557° Chanoines, république et laïcité.

Publié le 04 novembre 2017 par Jacques De Brethmas



Macron accepte le titre de Chanoine de Latran.
Soucieux de s’attirer les bonnes grâces de l’église vaticane, et de légitimer le « droit divin » dont elle se prétendait investie, la royauté française a toujours chouchouté l’institution catholique romaine.
C’est ainsi qu’en 1482, Louis XI avait accordé au chapitre  de Latran des droits sur l’abbaye de Clairac, en Aquitaine. Des droits chanoineaux sur une abbaye, c’est une façon déguisée d’accorder une rente : les grandes abbayes royales avaient un statut quasiment seigneurial sur leur région et percevaient impôts et bénéfices sur les productions agricoles et artisanales locales.
En signe de reconnaissance, depuis ce temps béni, le chef de l’état français était, sitôt désigné, officiellement reconnu comme « chanoine de Latran ». Un échange de bons procédés qui permettait aussi à l’église vaticane de poser une sainte pantoufle dans les allées du pouvoir.
C’est alors une escalade d’amabilités : le chapitre de Latran érige une statue d’Henri IV dans la basilique, et en 1729, Louis XV augmente les revenus de l’abbaye de Clairac et les complète de ceux d’un prieuré voisin créé pour la circonstance.
Suivant la personnalité des chefs d’état, le procédé a plus ou moins fonctionné. Tous les rois l’ont accepté, jusqu’à faire entrer dans les habitudes cette détestable expression suivant laquelle « La France serait la fille aînée de l’église ».
A partir de la Révolution, plus aucun chef de l’état n’a accepté de brandir le goupillon, jusqu’à René Coty. Il avait de qui tenir, le brave Coty, puisqu’en tant que sénateur, il avait en 1940 voté les pleins pouvoir à Pétain, ce qui ne l’a pas empêché, après la guerre, de succéder à Vincent Auriol et de finir une carrière politique couvert d’honneurs et de reconnaissance. Pour ses bons services, il fut même élu après son mandat membre de l’Académie des sciences morales et politiques.
Dans l’histoire récente , les subtilités de la diplomatie ont compliqué le processus : on a coupé la poire en deux et fait la différence entre « accepter le titre » et « aller à Rome s’asseoir symboliquement dans la stalle du chapitre de Latran ».
Charles de Gaulle, Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac ont fait la totale : accepter le titre et aller siéger à une tenue du chapitre du Latran. Georges Pompidou et François Mitterrand ont accepté le titre, mais ne sont pas allé à Rome.
Nicolas Sarkozy….
Ah. Celui-là…

Il faut savoir que ceux de ses prédécesseurs qui sont allés à Rome l’ont fait discrètement.
Nicolas Sarkozy a fait du Sarkozy. Non seulement il a accepté le titre et la cérémonie romaine, mais il a demandé que ladite cérémonie soit agrémentée d’un faste inhabituel, et qu’il puisse y prononcer un discours officiel qui, pour la première fois, serait télévisé.
Et son discours a été une gifle à la face de la République… C’est là qu’on l’a entendu confirmer les racines chrétiennes de la France et faire un éloge de la foi qu’il présente comme un pilier de la conviction… républicaine !
On l’entend même proférer cette insulte suprême à la laïcité :
« Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur ».

François Hollande, lui, accepte le titre en précisant bien « par tradition », mais se garde bien d’aller se montrer à Rome et de prendre voix au chapitre.



Et Macron ?
Sollicité par les voix chapitrales et romaines, Emmanuel Macron répond qu’il accepte le titre de chanoine de Latran, mais il ne dit pas encore très clairement s’il ira à Rome ou pas. Certains journaux (le Figaro, le Point) écrivent qu’il hésite, d’autres (La Croix, Familles Chrétiennes) le voient déjà officiellement installé dans la stalle romaine.
Il pourrait opter pour la solution de « ne pas le faire exprès ». Il y a déjà un moment qu’Emmanuel Macron a déclaré souhaiter rencontrer le pape. La date et les conditions de cette entrevue n’ont pas encore été décidées, mais ce pourrait être « à l’occasion » d’une visite à Rome que le méprisant de la république pourrait « au passage » aller poser son séant dans la stalle capitulaire qui lui est réservée.
Pour être « valable », cette cérémonie doit avoir lieu en décembre, qui est l’anniversaire traditionnel de la dévolution du siège du chapitre au pouvoir français. Si l’onction n’avait pas lieu en décembre, Jupiter pourrait argumenter de ce décalage calendaire un « caractère symbolique et traditionnel » qui atténuerait le caractère de soumission que contient le protocole..
Attendons pour voir. Après avoir essayé d’être de droite et de gauche, il est bien capable de vouloir être à la fois laïc et cul-bénit.