L’empire du mensonge d’Aminata Sow Fall (2017)

Publié le 24 janvier 2018 par Africultures @africultures

Le  roman de Aminata Sow Fall, intitulé L’empire du mensonge, est un plaidoyer en faveur de l’éducation, sous toutes ses formes.

Le livre de 133 pages, publié en mai 2017, retrace le parcours de vie de ‘’petits gens’’, comme disait le cinéaste sénégalais Djibril Diop Mambety (1945-1998).  Sada est un enfant dont les parents sont des villageois installés en ville pour fuir la sécheresse. Ces derniers vivent d’abord dans ’’un quartier populeux, où il n’y a ni électricité, ni eau…’’. Les inondations poussent le père de Sada, Mapaté, un boudjou (appellation péjorative d’un fouilleur d’ordures) à se déplacer vers une décharge où il implante son taudis. Cette petite famille naufragée tente de ce construire une nouvelle vie dans une société dominée par l’argent.

Entre-temps, ces voisins de quartier, également naufragés des inondations, préfèrent retourner au village pour inscrire leurs enfants à l’école. Des années plus tard, les amis d’enfance Sada Waar, Mignane Sonko et Boly se retrouvent, chacun a eu ’’un parcours glorieux’’ malgré ’’la vie de misère’’ de leurs parents. En décrivant avec un réalisme poignant ’’le destin de petits gens’’, Aminata Sow Fall, Grand prix de la Francophonie de l’Académie française en 2016, donne en exemple leur histoire de vie faite d’abnégation, de courage, de labeur et de réussite.

L’auteur qui est également enseignante reste fidèle aux thématiques développées dans ces précédents romans : Le Revenant, 1976, qui est une satire sur la place de l’argent dans notre société ou encore Festins de la détresse, 2005. La romancière met généralement en scène des personnages engagés dans une quête permanente de l’ascension éthique et morale.

Pour Sabou, épouse de Mapaté et mère de Sada, les valeurs humaines sont fondamentales. « (…), Mapaté ! Que Dieu bénisse ton chemin. Reviens-nous plus solide, plus costaud, la tête pleine. Et n’oublie pas d’où tu viens. (…) ». Pour Aminata Sow Fall, ’’d’où tu viens’’ ne suggérait aucune référence sur l’origine, l’appartenance, le statut social ou la confession.

Elle rappelle ’’les principes fondamentaux méthodiquement éprouvés, forgés et transmis pour façonner l’être humain dans le respect des valeurs cardinales qui garantissent le Jom ou dignité, l’honneur’’. Tout ceci, ajoute l’écrivain, ’’sur le socle immuable de l’amour, de la tolérance, de la générosité et de la justice. Et surtout de l’humilité’’.

L’Empire du mensonge permet à la romancière de relever les tares de la société sénégalaise voire du monde : ’’l’argent, le maître absolu aujourd’hui’’, ’’la paresse, la tendance ici’’, ’’le manque d’estime de soi, le malheur suprême’’, ’’le mensonge politique, mensonge industriel, le style en vogue’’. Puis la romancière se questionne ’’Où va le monde ? Plus de valeurs ! Degré zéro de l’Amour, ciment de la fraternité et de la paix. L’Humanité dépouillée de sa noblesse. Horreur ! Tous les moyens bons pour assouvir de bas instincts. A qui la faute ? (…)’’.

L’écrivain pointe du doigt le manque d’éducation, la corruption, etc. ’’La faute revient à nous tous qui n’éduquons plus nos enfants, occupés que nous sommes à courir derrière les honneurs, à tout prix. (…)’’, indique-t-elle. ’’L’éducation n’est pas simplement le fait de l’école’’, note la romancière, rappelant qu’elle ’’est surtout façonnée à partir de la maison’’. Aminata Sow Fall invite à ’’se ressaisir’’ et à ’’bannir la haine, le mépris, l’injustice, les cruautés incroyables. (…)’’. Le livre L’Empire du mensonge est édité par le Centre Africain d’Animation et d’Echanges Culturels (CAEC) et les ’’Editions Khoudia’’. C’est le 9e roman (douzième ouvrages de Aminata Sow Fall, née à Saint-Louis en 1941, Grand-Croix de l’Ordre National du Lion et Docteur honoris causa de plusieurs universités américaines.

Cette chronique a été réalisée à l’occasion d’un atelier organisé en décembre 2017 par l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie) dédié au journalisme culturel.