Man in an Orange Shirt (2017): sortez vos mouchoirs

Publié le 13 août 2017 par Jfcd @enseriestv

Man in an Orange Shirt est une nouvelle série de deux épisodes qui a été diffusée les 31 juillet et 7 août sur les ondes de BBC Two en Angleterre. L’action est scindée en deux époques : la première étant au milieu des années 40 tout juste après la guerre alors que les soldats Thomas March (James McArdle) et Michael Berryman (Oliver Kackson-Cohen) se lient d’amitié puis tombent amoureux. Près de 60 ans plus tard, c’est au tour du petit fils de ce dernier, Adam (Julian Morris) de finalement ouvrir son cœur à autrui : Steve (David Gyasi). L’homosexualité étant perçue différemment selon les époques, cela n’empêche pas nos deux protagonistes, comme frappés d’une malédiction, d’avoir beaucoup de difficulté à trouver le bonheur. Première tentative en tant que scénariste pour l’écrivain de best-sellers Patrick Gale, Man in an Orange Shirt est une série touchante où les larmes versées par les protagonistes sont aussi nombreuses que celles du téléspectateur. Grâce à la richesse du casting et surtout du propos, la nouveauté est définitivement un incontournable de l’été.

Deux époques : mêmes conflits intérieurs

La romance se poursuit entre Thomas et Michael après le conflit mondial, mais très tôt ce dernier a conscience qu’il se doit de rentrer dans le rang et épouse son amie d’enfance Flora (Joanna Vanderham). De leur union a beau naître un fils, les mariés sont à la dérive depuis que cette dernière a tout appris concernant ses penchants. L’harmonie au sein du couple ne reviendra pas d’autant plus que Michael n’a jamais réellement renoncé à vivre avec Thomas. Celui-ci écope éventuellement d’un an de prison pour outrage aux mœurs et dans les années qui passent, ce n’est qu’une suite de rendez-vous manqués entre les deux hommes. Deux générations plus tard, on a Adam qui habite au sous-sol de sa grand-mère Flora. Mal dans sa peau et n’assumant pas vraiment son homosexualité, il n’a que des aventures sans lendemain. Un jour, il fait la rencontre de Steve dans la clinique vétérinaire où il travaille et il l’engage éventuellement pour rénover le cottage familial. Leurs sentiments l’un envers l’autre grandissent, mais Adam résiste… jusqu’à ce qu’il soit trop tard ?

La particularité intéressante dans Man in an Orange Shirt est de conserver une ambiance dramatique similaire entre les deux époques, et ce, malgré les mentalités qui ont évolué. En effet, tout de suite après la Seconde Guerre mondiale, la première chose qui importe pour Michael est de retrouver son amant et ils vont même passer une sorte de lune de miel au cottage de sa famille. Reste que deux hommes vivant ouvertement en couple est une utopie dans l’Angleterre de cette époque et que seul l’acte de fornication est sévèrement puni par la loi, laquelle reflète aussi la mentalité d’une grande majorité d’Anglais. En ce sens, lorsque Flora découvre les lettres d’amour adressées à Michael, elle les brûle puis lui crie à la tête : « Criminal! »/« Are you Safe around children? » N’ayant aucune envie d’être laissée à elle-même, elle consent finalement à ce qu’il ait des aventures dans son dos. Du coup, les lieux de rencontre de Michael se limitent aux latrines publiques…

Les parallèles dans la deuxième partie de Man in an Orange Shirt avec Adam sont fascinants. Élevé avec la mentalité répressive de sa grand-mère, s’il ne cache pas ses préférences sexuelles à ses amis, on ne peut pas affirmer qu’il est pour autant mieux dans sa peau que son grand-père. Lui aussi ne se contente que d’aventures sans lendemain et à l’image de son aïeul dont l’échange de regards avec un inconnu dictait le cours des événements, c’est grâce aux touches de son cellulaire qu’il rencontre ses partenaires. Bref, toujours le même anonymat et l’aspect superficiel qui va avec : le jugement (purement physique) du premier regard. En conséquence, l’évolution de la relation entre Steve et Adam est plus que tortueuse pour ce dernier qui doit faire fi de tous les préjugés qu’on lui a inculqués.

Man in an Orange Shirt se distingue encore une fois pour sa répartie puisque les sentiments de Flora sont loin d’être secondaires et nous font réaliser à quel point la situation est difficile pour tous les protagonistes. Même que dans cet épisode, on en vient à espérer que Michael quittera sa femme et son enfant pour vivre son grand amour. À ce sujet, les commentaires du scénariste Gale : « People who know my novels will be unsurprised to hear that that stories give equal focus to wives and mothers and are very much about tensions between family bonds, the need to be good and the urge to seize happiness. »

L’importance de la BBC

Autant dans la première partie de la série, le rappel historique de ces années noires pour les gais a son importance, autant la réflexion sur le présent dans le second opus est essentielle. C’est qu’on y réalise à quel point la question de l’homosexualité a beau avoir évolué en plus de soixante ans, mais cela ne veut pas dire que le « combat » est terminé. En effet, les nombreuses études ne cessent de confirmer les plus hauts taux de suicide, dépression ou dépendances dans la communauté gaie. En ce sens, l’initiative de la BBC avec sa brève saison « Gay Britannia » vaut la peine d’être mentionnée. Célébrant les 50 ans du « Sexual Offence Act » (1967) qui dépénalisa en partie l’homosexualité, c’est toute une panoplie de films, documentaires, témoignages, entrevues, archives et shows d’humour qui ont été créés pour l’occasion. Et toutes les plateformes de la BBC, soit, le Web, le petit écran et la radio ont été mis à contribution. Seul bémol : à la télévision tous ces projets ont été relégués à l’antenne de BBC Two. Pour vraiment marquer le coup, il aurait été pertinent que BBC One, la chaîne la plus regardée du royaume soit également mise à contribution. Reste qu’une fiction d’aussi haute qualité comme Man in an Orange Shirt a tout de même tiré son épingle du jeu : 1,16 million de téléspectateurs ont regardé le premier épisode le jour de sa diffusion.

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