Rama Thiaw : The Revolution won't be televised

Par Gangoueus @lareus
Mercredi dernier, j’ai donc commencé à regarder ce film dans la chambre que je réfrigère grâce à la climatisation de l’auberge que j’ai trouvée à Ouest Foire, un quartier de Dakar. Toute interruption de cette ventilation transformerait cette chambre en une antre infernale où il serait impossible de dormir en cette période de l’année. Heureusement, pas de délestage à l’horizon depuis mon arrivée. Et au moment où j’entame l’écriture de cet article je suis dans un bar du centre-ville de Dakar. Le Viking. J’ai terminé mes petites emplettes et j’attends mon dernier rendez-vous sur Dakar. Un jeune homme qui fait la cour à ma petite soeur. Je vais l’observer. Le son est bon. Maître Gims. Youssoupha. Aaliyah. On n’est pas très  loin de la place de l’indépendance.

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Oui, parce que dans le fond, c’est de ce docu-film dont je veux parler. The Revolution won't be televised. Ce film a été réalisé en plein coeur des manifestations organisées entre autres par le Collectif Y-en-marre qui s’est battu pour que Maître Abdoulaye Wade ne se représente pas une nouvelle fois à la magistrature suprême en 2012. Meeting. Marche. Sit-in. Confrontation pacifique. Confrontation musclée. Echanges avec les forces de l’ordre. Arrestation de certains activistes du collectif. Brainstorming. Stratégie. Séance de playstation. Echanges sur la création artistique. Le spectateur est aux premières loges de ce mouvement social. En suivant la parfaite chronologie des événements. Parce que le scénario est extrêmement passionnant à suivre. Entre les positions extrêmement étonnantes de Wade exprimées devant des journalistes occidentaux sur la certitude de sa réélection, regardant de très haut toute cette agitation populaire, son désir de passer en force. Rama Thiaw donne de nombreux éléments de cette crise avec un regard certes centré sur les rappeurs Thiate et Kilefeu mais également sur d’autres acteurs de la société civile sénégalaise.
Pendant une grande partie du film, je me demandais s’il s’agissait d’une reconstitution. Parce que je n’arrive toujours pas à comprendre comment la réalisatrice sénégalaise a réussi à obtenir, à capter toutes ses images, au coeur de la tourmente, des échauffourées avec les forces de l'ordre. On ne peut pas être au plus prêt d’un tel événement et en plus, réussir à produire des images d'une aussi remarquable qualité. Car c’est peut être l’une des plus belles réussites de ce film. Son esthétique. Les plans différents proposés sur les acteurs, l’oubli de la présence de cette caméra qui permet d’avoir des échanges francs et non conditionnés par la captation du propos. Les acteurs se découvrent eux-mêmes. Il n’y a pas de jeu avec la caméra. L'intérêt de ce film réside aussi dans la pluralité des prises de parole. Comme cette une parole ancienne, chargée d'expérience de cette femme artiste qui avec émotion évoque des batailles anciennes à l’époque d'Omar Blondin Diop. Des victoires, des échecs. Elle encourage, elle soutient, elle met en garde. Elle passe le relais.

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Dakar. Chapitre 1. Ouaga. Chapitre 2. Thomas Sankara reste dans l’esprit de beaucoup. Malgré 27 ans de pouvoir, Compaoré incarnera à jamais pour ma génération et la jeunesse africaine actuelle la félonie absolue. Un symbole. La jeunesse panafricaine est celle qui ne donne pas des leçons depuis Paris, mais qui concrètement se sert les coudes comme Y-en-marre et le collectif burkinabé Le Balai comme il en est fait démonstration à Ouagadougou où les activistes sénégalais se sont déplacés ou encore comme les douloureuses arrestations et expulsions de Y-en-marre et du Balai citoyen à Kinshasa.
Rama Thiaw réussit à mon avis un film unique. Malgré son esthétique, je pense que son propos est trop puissant pour certaines institutions qui perpétuent un néo-colonialisme culturel. Là encore démonstration m’est faite : celui qui tient le chèque raconte l'histoire qu'il veut. Beaucoup d'intellectuels africains sous-estiment les batailles souterraines sur ces questions de prises de parole et de visibilité du discours et des représentations propres à l'Afrique. J'aimerais juste dire que je mesure mieux combien le hip-hop renverse des paradigmes anciens. Que c'est son essence première. En regardant ce film, j'ai réalisé pourquoi je n'écoutais plus de rap américain ou de rap français. Nous y reviendrons dans un autre sujet. Cette oeuvre artistique et militante est un propos sur la formation lente et sure des consciences africaines et elle circulera. Mais elle doit être portée par toutes celles et ceux qui ne veulent pas prendre les raccourcis du populisme et former intelligemment une jeunesse exigeante dans ses revendications et son désir de justice. Le Sénégal a ainsi échappé à un pouvoir dynastique.  
The Revolution won't be televisedSortie en 2016. Réalisation de Rama Thiaw. Production : Boul Fall