[Dossier] EVIL DEAD : des films à la série, immersion dans une saga culte

Par Onrembobine @OnRembobinefr

[Dossier] EVIL DEAD : des films à la série, immersion dans une saga culte

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La nouvelle est tombée comme un couperet. La série Ash vs Evil Dead s’arrête ! Après 3 saisons, la chaîne Starz, faute d’audiences, a décidé de mettre fin à l’aventure débitée il y a 3 ans. Alors qu’on gardait espoir quant à un rachat par Netflix ou à la mise en route d’un éventuel épisode 4 au cinéma comme il en avait été question à un moment, Bruce Campbell a quant à lui annoncé qu’il ne jouerait plus Ash à l’avenir. Le final de la saison 3 marque donc les adieux avec le héros le plus cool et emblématique du cinéma d’horreur. En cela, il était impensable de ne pas lui rendre un hommage en revenant sur la franchise Evil Dead dans son ensemble. Des films à la série, ce dossier a donc pour objectif de relater les origines de la saga via ses personnages ou encore le Necronomicon en lui-même. Attachez vos ceintures, le voyage va se faire en Oldsmobile Delta et ça va être groovy.

Ma cabane au fond des bois

Tout a commencé à la moitié des années 70. Jeune étudiant passionné de cinéma, Sam Raimi rencontre Bruce Campbell et un de ses amis, Scott Spiegel, dans un cours d’art dramatique. Rapidement, le trio réalise des courts-métrages de tous styles mais surtout burlesques (en tout, une vingtaine) en Super 8 inspirés des 3 Stooges. Ils sont rejoints par les frères de Sam Raimi, Ted et Ivan, ainsi que par leur colocataire, Robert Tapert. Selon Bruce Campbell, tous étaient de vrais nerds, qui ne sortaient pas, travaillaient la semaine et vouaient tous leurs week-ends à tourner. À l’origine amateur de comédies, Raimi ne goûte guère au fantastique (il se dit peureux et déteste l’expérience de la peur) jusqu’à ce que Spiegel l’emmène voir Halloween – La Nuit des Masques, de John Carpenter. C’est la révélation. Sam Raimi passe alors des semaines à aller voir, en compagnie de Bruce Campbell, des séries B horrifiques dans des drive-in. Il décide alors de passer à l’étape du long-métrage.
Afin de réunir le budget et de convaincre des investisseurs, Raimi décide de réaliser un court qui doit servir de démo. Avec Tapert (à la production), Campbell, Spiegel, Ted Raimi et Ellen Sandweiss, Sam Raimi tourne, pour un budget de 1600 dollars, Within The Woods. Le maquillage est assuré par Tom Sullivan, qui rejoint le clan. L’histoire tourne autour de Bruce, Ellen, Shelly et Scotty en vacances dans une cabane au fond des bois. Lorsque Bruce profane involontairement une tombe indienne en récupérant un poignard, il se transforme en zombie et massacre ses amis. Bien que pensé comme une démo, Within the Woods possède des éléments qu’on retrouvera plus tard dans la saga Evil Dead (une partie du casting, la cabane, la balancelle qui cogne la maison, la transformation en monstre à cause d’un objet occulte, les travellings à ras du sol pour personnifier la menace…) mais aussi dans la suite des œuvres de Raimi. Le film est diffusé dans un cinéma de Detroit, en première partie de Rocky Horror Picture Show et fait l’objet d’une critique enthousiaste de la part du Detroit News. L’objectif est atteint et Sam Raimi obtient une grande partie du budget nécessaire pour son futur projet qu’il appelle The Book of the Dead. Les frères Coen expliqueront plus tard qu’ils se sont inspirés de Within the Woods pour faire la même démarche afin de financer leur premier long, Sang Pour Sang. Une démarche qui sera payante au vu de leur filmographie (Le Grand Saut avec une apparition de Bruce Campbell, Fargo, The Big Lebowski, O’Brother, etc.).

