Max | Pater noster

Publié le 18 juin 2017 par Aragon

Je me souviens d'avoir vu mon père deux fois dans ma vie.

La première, c'est lui qui est venu vers moi, j'avais 7 ou 8 ans. C'était à Fouras, en bord de mer. Il m'avait promis un vélo. Revenu dans son Nord de la France mon père a tenu parole. Des mois plus tard le vélo est arrivé : c'était une taille adulte et il était d'occasion.

La deuxième fois que j'ai vu mon père, vingt-cinq ans plus tard, c'est moi qui ai fait le voyage. Mon père en avait marre, voulait vendre son entreprise, ses maisons etc. Il a voulu m'offrir une voiture. Sa Fuego ne m'aurait pas déplu : il me proposa sa vieille 203 de chantier à plateau arrière. Que j'ai refusée.

La troisième fois, je n'ai pas pu voir mon père : son cercueil était déjà scellé à mon arrivée.

brother DEB (aujourd'hui sur sa page FB)

………………………………………………………………………………………………

Je me souviens d'avoir vu mon père des milliers de fois dans ma vie.

La première - j’espère - c’est lui qui est venu vers moi qui étais dans mon berceau, à ma naissance. Je dis que je l’ai vu, évidemment je ne m’en souviens pas. Les autres fois que je ne peux compter, il était là physiquement mais je ne me souviens pas de « l’utilité » de  ses paroles. Ses paroles, je me suis amusé à les recenser, les transcrire en heures de vraie communication avec moi. Je n’ai pas pu mettre de pluriel à ces heures. J’ai ramené ce total, vachement arrondi, à une heure. Une heure en  soixante-six ans. Et encore, une heure avec du blabla, pas des « Comment vas-tu mon fils ? L’école, ça colle ? Ton boulot ? Tes potes ? Tes amours ? La santé ? Qu'est-ce que tu bouquines ? » Il vendait des vélos, il m’en a offert un. Je rêvais d’un « demi-course » avec au moins un dérailleur à 3 vitesses. Il l’a fait venir de « La Manu », un demi-course, magnifique avec un vert émeraude étourdissant. Mais pas de vitesses car « Tu vas casser le dérailleur… » Comme si on offrait une Ferrari avec un moteur de 2CV.

Son cercueil n’est pas scellé mais c’est tout comme, il lui reste la présence de ma mère qui est là et toujours là, son regard paumé, ses demandes pathétiques « Je veux marcher jusqu’à l’atelier… », son lit et son fauteuil de grande pénitence, cloué.

Relation scellée avec ses 3 enfants dès leur venue au monde.  

MAX