Dankala

Publié le 12 février 2018 par Lorraine De Chezlo
d'Isabelle Sivan
Roman - 260 pages
Editions Serge Safran - janvier 2018
A Dankala, dans ce petit Etat d'Afrique francophone écrasé par le soleil, aux portes du désert, des gens qui se côtoient. Les Dankalais, mais aussi la petite communauté française, qui fluctue au gré des expatriation et des vols Paris-Dankala. Cette année, il y a le consul Richemont et sa femme qui va nourrir les chiens des bas fonds, Julie Charpentier la jeune femme en mission humanitaire, le colonel Patte qui aura la délicate mission de faire face à des attaques ciblées contre l'armée française en place, le banquier Leguenec et son épouse,... et Achille, le mendiant qui contre quelques centaines de Cfa peut devenir l'indic de Richemont. C'est que dans ce petit pays ou quasiment rien ne se passe, d'abord un puis deux autres militaires français ont été retrouvés assassinés. Et d'autres victimes suivront...
Ce premier roman est un délicieux bijou d'écriture. La plume de l'auteure nous abreuve de phrases ciselées, délicates, qui nous plantent un décor suspendu, qui laissent le temps s'égrener entre les mots. J'ai été immédiatement séduite par son style littéraire et les images qu'il me permettait d'évoquer.
Extrait :"Tu ne retrouveras pas ton chemin. Toute la noirceur de l’Afrique lui renvoyait cette phrase, un vent sale sans image. Renaud Girod n’avait pas sa veste, son téléphone sur lui. Ses espadrilles n’étaient pas faites pour marcher. Il avait trop bu, trop fumé. Dans quel sale plan s’était-il fourré ? Ses pieds alourdis par l’alcool raclaient le sol. Sa fatigue et autre chose, irrémédiablement, se transformaient en une ritournelle sans espoir. Tu ne retrouveras pas ton chemin. Les baraques en tôle sous l’estompe de la nuit se courbaient pour l’éviter. Il n’osait pas les approcher. ll voyait bien, assis sur le seuil, que des hommes riaient sur son passage, que les femmes secouaient leurs mains autour de leur visage pour le chasser. Tous lui criaient qu’il n’avait pas à être là. Lui, dans ce quartier de Noirs à l’écart du centre-ville, lui Blanc, loin de ceux qui lui ressemblaient. Tu ne retrouveras pas ton chemin. Alors, en retrait dans l’obscurité, de loin, il scrutait les îlots de lumière. Il espérait reconnaître, les yeux plissés, un lieu, la couleur jaune d’un taxi qui le ramènerait à la caserne.
Depuis combien de temps marchait-il ? Les doigts serrés, il se frotta le poignet pour sentir le bracelet de sa montre. L’heure était son seul repère: sa trace entre le moment où il avait quitté la boîte de nuit et celui où il atteindrait les premières lueurs du jour."

Sous nos yeux évolue un petit microcosme peu actif. Les femmes de se préoccupent de leur prochaine toilette pour honorer telle ou telle réception, les notables s'observent sans concertation claire sur la suite à donner à ces évènements tragiques. Rien ne bouge, ce qui fait l'affaire de Richemont qui va s'atteler à la rédaction d'un roman. Un bel hommage à l'écriture qui sauve de l'ennui ! Les ragots s'enchaînent, les suppositions vont bon train. Bientôt une dizaine de morts parmi la communauté française, alors on pense à un tueur en série ou un groupuscule terroriste en formation. Soit l'un soit l'autre. Des mois passent. Et il semble que certains se satisfont qu'enfin la métropole daigne se préoccuper du petit état lointain, et d'enfin faire venir journalistes et renforts militaires...Un beau roman sur une Afrique non située mais assez réaliste, davantage qu'un roman policier, mais l'auteure parvient à créer le suspense, une tension qui pourra être un tantinet déçue par le dénouement, ou pas.
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DankalaIsabelle Sivan