Oui, ce livre, telle une longue marche dans un pays intérieur. A travers tant de paysages humains où l’arbre et l’eau sont un langage et toutes les clartés du jour et des crépuscules et des saisons. Tant d’espaces désertiques et désolés. Où chaque pas a son poids de beauté, de silence, de lumière. De gestes les plus humbles, de compassion et de réparation, de guérison. En résistance opposée, pas à pas, aux gestes et aux mots de haine, de lâcheté, d’abrutissement. Une marche habitée par l’esprit. Ainsi dans la langue allemande de Buber traduisant les récits du hassidisme et le Baal Chem Tov, ce riche mot de Be-geisterung, à la fois discernement de l’intelligence et force spirituelle au-delà de toutes les appartenances et tous les enfermements. Ferveur et enfance du cœur. Ce livre en est le conte. Son temps a la durée immédiate de ces temps exceptionnels, où les minutes ont valeur de jours, de mois, d’années… Et chaque étincelle d’humanité rencontrée au plus noir de la boue et de la nuit a poids de vie. Et de joie.
Ce livre, je l’ai lu, je l’ai entendu comme une dernière parole comme un testament de Aharon Appelfeld. Justement en ces temps. Où il nous vient de nous quitter. Ce 4 janvier 2018.
Mireille Gansel
Aharon Appelfeld, Des jours d’une stupéfiante clarté, traduit de l’hébreu par Valérie Zenatti. Editions de l’Olivier, 2018, 272 p., 20,50€
*Aharon Appelfeld, Les Partisans, éditions de l’Olivier, 2015