Pratiquer zazen : le courage de vivre

Publié le 09 janvier 2018 par Eric Acouphene

Zazen démantèle le moi, parce que c'est une mise en situation inhabituelle qui nous pousse à trouver nos propres ressources au cœur même de cet inhabituel : ne pas intervenir sur un fait, recevoir au lieu de prendre, s'étonner au lieu de juger, connaître chaque situation de façon active au lieu d'opposer ou d'ignorer et goûter dans chacun de ces changements une mise en relation immédiate avec le corps vécu, parce qu'il n'y a plus rien à prévenir, à anticiper, à projeter. 
Le corps, débarrassé de toute force inutile, le corps qui n'est plus tendu vers un désir autre que celui de ce qui se présente, mobilise ainsi toute l'attention. S'effectue alors ce retour à soi, ce moment d'intimité avec l'acte pur d'être là, qui nous comble. C'est de cette plénitude que nous vient le courage de supporter le moment présent dans ce qu'il peut avoir d'ennuyeux, d'insupportable, d'exaspérant, d'annihilant. Chargé de cette plénitude, le moi peut prendre le risque de s'exposer à tous les vents, il peut prendre le risque de vivre : sortir du principe de précaution qui devient de plus en plus prégnant dans notre société et tend à nous laisser croire qu'il prévient de tous les dangers. 
Risquer, c'est être exposé à un danger possible ; pratiquer zazen est un danger possible pour le moi que Dürckheim avait d'ailleurs souligné : « Zazen est dangereux pour l'ego ». En effet, combien il est difficile pour le moi de s'asseoir en étant privé de toute possibilité d'intervention sur le passé, le présent et l'avenir, et tout à la fois, d'une manière paradoxale, se sentir devenir fort de cette vulnérabilité assumée, parce que l'expérience du corps vécu, libéré de toutes ces tensions d'évitement, nous ramène à la nudité de l'ineffable, tranquillement, nous ancre dans une attitude dépouillée, humble et simple. Cette expérience est celle d'un retour à l'ordre originel. 
Comment assumer les tourments, si ce n'est en se laissant glisser dans le calme du corps ? Plus nous sommes corps percevant le calme, moins nous sommes identifiés à notre singularité pétrie d'angoisse. Le calme s'installe dans l'oubli de soi, il a quelque chose de totalement anonyme et d'universel, tandis que le simple bien-être est tout à fait personnel. Oser se fier au calme du corps, c'est sortir de cette névrose d'évitement, qui nous emprisonne dans les expériences passées, dans la crainte de l'avenir, tout en nous empêchant de prendre à bras le corps la vie, tout simplement la vie, c'est permettre que le corps nous offre ce que le moi ne peut réaliser : l'absence de peur, l'absence de tourment. 
S'asseoir en silence chaque jour, c'est reprendre confiance dans ce calme. Entre le regret et l'espoir, entre le renoncement et les attentes, il y a ce moment de vie à saisir, la vie sans la crainte de vivre.
 Dominique Durand
***