Colin Winnette : Coyote

Par Stephanie Tranchant @plaisir_de_lire

Coyote de Colin Winnette    3,5/5 (16-06-2017)

Coyote (118 pages) est disponible depuis le 11 mai 2017 dans la collection Denoël  & d'ailleurs des Editions Denoël (Sarah Gurcel).

L’histoire (éditeur) :

Quelque part au cœur de l’Amérique, dans une bicoque isolée au fond des bois. Des parents couchent leur fillette de trois ans, comme tous les soirs. Le lendemain matin, ils trouvent un lit vide. La petite a disparu sans laisser de traces. La mère raconte les jours qui ont suivi : les plateaux télé sur lesquels ils se rendent, avec son mari, pour crier leur désespoir, l’enquête des policiers, puis le silence, l’oubli. Mais la mère dit-elle toute la vérité? 
Maniant la plume comme un Poe des temps modernes, Colin Winnette nous laisse entrevoir les divagations d’un esprit détraqué, d’autant plus angoissantes que cette mère est aveugle à sa propre folie. Coyote est un conte sur la noirceur et la folie des hommes, un roman profondément marquant, difficile à lâcher et encore plus à oublier. 
Un conte noir et cruel, made in America.

Mon avis :

Pendant la nuit, une  fillette de trois ans disparait, son lit est vide au petit matin.

Aujourd’hui sa mère (beaucoup) et son père (un peu) racontent.

Ils évoquent l’avant par petites touches. Son portrait est esquissé par des anecdotes et des détails  fragmentés.

Et ils racontent l’après, avec ces gestes difficilement compréhensibles (les jouets et photos brulés), les interviews régulières à la télé, l’année d’attente, de vide (page 30 « on a fixé), Mick le détective (ce flic irlandais particulier mais investi), l’obsession de savoir ce que d’autres disparues ont vécu.

On suit ainsi de manière floue, improbable, malsaine et déstabilisante ce que vit ce couple reculé, entre lui, homme faible, violent parfois triste et, et elle, femme paumée, ancienne infirmière qui a  tout lâché du jour au lendemain, terriblement difficile à cerner.

Leur discours, et en particulier celui de la mère omniprésente, est sidérant, décalé, étrange. J’ai été partagée entre le sentiment d’attachement à ces parents, un peu fous, mais qui semblent perdus depuis le drame et le sentiment de suspicion, comme si ce côté pas vraiment net chez eux ne pouvait qu’être à l’origine de cette disparition, entre les épisodes surréalistes (le feu, le poignet fracturé du père et la réaction de la mère), et les affirmations violentes (« A cette seconde précise j’ai compris que je le tuerais s’il se mettait en travers de ma route. J’avais déjà dû y penser, mais pas concisément. Ou pas aussi clairement. Là, c’était très clair. » Page 85)

Leur état d’esprit est très vaguement évoqué ou maladroitement exprimé. Et puis d’un coup, avec une sincérité et une lucidité étonnante, elle en vient à dire sa peine.

« On avait pas réussi à faire cette chose toute simple : la protéger. Pas réussi à la garder avec nous. Tout en nous, corps, cœur, esprit, voulait la garder toujours, mais on l’avait laissée partir. On avait laissé quelqu’un nous l’enlever. On savait pas comment chérir ce qui méritait d’être chéri. Comment le faire durer. Comment l’aimer et le garder toujours. On avait laissé s’échapper la seule chose qui comptait. Et on avait continué ce cirque. On l’avait laissée s’échappée toujours plus. Mais j’allais nous la ramener. » Page 87

Coyote est un petit livre marquant et dérangeant. On dérive dans la folie (compréhensible mais finalement sans aucun doute présenta avant le drame) et on se pose la question de la responsabilité et de la part de responsabilité de chacun d’eux dans cette affaire troublante.

Coyote n’est pas un roman noir sensé vous mener à la résolution de la disparition, bien qu’il le fasse (en quelque sorte). Coyote est avant tout un livre sur ceux qui restent, leur obsession, leurs failles, leur folie, sans intrigue à proprement parlé, mais plus par une succession d’évènementx, de fragments d’existence qui laissent entrevoir la vérité…

Ce n’est pas un livre qui permet de s’attacher au personnage ni même qui permet d’attirer la sympathie. Et bien que le drame leur offre toutefois un certain capital d’empathie, j’ai été assez vite gagnée par le malaise, un trouble face à cette femme qui m’a semblé froide, perverse et totalement cinglée par moment.

Est-elle coupable ou meurtrie par le chagrin ?

Coyote est un livre qui m’a beaucoup troublée. J’ai trouvé l’écriture à la mesure des personnages et des évènements. C’est parfaitement crédible dans la forme car Colin Winnette a très bien su mettre en valeur la complexité de son sujet grâce à la narration noire, déstructurée, brève, fragmentée et intimiste.

Lu d’une traite, parce qu’il ne peut en être autrement, Coyote est un roman poisseux qui vous laisse une sale sensation une fois terminé.