon, à un moment, McArthur se livre à une poursuite effrénée de James qui a le dernier mot et le renverse sur le sol. Il sort un couteau et dans un plan assez graphique, le lui plante dans l’œil. Hé non, ce n’était qu’une vision. Au final, mis à part des effets spectacles, on repassera donc pour la profondeur.

Les codes d’un thriller policier, sans la logique (non plus)

Un tueur en série désaxé, une enquête policière dépassée par les événements, une jolie jeune femme traquée : les principaux ingrédients du thriller sont réunis dans Paula, mais le problème est que l’on tombe rapidement dans le sensationnalisme et les invraisemblances. James dans un premier temps couche avec celle qui lui rappelle sa sœur, mais ensuite cherche à la tuer parce qu’elle parle à la police. Sur le point d’être reconnu coupable d’au moins un meurtre et de séquestration, on pousse la sottise à lui accorder une liberté conditionnelle. Pire, il ne vient pas à l’esprit des forces de l’ordre d’assurer un minimum de sécurité pour Paula. Plus tôt, habillé de noir, il se jette sur elle alors qu’elle est dans les toilettes d’un restaurant. Si l’effet-surprise fonctionne, on se l’imagine mal se cacher dans la salle de bain des dames et attendre patiemment que sa victime daigne (peut-être) aller s’y soulager et surtout qu’elle soit seule dans la pièce afin de l’assassiner.

Quant aux forces de l’ordre, jamais on n’a rencontré un chef de police (le patron de McArthur) aussi incompétent et aveugle devant tant d’indices incriminants un individu. D’ailleurs, même Paula a les mains libres pour mettre fin à la vie de son frère en toute tranquillité. Toujours dans le coma à l’hôpital, un soir elle se rend dans sa chambre, s’excuse et l’étouffe avec un oreiller. Son respirateur a beau envoyer des signaux ; personne ne vient. Cet acte est d’autant plus gratuit que quelques scènes plus tôt, un médecin avait offert à la famille de le « débrancher » puisqu’un réveil était peu probable. Quant à la finale qu’il ne faut dévoiler puisqu’elle constitue l’unique élément à la fois original et cauchemardesque, on doute que Paula, seule, ait pu penser à toute cette mise en scène macabre et qu’elle ne se soit pas fait prendre en cours de route…

Le premier épisode de Paula a attiré 3,08 millions de téléspectateurs dans la semaine du 22 au 28 mai, se classant ainsi au troisième rang des émissions les plus regardées de la chaîne. Sept jours plus tard, la fiction tenait assez bien la route avec 2,16 M, mais descendant au 7 rang. Une fois les chiffres sortis, on ne serait pas surpris que le public soit en aussi grand nombre à la finale, mais quant à leur taux de satisfaction, c’est une autre histoire.

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