(Disparition) Le poète allemand Hans Arnfrid Astel, par Alain Lance

Par Florence Trocmé

Die Amsel fliegt auf
Der Zweig winkt ihr nach
 
Le merle s'envole
La branche lui fait un signe d'adieu.
 
 
Nous avons appris avec tristesse la mort soudaine, ce 11 mars 2018, à Trèves, du poète Hans Arnfrid Astel. Il était né en 1933. Son père, un médecin partisan du régime hitlérien, fut nommé recteur de l'université de Iéna et se suicida en 1945. Arnfrid publia ses premiers poèmes en 1959. « J'ai eu de mauvais maîtres / Ce fut une bonne leçon », ce distique est une allusion évidente à ses années d'enfance. En 1967 il devient rédacteur littéraire à la radio sarroise, dont le directeur, qui n'appréciait guère ses opinions de gauche, le licencie au début des années 70. Ce qui déclencha une vague de protestations et une bataille juridique qui permit à Astel de retrouver son poste. Jusque dans les années 90 il fut responsable des émissions littéraires et produisit avec brio, originalité et parfois charmante impertinence l'émission Literatur im Gespräch, dans laquelle il reçut de très nombreux écrivains allemands ou étrangers. Il a publié plusieurs livres de poèmes, notamment Kläranlage. 100 Epigramme (1970), Zwischen den Stühlen sitzt der Liberale auf seinem Sessel (1974,) Wohin der Hase läuft (1992), Sternbilder (1999). Et depuis 1994 ses poèmes sont rassemblés sur internet sous le titre Sand am Meer. En 2003, Michael Buselmeier et Ralph Schock ont publié un livre sur son œuvre : Seit ein Gespräch wir sind. De 1979 à 1995, il anima à l'université de Sarrebruck un séminaire d'écriture littéraire (« Chasse à la licorne et capture de grillons ») qui révéla quelques jeunes écrivains sarrois. Plusieurs prix littéraires lui furent décernés et, le 13 avril prochain, il devait recevoir du gouvernement de la Sarre le titre de professeur honoris causa.
En 1972 j'avais découvert quelques-uns de ses poèmes, traduits par Martin Graff, lorsque je préparais le numéro de notre revue action poétique sur « agitprop et littérature ouvrière en Allemagne ». De très brefs poèmes, proches des haïkus, parfois des distiques, comme celui-ci, intitulé Tolérance : « L'église me laisse froid/ Elle ne me brûle plus ». Ou bien encore : À la frontière de l'État de droit : « Du canon de sa mitraillette/ Le garde frontière/Feuillette/Mon manuscrit/Contre l'État policier. »
Je fis sa connaissance une décennie plus tard lorsqu'il m'invita à son émission Autoren im Gespräch : nous y avons dialogué et lu des poèmes avec le traducteur Eugen Helmé. Puis je l'ai retrouvé au début des années 90 quand je travaillais à Sarrebruck. Son écriture avait sensiblement évolué : tout en privilégiant la forme brève, elle délaissait la satire et la dénonciation pour accorder une place toujours plus importante à l'étymologie, la botanique, la philosophie. Sur le site Sand am Meer on peut lire des centaines de ses très brefs poèmes qui « rendent hommage à l'épiphanie de l'instant », comme l'a écrit Christoph Schreiner. C'est ce que l'on perçoit dans le livre Dyonisos et l'amour au jardin des plantes (éditions Créaphis, 2000) qui rassemble des poèmes d'Astel que nous avions traduits collectivement avec Claude Esteban, Michelle Grangaud, Joseph Julien Guglielmi, Josée Lapeyrère, Emmanuel Moses, Tita Reut, et Jean-Claude Schneider lorsqu'il fut invité à Royaumont. Sur le site www.zikaden.de on peut trouver de nombreux poèmes d'Astel et leur traduction en français par Rüdiger Fischer ou Danielle Auby.

Alain Lance