Peter Kernel ‘ The Size Of The Night

Publié le 20 mars 2018 par Heepro Music @heepro

Le quatrième album studio de ces deux amis continue de détonner dans l’univers Rock actuel. Car oui, pour rappel, il s’agit bel et bien d’un duo, formé en 2006 par le graphiste suisse Aris Bassetti et la vidéaste canadienne Barbara Lehnhoff, les deux artistes créant par la même occasion leur propre label, On The Camper.

Depuis les débuts, leur humour est indissociable de leur sincérité musicale, et les Peter Kernel nous le confirment cette année : « Cet album exprime cette nouvelle conscience que nous nous sommes retrouvés à explorer tout au long de ces derniers mois. On peut être très sensibles et en même temps agir comme des idiots : le tout c’est de l’accepter ! ».

La thématique centrale de cette nouvelle œuvre n’est pas ce beau cocker choisi en visuel, mais la nuit, dans des acceptations très variées. The Size Of The Night est à ce titre évocateur, s’attachant autant à ce moment très personnel et terre-à-terre qu’est la nuit pour chacun, qu’à ses qualités philosophiques ou existentielles – moment de repos, de bonheur, d’espoir, de rêve ou moment d’angoisse, de peur, de terreur, de cauchemar. Pour autant, le « meilleur ami de l’homme » se veut calme, posé, pensif, mettant de prime abord en évidence le sérieux qui sied aux deux musiciens lorsqu’ils montent sur scène ou entrent en studio.

De même, les titres des dix chansons sont tous d’une précision sémantique qui n’a comme contre-pied que la seule présence de l’animal qui semblerait dès lors en total décalage avec l’ambiance générale. On comprend finalement que le chien vient ici affirmer l’aspect non sauvage mais animal de leur musique, c’est-à-dire qu’ils suivent tout simplement leur instinct, de la façon la plus humble qui soit.

Aussi l’interprétation du duo est-elle brute toujours, euphorique souvent, apaisée parfois. Ainsi la voix de Barbara me rappelle d’entrée d’album les Sleigh Bells par exemple, la musique étant également volontairement stridente sur ce « There’s nothing like you ».

Mais quand démarre « Pretty perfect », c’est aux Yeah Yeah Yeahs époque Fever To Tell et Show Your Bones que je pense davantage, en particulier pour la fragilité qui est décelable dans la voix de Barbara, fragilité qui se confirme vite sur « Terrible luck ». Y sentir l’ombre d’une PJ Harvey ne serait pas exagéré non plus, pour les aspects rauques des albums premiers de l’Anglaise il y a plus de vingt ans déjà.

À l’écoute de « Drift to death » ou du single « Men of the women », on se rend bien compte que le duo fait quand même ce qu’il veut, dégageant une personnalité indéniable et des plus efficaces. Loin de nous rappeler exactement les White Stripes, la symbiose entre eux semble tout aussi indiscutable musicalement parlant.

Tout comme « The secret of happiness » plus tôt, « The revenge of the teeth » est véritablement dérangeant, comme certaines heures de la nuit peuvent l’être lorsque le sommeil n’est pas encore là.

« The shape of your face in space » nous permet d’entendre – enfin ! – le chant d’Aris aux côtés de Barbara, dans une ambiance presque psychédélique. En effet, celui-ci se contentait jusqu’ici de seconder la voix principale, de façon plus ou moins perceptible dans les chœurs que Barbara chantait également.

Alors que « The storm will last » nous remémore la première partie de l’album, « The fatigue of passing the night » est un véritable final, Aris et Barbara partageant une nouvelle fois tous deux le micro, sur une musique très paisible, et la fin du voyage semble inéluctable : toute nuit finit en effet toujours de la même manière, nos yeux se fermant alors que le sommeil l’emporte.

(in heepro.wordpress.com, le 20/03/2018)