Tricky, ou l’incompris et insatiable génie

Publié le 05 février 2018 par Heepro Music @heepro

En ce début de mois de février, alors que le festival GéNéRiQ entre en pleine effervescence dans une grande partie de l’est de la France, il est l’une des têtes d’affiche – sinon LA tête d’affiche du festival – qu’il serait grand temps de mettre à jour.

Car Tricky aura eu la chance de commencer tout en haut de l’Everest, dont il ne pouvait par la force des choses que redescendre. Le seul endroit où il restera imperturbablement énorme, et dès lors in-critiquable, c’est bien sur scène.

Pour autant, il n’y aura pas eu qu’un seul sommet à sa carrière, carrière qui dépasse le quart de siècle si l’on s’en réfère à ses véritables tout débuts au sein d’un groupe culte dont il aura vite fait de s’enfuir. Ses participations aux deux premiers albums de Massive Attack (1991 et 1994), dont il n’était pas officiellement membre mais seulement un acteur secondaire de premier ordre, comme le fut Shara Nelson ou comme l’est toujours le grand Horace Andy.

Signé sur Island Records, la période 1995-1996 marque ainsi l’entrée fracassante de l’enfant terrible avec ce qui restera à jamais son chef-d’œuvre absolu, œuvre majeure des années 90, souvent nommée chef-d’œuvre de l’année 95 tous styles confondus. Écouter Tricky, c’est évidemment écouter Maxinquaye. C’est son Nevermind, son OK Computer, son Untrue à lui.Indépassable, insurmontable, pour les autres, mais pour lui aussi.

Son projet suivant trouvera d’ailleurs son nom dans une expression donnée par un journaliste lui demandant ce que cela lui faisait d’être devenu presque un Dieu tant il a pu recevoir d’éloges pour son tout premier LP en tant que maître à bord. Nearly God, donc, et Pre-Millennium Tension, seront deux tentatives réussies de succéder à la divinité Maxinquaye, un an seulement après ce coup de génie qui ne vieillit pas.

Si pour certains c’est avec Angels With Dirty Faces, sorti en 1998, que le Bristolien commence à descendre de son piédestal, je sens personnellement les vrais bouleversements n’arriver qu’en 1999 avec Juxtapose, album qui est en fait le fruit de la collaboration avec des artistes américains : Grease et DJ Muggs. Pas mauvais, mais pas génial non plus. Tricky a lâché le micro (on a l’habitude, pas de souci) et partage les rênes de la production : là, c’est davantage gênant, on ne reconnaît plus trop le style fracassé de l’Anglais, l’ensemble devient bien trop lisse, c’est-à-dire quelconque.

Ce que l’on a coutume d’appeler la période américaine de Tricky se poursuit avec des choix tout à fait mitigé sur Blowback en 2001, album où le meilleur côtoie le pire… Le pire arrivant irrémédiablement en 2003 avec l’incompréhensible Vulnerable. À ce jour, si j’omets Juxtapose que je ne considère pas tout à fait comme un album solo, c’est son seul raté total selon moi. Malgré le soutien de sa maison de disque Anti-, tout cela sera un désastre incommensurable…

En effet, et il lui faudra un laps de cinq années pour cela, 2008 le verra tenter ce qui apparaît essentiellement comme un retour aux sources avec Knowle West Boy, du nom de son quartier d’origine. Si initialement j’étais tombé dans le piège de croire à ce retour à la période faste du milieu des années 90, aujourd’hui je trouve cet album très réussi. Pour moi, avec son bref successeur Mixed Race (en 29 minutes chrono, rarement Tricky n’a semblé aussi efficace), il signe son retour en grâce, ouvrant une nouvelle page à sa discographie suites aux errements entre 1999 et 2003, retour signé depuis Paris et qui l’impose artistiquement plus sobre et humble que jamais. Et peut-être merci Domino Records ?

Aussi n’est-il pas surprenant de le voir créer son propre label depuis Berlin, dont False Idols est le fer de lance parfait en 2013. Derrière, Adrian Thaws d’abord, puis Skilled Mechanics et, l’an passé, Ununiform permettront de confirmer que Tricky s’est retrouvé tout en retrouvant une assurance enfin indéniable et des plus respectables.

Au final, je vous ai parlé brièvement d’Adrian ‘Tricky’ Thaws, mais quinze albums ont été mentionnés : c’est beaucoup, et pourtant je n’ai rien dit du tout de son travail pour d’autres artistes tels Björk, Neneh Cherry ou, tout récemment, Francesca Belmonte. Quant aux nostalgiques, foncez écouter sa collaboration tant espérée avec Massive Attack en 2015 et intitulée « Take it there ».

(in heepro.wordpress.com, le 05/02/2018)

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