Escapade automnale pour la 57e Biennale d’art de Venise

Par Jsbg @JSBGblog

La Biennale de Venise, c’est une institution. Et avec le choix de Christine Marcel, responsable du département de la Création contemporaine et prospective au Centre Pompidou depuis 2000, la direction de la Biennale a fait le choix de réaffirmer ce rôle-là. Après des éditions plus expérimentales, plus provocatrices peut-être, plus politiques ou anthropologiques certainement − Massimiliano Gioni, dans son « Palais encyclopédique » était parti du projet architecturale utopique d’un artiste autodidacte italo-américain, Marino Auriti, qui fit breveter en 1955 le projet d’un musée imaginaire qui accueillerait tous les savoirs de l’humanité  et Okwi Enwesor (56e édition sous le titre « All the World’s Futures ») avait placé au coeur de sa Biennale, dans le pavillon central, la lecture en live des trois volumes du « Capital » de Karl Marx −, cette 57e édition se présente décidément comme une exposition muséale. Le titre « Viva arte viva » déclare également clairement l’orientation : remettre l’art et les artistes au cœur de la Biennale, peut-être réenchanter le monde. Dans un entretien de ce mois de mai, la commissaire de cette 57e édition répondait ainsi à la question sur le sens de l’art contemporain dans la vie quotidienne, dans la société: « sans l’art, on ne peut réinventer le monde, on ne peut imaginer le monde de demain. Le rôle des artistes est aussi celui de transformer la réalité grâce à l’art ». L’édition se veut résolument poétique, à l’image de l’oeuvre d’Edith Dekyndt « One Thousand and one night » à l’Arsenale , ou de « Suspension » de l’argentin Sebastián Díaz Morales dans le pavillon central des Giardini par exemple, où tout est question d’équilibre, d’action et de particules en suspension, où l’art défie la physique, où la beauté et l’infini s’invite dans notre monde. Quelles que soient les références, shamanisme, traditions vivantes, traditions artistiques et/ou artisanales, il y a à coup sûr un air de nostalgie qui domine cette édition…et qui nous laisse un goût d’inaccompli…mais parce que le monde est justement à réinventer, peut-être aujourd’hui plus que jamais!

Patriotisme oblige, la visite aux Giardini commence toujours par le pavillon helvétique, qui nous réserve une première heure de magnifiques images et de mise en perspective avec l’installation Flora, qui retrace les aspects de la vie de Flora Mayo, artiste américaine qui étudia à Paris dans les années 1920 et qui fut l’amante d’Alberto Giacometti, en grande partie à travers la voix de son fils. Le pavillon coréen, avec les artistes Cody Choi et Lee Wan, interpelle le visiteur par ses néons tapageurs, mais vous fait entrer dans un monde entre histoire collective − la guerre de Corée fit 200 000 victimes − et histoire personnelle − c’est au travers de cartes postales, documents et photos de familles, que se trace visuellement cette mémoire collective. Cette impression de traverser le temps, de procéder de façon achronique, cette impression au final d’un temps suspendu, on la retrouve encore dans le pavillon israélien avec l’installation Sun Stand Still de l’artiste Gal Weinstein, qui évoque un bunker abandonnée, où le visiteur immergé dans des odeurs de rouille, de moisissure et de colle − oui, d’accord, à lire, ça n’invite pas à la visite, mais je vous jure que vous ne serez pas déçu et ce n’est pas si répulsif qu’à première lecture: le titre évoque un épisode biblique de Josué, chef des Israélites, qui ordonna au soleil de s’arrêter afin de vaincre le roi de Canaan avant la nuit, et ainsi modifia le cours du temps.

Mais la Biennale de Venise, c’est aussi toujours une pléthore d’événements et expositions satellites. Je vous le dis d’emblée, impossible de faire l’impasse sur Jan Fabre à l’Abbazia di San Gregorio. Pourquoi? parce que Jan Fabre est l’un des grands artistes de l’art belge (et pas seulement) d’aujourd’hui avec Wim Delvoye ; parce que l’exposition offre un parcours intéressant de sa production artistique pour entrer dans son univers ; parce que l’on retrouve le fil rouge de ce dialogue entre passé et présent qui nous poursuit dans cette 57e édition 2017 de la Biennale d’art, mais encore parce que la métamorphose, thème cher à l’artiste, devient aussi le fil conducteur d’une réflexion sur le temps et nos rites, nos religions, notre philosophie. Me viens l’envie de citer Shakespeare « Être ou ne pas être… »!

Enfin de compte, on ne pouvait meilleure thématique et fil rouge de nos errances vénitiennes que le temps suspendu ou son l’impossibilité, dans la ville lagunaire et centenaire, qui, aux jours de sa première splendeur, défiait les limites entre Orient et Occident, et depuis des siècles ne cesse de défier le temps, elle qui est vouée à mourir sous les eaux de la Méditerranée! Vous avez encore jusqu’au 26 novembre pour voir la 57e édition de la Biennale de Venise et la laisser mourir.

– Carole Haensler Huguet

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Informations pratiques

www.labiennale.org

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Viva arte viva

Venise, Giardini – Arsenale

du 13 mai au 26 novembre 2017

Horaires : de 10.00 à 18.00 heures

fermé le lundi, excepté lundi 15 mai, 14 août, 4 septembre, 30 octobre et 20 novembre

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Jan Fabre. Glass and Bone sculptures 1977 – 2017

Venise, Abbazia di San Gregorio

du 13 mai au 26 novembre 2017

Horaires : de 10.00 à 19.00 heures

www.gamec.it

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Légendes images :

  1. Affiche biennale d’arte venezia 2017
  2. Jan Fabre, au premier plan Skull  with Turaco (2017) et à l’arrière-plan Monk – Paris (2014)  – photo :  artshebdomedias.com
  3. Gal Weinstein, Sun Stand Still, pavillon israélien, détail