Duel argentin autour des Droits de l'Homme [Actu]

Publié le 25 octobre 2017 par Jyj9icx6

La délégation du gouvernement argentin pendant l'audition

Ces jours-ci, à Montevideo, se tiennent les audiences de la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme (CIDH) sur la situation de l'Argentine. Les syndicats, les associations de victimes de la dictature militaire des années 70 (1) et les défenseurs de Milagro Sala (retournée en prison il y a quelques jours, malgré l'avis de la CIDH) sont entendus par la Commission. Le gouvernement argentin aussi. Et les accusations se croisent et s'entrechoquent. Du côte de l'opposition (syndicats, associations et comité de défense de Milagro Sala) accusent le gouvernement de faire régresser la démocratie et les droits sociaux des salariés et, en général, de violer les droits de l'Homme. De son côté, Claudio Avruj, le Secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme, à la tête de la représentation officielle de l'Argentine, a fait valoir les distorsions des faits et les manipulations partisanes qui vicient les argumentations de l'opposition kirchneriste.

Les responsables des différentes centrales syndicales à la même place pendant l'audience
Derrière, on voit des activistes brandir des photos de détenus,
qu'ils tâchent de faire passer pour des prisonniers politiques


Il y a quelques minutes, Página/12 n'hésitait pas à publier une photo prise dans une école où l'on voit des lycéens (qui sont mineurs) (2) et leurs professeurs (qui eux sont majeurs) poser devant l'appareil avec des panneaux qui réclament Justice pour Santiago Maldonado (dont il apparaît après autopsie qu'il s'est noyé sans avoir été brutalisé). Quelle justice voulez-vous rendre, en faisant pression sur l'instruction, à ce qui apparaît comme un accident ?

La salle d'audition en entier.
On reconnaît la chevelure toute blanche de Estela de Carlotto (Abuelas de Plaza de Mayo)


Les journaux prennent partie, mais de manière inégale. Página/12 ne publie pas moins de trois articles sur le sujet, Clarín et La Nación un seul chacun – mais dans les deux cas, les papiers concernés sont d'authentiques catalinaires contre l'opposition, dont les résultats électoraux viennent de révéler la faiblesse politique dans l'ensemble du pays.
Pour vous y repérer : lire l'article de Página/12 sur la situation de Milagro Sala, en prison, à Jujuy – elle est présentée par son comité de défense et par toute la gauche kirchneriste comme une prisonnière politique lire l'article de Página/12 sur les représentations des syndicats devant la CIDH lire l'article de Página/12 sur les revendications des associations de victimes de la Dictature militaire des années 70 lire l'entrefilet de Página/12 sur la prise de position de Claudio Avruj sur le cas de Milagro Sala, dont il a déclaré devant la Commission qu'il estimait que cette dame devait vivre en résidence surveillée (conformément aux recommandations de la CIDH) et non derrière les barreaux, derrière lesquels elle a été renvoyée par la cour d'appel de la Province de Jujuy il y a quelques jours lire l'article de Clarín sur les arguments développés par le gouvernement lire l'éditorial de La Nación, où Marcos Novaro tâche d'éclairer la genèse de l'affaire Santiago Maldonado, dans laquelle il voit un mensonge délibéré construit à dessein par l'opposition pour réveiller les vieux fantômes de la dictature, pour faire retentir dans le débat public la notion atroce des disparus, inspirer la peur politique pour faire reculer le vote Cambiemos et tenter de reprendre le pouvoir par les urnes. Si c'est bien la stratégie suivie, elle a lamentablement échoué dimanche dernier.
(1) Elles se présentent comme des ONG des Droits de l'Homme mais c'est une qualité qui leur est de plus en plus déniée, à cause de leurs prises de position partisanes, leur interventionnisme dans le débat politique courant, qui les éloignent très souvent et de plus en plus de l'objet initial de leur lutte. Il s'agit des associations Madres de Plaza de Mayo, Abuelas de Plaza de Mayo, H.I.J.O.S. ou le CELS (présidé par le très controversé éditorialiste de Página/12, Horacio Verbitsky). (2) Il est vrai qu'il y a quelques années, Cristina Kirchner a accordé le droit de vote (non obligatoire) aux mineurs, dès l'âge de 16 ans révolus. Les enfants sont donc parfois politisés en Argentine, au sein même de l'école, et ils le sont par le courant kirchneriste. Les actuels membres de l'alliance Cambiemos, qui est au pouvoir depuis près de deux ans, ont voté contre cette loi. Le kirchnerisme, à son tour, accuse le gouvernement d'une propagande sournoise et un formatage des esprits à droite, à travers le choix des contenus des programmes scolaires.