Muthos

Publié le 18 août 2017 par Detoursdesmondes

Pour de nombreuses civilisations, au commencement était le Chaos. Puis, le Ciel et la Terre s'unirent et donnèrent vie... et ce, après bien souvent des histoires mouvementées (pour le dire sous forme d'euphémisme).
Parmi les êtres engendrés, la figure du monstre n'a cessé de fasciner, parce que mêlant les règnes ou les genres.
La Théogonie d'Hésiode, qui décrit la succession de générations divines, dépeint (entre autres) la figure d'Echnida qui engendrera une nombreuse et dangereuse progéniture...
"Callirhoë, au fond d'une caverne, produisit un autre enfant monstrueux, invincible et nullement semblable aux hommes ou aux dieux, la divine Échidna au coeur intrépide, moitié Nymphe aux yeux noirs et aux belles joues, moitié serpent énorme et terrible, marqué de taches diverses et nourri de chairs sanglantes dans les entrailles de la Terre sacrée. Ce monstre habite un antre profond dans le creux d'un rocher, loin des hommes et des Immortels : c'est là que les dieux lui assignèrent une glorieuse demeure. Renfermée dans Arime, la fatale Echidna vivait sous la terre, toujours affranchie de la vieillesse et du trépas. Typhon, ce vent fougueux et redoutable, s'unit, dit-on, avec cette Nymphe aux yeux noirs, qui, devenue enceinte, enfanta une race courageuse...
..d'abord Orthos, ce chien de Géryon, ensuite l'indomptable Cerbère, qu'on ne nomme qu'avec effroi, ce gardien de Pluton, ce dévorant Cerbère à la voix d'airain, aux cinquante têtes, ce monstre impudent et terrible, enfin la fatale hydre de Lerne, que nourrit Junon aux bras d'albâtre, pour assouvir son implacable haine contre Hercule ; mais ce fils de Jupiter, armé du glaive destructeur et secondé du vaillant Iolaüs, immola cette hydre, d'après les conseils de la belliqueuse Minerve.
Échidna fit naître aussi la Chimère qui, exhalant des feux inextinguibles, monstre terrible, énorme, rapide, infatigable, portait trois têtes, la première d'un lion farouche, la seconde d'une chèvre, la troisième d'un dragon vigoureux ; lion par le haut de son corps, dragon par derrière, chèvre par le milieu, elle vomissait avec un bruit affreux les tourbillons d'une dévorante flamme. La Chimère succomba sous Pégase et sous le brave Bellérophon. Échidna, s'accouplant avec Orthos, engendra la Sphinx, si fatale aux enfants de Cadmus, et le lion de Némée, que Junon, auguste épouse de Jupiter, nourrit et plaça sur les hauteurs de Némée pour la perte des humains. Ce lion, qui régnait sur le Trétos, sur Némée et sur l'Apésas, ravageait des tribus des hommes ; mais il périt, dompté par le puissant Hercule."
La sculptrice sénégalaise, Seyni Awa Camara, ne créé peut-être pas des monstres lorsqu'elle fait surgir de la terre ses personnages aux multiples enfants. L'interprétation simple (ou simpliste) tendrait à croire que c'est la progéniture qu'elle n'a pu avoir ou encore la mémoire de ses frères et soeurs morts à la naissance puisque sa mère a eu à plusieurs reprises des triplés. Ce n'est pas sans faire penser à la réalisation d'Ibeji dans la culture Yoruba.
J'aime à penser qu'il y a dans ces oeuvres un mélange de ces interprétations. La réalité est toujours plus complexe et les mythes peinent à expliquer pourquoi les choses sont ce qu'elles sont.


Sculptures de Seyni Awa-Camara. Photos de l'auteure, Fondation Louis-Vuitton - Exposition Art/Afrique, le nouvel atelier. Mai 2017