The Book of the Dead ou l’Opéra de la Terreur

Deux ans après l’essai Within the Woods, Sam Raimi, Tapert et Campbell fondent Renaissance Pictures et se lancent dans l’aventure de The Book of The Dead. Le tournage est très long (2 ans en tout, avec plusieurs pauses pour des raisons financières), et enchaîne les difficultés en lien avec le petit budget (350 000 dollars), notamment concernant les conditions climatiques extrêmes sur le plateau, les effets visuels ou les défections d’acteurs, remplacés par d’autres lourdement maquillés (mentionnés au générique comme Fake Shemps, terme inventé par Raimi en référence aux 3 Stooges. Le terme Shemps sera repris plus tard dans sa filmographie en guise de clin-d’œil, comme par exemple sous forme de marque de bière). Heureusement, Raimi peut compter sur ses potes, et notamment Joe Coen, qui monte le film. Influencé par La Nuit des Mort-Vivants de Romero pour l’ambiance et le cadre à la limite du huis clos, et par Massacre à la Tronçonneuse pour la technique, Raimi veut livrer un métrage viscéral, prenant et filmé à l’ancienne.
Dès le premier plan, on se retrouve devant quelque chose d’oppressant, qui ne laisse aucune place à un quelconque temps mort. Un travelling fluide et rapide personnifiant une menace qui ne dit pas son nom et on plonge tout de suite au sein d’une bande de copains qui partent dans les bois pour rejoindre une cabane isolée. En trouvant un livre, un magnétophone et une dague, Ash, Linda, Scotty, Cheryl, et Shelly réveillent sans le vouloir une force démoniaque qui a le pouvoir de posséder les vivants pour les transformer en créatures maléfiques quasi-inarrêtables, les Deadites. Ici pas (ou peu d’humour), mais de l’angoisse pure et des séquences marquantes comme l’arrivée à la cabane, l’attaque de Cheryl par un arbre (scène au sujet de laquelle Raimi a déclaré que si c’était à refaire, il ne la réécrirait pas), la première scène de possession (durant une partie de cartes) ou encore le pont détruit (qu’on retrouvera des années plus tard dans le film Dellamorte Dell’amore de Michele Soavi).

God save the King

Il a fallu attendre la diffusion de The Book of the Dead pour trouver un distributeur en la personne d’Irwin Shapiro (personne n’était tellement emballé jusque là) qui suggère de le renommer pour toucher un public adolescent : le titre Evil Dead est alors choisi.
Auréolé de plusieurs prix au Festival de Paris du Film Fantastique, Evil Dead est projeté au Marché du Film à Cannes. Dans la salle se trouve Stephen King (idole de Raimi) qui se montre enthousiaste. Le hasard fait bien les choses car King est représenté lui aussi par Shapiro, et décide d’en faire une chronique pour Twilight Zone Magazine. Tout s’enchaîne vite par la suite, et Evil Dead devient rapidement culte, rapportant plus de 29 millions de dollars de recettes mondiales. Le succès, au-delà des espérances, entraîne une première adaptation en jeu-vidéo en 1984.

Retour à la cabane et changement de cap

Par la suite, Sam Raimi décide de revenir vers la comédie et se laisse tenter par Hollywood avec le film Mort sur le Grill, produit par Embassy Pictures. Mais l’expérience tourne court, et, écœuré, il décide de retourner à l’indépendance. Alors que pour lui, la fin d’Evil Dead (Ash détruit le livre et son destin pose question) n’appelait pas forcément de numéro 2, il change d’avis car il sait que c’est un film sur lequel il pourrait avoir un contrôle total. En revanche, il change de registre pour distiller plus d’humour, rapport à son amour pour le burlesque. Là encore, l’aspect financier est compliqué jusqu’à ce que Stephen King, fan du premier volet, parvienne à convaincre, lors d’un repas, Dino de Laurentiis (alors producteur de Maximum Overdrive) de co-produire en partenariat avec Renaissance Pictures. L’écrivain passe également des coups de fils pour réunir l’argent auprès d’autres investisseurs. De Laurentiis créé pour l’occasion la boite Rosebud, car il ne peut pas produire avec sa propre compagnie un film non censuré.
L’enveloppe budgétaire d’Evil Dead 2 est plus dix fois plus conséquente que celle du premier volet et passe à 3,5 millions de dollars. Sam Raimi se lâche sur le côté cartoon de l’entreprise, et Greg Nicotero fait ses premières armes en tant que maquilleur. Si les effets-spéciaux sont plus aboutis, il y a toujours cette volonté de garder le côté artisanal. Par exemple, la fumée qui s’échappe de la tronçonneuse est créée à partir d’un système de tube à l’arrière, dans lequel Sam Raimi recrache de la fumée de cigarette (il reprendra la même astuce dans le troisième volet). Sur le tournage, les acteurs sont rendus « aveugles » par les lentilles opaques quand ils jouent les versions possédées de leurs personnages, et leurs déplacements deviennent compliqués. Greg Nicotero expliquera par la suite que, dans ces conditions, Bruce Campbell devait aller se soulager la vessie à l’aveuglette, et s’était retrouvé tout proche d’un nid de serpents sans s’en rendre compte (ce qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques). Le tournage se déroule en Caroline du Nord, en plein été, lors d’un épisode caniculaire. Le plateau se situe de plus dans un gymnase non climatisé, le sous-sol de la cabane est construit au premier étage du plateau et le rez-de-chaussée se trouve au deuxième étage de la structure. Ted Raimi joue la version zombifiée du personnage de la douce Henrietta, portant un costume de latex hyper lourd, qui nécessite 5 heures pour être placé. Un costume étouffant comme le prouvent les nombreux gobelets de transpiration récoltés à la fin de chaque journée de tournage…

