Ferrari, le mythe a 70 ans

Publié le 23 novembre 2017 par Jsbg @JSBGblog

Le 12 mars 1947, le modèle 125 S, première des Ferrari, passa les portes de l’usine de Maranello pour s’en aller faire quelques essais sur route, marquant la naissance de la marque. Septante ans plus tard, celle-ci est devenue un mythe qui n’est pas près de s’éteindre. Durant toute cette année, différents évènements et lancements de modèles se sont succédés pour célébrer. Retour sur cette success story.

“L’incarnation d’une belle mécanique pour les hommes qui ont le désir de se récompenser eux-mêmes, de réaliser un rêve et d’insuffler pendant longtemps encore à leur vie le feu de la passion juvénile”. C’est en ces termes qu’Enzo Ferrari décrivait ses propres créations automobiles. Il faut dire qu’à ses yeux, la vente de voitures signées de son nom n’avait qu’une seule raison d’être: financer sa chère Scuderia, son écurie de course, et étancher ainsi sa soif de victoires.

Enzo Ferrari, de pilote à constructeur

Né le 18 février 1898 à Modène, le jeune Enzo devient pilote de course à la fin de la Première Guerre Mondiale. Il est rapidement repéré par la marque Alfa Romeo. Une collaboration qui durera 20 ans et qui le verra passer du statut d’essayeur à pilote puis finalement directeur de la division course. Ses succès au volant lui vaudront le titre de Commendatore, décerné par l’Italie pour services rendus à la nation ; un grade qui deviendra son surnom. Il décide en 1929 de créer sa propre écurie pour aligner des Alfa en compétition: la Scuderia Ferrari était née. Il se choisit pour emblème un cheval cabré noir en souvenir d’un porte bonheur que lui avait offert la comtesse Baracca, mère d’un as de l’aviation mort au combat. Le “cavalino rampante” était peint sur la carlingue de son avion. Déjà, la carrosserie de ses bolides est peinte en rouge: à l’époque, les voitures de course devaient arborer la couleur de leur pays. Le bleu est attribué à la France, le gris à l’Allemagne, le vert à l’Angleterre, et le « Rosso Corsa » à l’Italie. En 1939, il quitte définitivement Alfa Romeo pour aller fonder sa propre marque. Mais une clause de non-concurrence l’empêche d’utiliser son nom: ses premières voitures s’appelleront donc Auto Avio.

Après la Seconde Guerre Mondiale, c’est à Maranello, une bourgade proche de Modène, qu’il choisira d’installer ses ateliers, parce que sa femme y possédait des terrains. En 1947, la 125 S passe enfin sous le fameux portique de son usine, s’en allant faire vrombir son noble V12 sur les routes romagnoles. Deux mois plus tard, elle remportait sa première course. Ferrari était née.

Très rapidement, les succès s’enchaînent. Les Mille Miglia en 1948, les 24 Heures du Mans en 1949, le premier Grand Prix à Silverstone en 1951, puis le premier championnat du monde en 1952 grâce à Alberto Ascari. La Scuderia affole les chronomètres! Cette frénésie de victoires a un coût: Enzo Ferrari décide donc de profiter du prestige engrangé  sur les circuits pour vendre des voitures de route, et générer ainsi des profits qu’il ne manquerait pas de réinvestir dans son écurie.

1947, la naissance de la légende

C’est ainsi que dès 1949 la première véritable Ferrari de route fût créée, la 166 Inter. Au Salon de Paris de 1954, Ferrari présente la 250 GT, un élégant coupé dessiné par Pininfarina. Le succès commercial est au rendez-vous. Son ami Luigi Chinetti va grandement y contribuer en important Ferrari aux Etats-Unis dès les années cinquante. En 1957, la 250 sera ainsi déclinée en version California, un cabriolet visant à satisfaire les besoins de cette nouvelle clientèle. Une histoire d’amour qui ne se démentira jamais, ce marché étant aujourd’hui encore, et de loin, le plus important pour la marque au cheval cabré. Malgré le dédain des puristes, Ferrari comprend le besoin d’élargir sa base d’acheteurs potentiels et propose dès 1960 sa première 2+2 (comprenez une voiture à quatre places), la 250 GTE. Une tradition qui se poursuit encore aujourd’hui grâce au modèle GTC4 Lusso, un élégant coupé de chasse pouvant transporter – très rapidement – 4 passagers.

