Statut. Ce qui se passe à la SNCF sera bientôt un cas d’école enseigné dans toutes les hautes sphères du pouvoir. Comment passer de l’esprit des services publics à une dislocation en règle de l’idée même?
Primo: laisser l’entreprise s’enferrer dans la gestion de contraintes insupportables. Secundo: se servir de ces dysfonctionnements pour s’attaquer à sa vocation publique. Tertio: baisser progressivement son financement pour qu’il cesse de fonctionner pleinement. Quarto: attiser l’opinion publique pour que les gens s’énervent légitimement et qu’en dernier ressort ils aspirent à autre chose, la concurrence par exemple, puisqu’elle nous est vendue comme l’alpha et l’oméga de la vie sur terre. Voilà, le tour est joué. Vous pouvez casser le statut, changer le régime social de l’entreprise et lancer la privatisation! Les «couches laborieuses», elles aussi, seront plus ou moins convaincues que, faute de mieux, il «faut en passer par là», «essayer autre chose»… Pendant ce temps-là, rassurez-vous. Certains continuent de dormir tranquilles. Les puissants, les « importants », eux, conserveront leur statut, le vrai statut de classe : celui des privilégiés. Eux paieront toujours les premières classes et biberonneront aux dividendes sans lever le petit doigt, bien à l’abri dans leurs quartiers sécurisés – où ne vivent jamais ni cheminots, ni infirmiers, ni urgentistes, ni agents de la fonction publique, ni même professeurs de lycée, et encore moins ces chômeurs en « fin de droits » sortis des statistiques officielles…
[BLOC-NOTES publié dans l’Humanité du 2 mars 2018.]