Les loyautés, de Delphine de Vigan

Publié le 10 avril 2018 par Francisrichard @francisrichard

Je sais que les enfants protègent leurs parents et quel pacte de silence les conduit parfois jusqu'à la mort, se dit Hélène, qui, quand elle se dit ça, ne peut imaginer si bien dire...

Dans Les loyautés, Delphine de Vigan se place du point de vue d'Hélène, justement, de Théo, de Cécile, de Mathis, par ordre d'apparition. Hélène et Cécile s'expriment à la première personne. L'auteur raconte Théo et Mathis à la troisième.

Hélène Destrée, 38 ans, n'a pas eu d'enfants: J'abrite en moi-même, et à l'insu de tous, l'enfant que je n'aurai pas. Elle enseigne les sciences de la vie et de la terre au collège, c'est-à-dire à des enfants de 12-13 ans. Elle s'inquiète pour Théo, l'un de ses élèves, et elle ne sait pas à quel point elle a raison. Les autres (et elle-même) croient qu'elle se fait des idées et qu'elle devrait se mêler de ce qui la regarde.

Théo Lubin est un garçon qui vit une semaine chez sa mère, une semaine chez son père. Sa mère n'a jamais pardonné à son père qu'il la trompe avec Sylvie: depuis, même après leur divorce, elle garde en elle-même un caillot de haine: elle dit "l'autre", "l'enfoiré", "le minable". Elle ne sait pas - Théo le lui cache - que l'ennemi n'est plus avec Sylvie et que, sans emploi, il sombre depuis des semaines.

Cécile a épousé William Guillaume. Elle n'aime pas que son fils Mathis fréquente Théo. Elle pense qu'il a une mauvaise influence sur lui. Elle ne sait pas que Mathis et Théo boivent, en cachette, de l'alcool ensemble, beaucoup. Elle ne sait pas non plus que son mari bien élevé, bien éduqué, qui est d'un autre milieu qu'elle, et le lui fait sentir, déverse des torrents de boue sur la Toile et s'y vautre.

Mathis a connu Théo en sixième. L'année suivante, ils se sont retrouvés dans la même classe. Théo impressionne Mathis: On le craint. On le respecte. Il n'a jamais eu à se battre, ni même à menacer. À l'intérieur de lui, quelque chose gronde, qui dissuade l'attaque et le commentaire. À ses côtés, Mathis est sous sa protection, il ne risque rien. Cela crée entre eux les liens d'une indéfectible amitié.

Au début de son livre, l'auteur parle des loyautés, ces liens invisibles qui nous attachent aux autres, qui sont nos ailes et nos carcans. Son livre est l'illustration de cette ambivalence qui anime les êtres humains, pétris à la fois de bons et de mauvais sentiments. Les loyautés? Ce sont les tremplins sur lesquels nos forces se déploient et les tranchées dans lesquelles nous enterrons nos rêves.

Francis Richard

Les loyautés, Delphine de Vigan, 208 pages, JC Lattès

Livre précédent:

Rien ne s'oppose à la nuit (2011)