Evolution ultime de la série 250, la GTO est dévoilée en 1962. Son nom indique sa catégorie: Gran Turismo Omologato, soit une voiture de course pouvant être homologuée pour la route, spécification du règlement des courses GT de l’époque. Née sous le crayon de Giotto Bizzarrini puis affinée en soufflerie par Scaglietti, sa ligne à la fois ronde et agressive reste pour beaucoup la plus belle Ferrari de tous les temps. Elle fera des merveilles en course en remportant trois championnats du monde en catégorie GT d’affilée. Ajoutez à cela sa rareté – seuls 36 exemplaires ont été construits – et vous obtenez son statut d’icône absolu: elle est aujourd’hui considérée comme l’automobile la plus chère du monde, sa valeur tournant autour de trente millions d’euros. Un exemplaire est d’ailleurs actuellement proposé à la vente en Grande Bretagne contre la coquette somme de £ 45’000’000.

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En parallèle, Enzo Ferrari traverse un drame personnel. La santé de son fils Alfredo (surnommé Alfredino, puis Dino) décline. En 1956, sa myopathie finit par l’emporter alors qu’il n’a que 24 ans. Jusqu’au dernier moment, il impliquera son fils dans la conception d’un nouveau moteur V6. Enzo donnera même son nom en 1969 à l’un de ses modèles, la Dino 246 GT. Secret de polichinelle, Ferrari a un second fils, Piero, né d’une relation extra-conjugale. Par respect pour Laura, sa femme officielle, il ne prendra son patronyme qu’au décès de celle-ci, en 1978.

La Scuderia Ferrari, obsession du Commendatore

Active sur tous les fronts – Formule 1, Grand Tourisme et Sport-Prototypes, la Scuderia dépense beaucoup d’argent et fait face à concurrence toujours plus vive. En 1963, le géant américain Ford, souhaitant se rendre plus visible en Europe, se propose d’aider financièrement Ferrari. Un partenariat qui ne verra jamais le jour: Enzo Ferrari, un homme très fier, refusera de le signer. Vexé, Henri Ford II décide de se venger et de battre Ferrari sur son propre terrain en développant la Ford GT40. Cette armada yankee réussira à s’imposer quatre années de suite aux 24 Heures du Mans, fragilisant encore la santé financière de Ferrari. Autre anecdote illustrant le caractère orgueilleux d’Enzo: un certain Ferrucio Lamborghini, fabricant de tracteurs enrichi, collectionne les Ferrari. Alors qu’il se plaint auprès d’Enzo de la fragilité des embrayages de ses bolides, le Commendatore lui répond d’un air dédaigneux qu’il ferait mieux de s’occuper de ses machines agricoles. Se sentant humilié, Ferrucio s’en ira créer une marque pour concurrencer Ferrari, donnant ainsi vie à Lamborghini Automobili. Bientôt, Enzo Ferrari n’aura pas d’autre choix, il cède en 1969 le 50% de ses actions à Gianni Agnelli, dirigeant du groupe Fiat.

Désormais adossé à un solide partenaire financier, Enzo peut s’adonner à la compétition. Redoutable meneur d’hommes, il a le chic pour flairer le talent des pilotes émergeants. Les plus légendaires d’entre eux se sont relayés aux volants de ses voitures, tels qu’Ascari, Nuvolari, Fangio, Phil Hill, Jacky Ickx, Phil Hill, Niki Lauda ou encore Gilles Villeneuve, qu’il considérait comme son fils et qui se tua au volant d’une Formule 1 Ferrari.

Pendant les années septante, les liens de Ferrari avec la Suisse se resserrent. La Scuderia engage un pilote tessinois, Clay Regazzoni. Il engrangera 4 victoires en Grand-Prix et obtiendra le titre de vice-champion du monde sur Ferrari en 1974. Cette même année, Ferrari devient officiellement représentée en Suisse par les garages Foitek en Suisse Allemande et Zenith en Romandie. Les succès en compétition conjuguées à l’apparition d’une nouvelle gamme de modèles au moteur V8, moins onéreuse que les V12, permettra de soutenir les ventes pendant cette période.

L’année 1988 marque la disparition d’Enzo

En 1984 deux modèles iconiques verront le jour: la Testarossa, faisant sensation grâce à ses lignes futuristes signées Pininfarina, et la 288 GTO, première supercar Ferrari inaugurant une lignée qui se poursuit encore aujourd’hui, puisqu’elle fut suivie de la F40, la F50, l’Enzo, et la LaFerrari. C’est d’ailleurs à sa successeur directe, la F40, qu’incombera la triste étiquette de devenir le dernier modèle lancé du vivant d’Enzo. Celui-ci s’éteint en effet en 1988, à l’âge de 90 ans. A sa disparition, le groupe Fiat reprend le 90% du capital de Ferrari, Piero Lardi Ferrari gardant les 10% restants.

Les années 90 et 2000 verront les Ferrari triompher sur les circuits, des pilotes de la trempe d’Alain Prost, Jean Alesi, Fernando Alonso et surtout Michael Schumacher se succédant à leur volant. Ce dernier, septuple champion du monde dont cinq fois avec Ferrari avec qui il a obtenu 72 victoires, est d’ailleurs le pilote le plus titré de l’histoire. A ce jour, la Scuderia Ferrari est la plus ancienne équipe s’alignant en Formule 1 et détient 15 titres de champion du monde des pilotes, 16 de champion du monde des constructeurs et 226 victoires en Grand Prix, un record absolu. Ce sont aujourd’hui Kimi Räikkönen et Sebastian Vettel qui défendent les couleurs de Maranello, en opérant un retour aux avant postes lors de cette saison 2017.

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Les temps modernes

En parallèle, Ferrari inspire les acteurs du petit et grand écran. La 308 rouge de Magnum, la Testarossa blanche de Miami Vice ou plus récemment la découverte dans une grange française d’une 250 California ayant appartenu à Alain Delon contribuent à façonner le mythe. Une image que Ferrari décline sur nombre de supports grâce à des partenariats tels que ceux signées avec les chaussures Tod’s ou les montres Hublot. Cette dernière collaboration a d’ailleurs récemment occupé les devants de la scène: lors de lors du dernier salon BaselWorld, la manufacture horlogère de Nyon a dévoilé la Hublot Techframe Ferrari Tourbillon, une montre conçue selon des techniques appliquées à l’automobile. Il s’agit là du premier objet non automobile dessiné par le bureau interne Ferrari Design Centre, dirigé par Flavio Manzoni. Tout comme Disney, Ferrari décline également son univers en parcs à thème. Deux ont déjà vu le jour, l’un à Abu Dhabi et l’autre en Espagne.

Avec le récent lancement à Genève du nouveau vaisseau amiral Ferrari, la 812 Superfast, toute la gamme a désormais été créée à l’interne, sans plus faire appel au design de Pininfarina. Ce modèle, conjointement au lancement de LaFerrari Aperta ainsi que d’une série spéciale de modèles actuels du catalogue Ferrari rendant hommage à des véhicules ayant marqué l’histoire de la marque, est venu ponctuer les festivités de ce septantième anniversaire. A cette occasion, une exposition Ferrari itinérante effectue cette année un tour du monde en faisant halte dans soixante pays. Et comme si ce programme n’était pas suffisant, Ferrari a dévoilé fin août l’inattendue remplaçante de la California, baptisée Portofino.

Qui du futur? Côtée aux bourses de New York et de Milan, la société Ferrari bat désormais pavillon… hollandais. Sous la direction de Sergio Marchionne, la production augmente d’année en année – 8014 exemplaires produits en 2016 – et le chiffre chiffre d’affaires dépasse les 3 milliards d’Euros. Une solide assise financière qui permet aux ingénieurs Ferrari d’imaginer des solutions techniques compatibles avec les nouveaux défis qu’affronte notre planète, en passant notamment par des motorisations hybrides. Enzo peut se reposer en paix: désormais, Ferrari est parée pour regarder l’avenir avec sérénité. “Il cavalino” n’a pas fini de se cabrer…

– Jorge S. B. Guerreiro

(Article originalement publié en format raccourci dans le magazine Bilan Luxe)