Remake ou suite ?

Côté scénario, Evil Dead 2 raccroche les wagons avec le premier en développant les origines du livre expliquant notamment comment il s’est retrouvé dans la cabane. Changement de distributeur oblige, les séquences de flashbacks sont retournées et modifiées, pour de sombres questions de droits. La bande laisse la place à un couple, et Cheryl, Scotty et Shelly disparaissent de l’intro au profit de nouveaux personnages, étoffant les raisons de la présence du Necronomicon, ce qui a pour conséquence qu’on se retrouve à la fois devant ce qui peut être assimilé à une suite mais aussi à un remake (ce que Bruce Campbell qualifie de « requel »). Cette incohérence scénaristique et le changement de registre ne sont pas forcément synonymes d’échec, même si ce n’est pas un aussi gros carton que le précédent en salles. Quoi qu’il en soit, les critiques sont positives, le film est le volet préféré de Bruce Campbell, il est régulièrement cité dans les suites meilleures que l’original et le marché de la VHS lui permettra d’accéder peu à peu au statut d’œuvre culte de la pop culture.

Medieval Dead

Sam Raimi enchaîne directement avec le troisième volet, toujours dans le registre comédie horrifique, avec un penchant marqué vers l’heroic fantasy. L’action fait suite au final du 2 durant lequel Ash remonte le temps et se retrouve au Moyen-âge à aider des chevaliers contre des forces du Mal aux multiples visages, le tout sur fond de lutte entre Lord Arthur et le Duc Henry. Pour la première fois, Ash se retrouve à affronter son double maléfique (ainsi que des mini-Ash). Un arc qui deviendra récurrent par la suite. À l’origine, Sam Raimi voulait appeler ce troisième épisode Medieval Dead pour faire le pont entre l’arc narratif originel et le cadre dans lequel se déroule cet épisode, mais Universal s’y est fermement opposé. C’est ainsi que fut choisi le titre L’Armée des Ténèbres. Une trouvaille que l’on doit à Irvin Shapiro, décédé deux ans avant le début du tournage. À noter que Raimi a essayer de négocier pour Evil Dead 3 : L’Armée des Ténèbres, mais la production, qui voulait le détacher du reste de la série, a refusé.
Côté écriture, L’Armée des Ténèbres joue sur l’humour burlesque et les anachronismes, que ce soit dans les répliques, les armes mais aussi dans l’utilisation de la Delta qui connaît une customisation digne des Mad Max. On trouve aussi quelques petites références çà et là pour amateurs éclairés (on peut relever des clins d’œil au clip de Thriller de Michael Jackson, ou à Le Jour où la Terre s’arrêta, lorsqu’Ash doit dire la formule « Clatto, Verata, Nicto »).

Une expérience particulière

Le tournage de L’Armée des Ténèbres est épique. Bruce Campbell se fait une méchante entaille sur le visage lors d’une scène où il donne un coup à un cascadeur dans les escaliers du château et son armure lui coince le menton quand le cascadeur lui passe au-dessus. Ce qui vaut à l’acteur un départ aux urgences pour se faire suturer, habillé en Ash. Les fausses coupures sur son visage sont tellement nombreuses que le médecin a d’ailleurs du mal à situer la vraie blessure.
À noter que l’actrice Traci Lords a auditionné pour le rôle de Sheila, mais elle n’a pas été retenue. Pas rancunière, elle retrouvera néanmoins Sam Raimi et Bruce Campbell plus tard dans la série Hercule. À la place, c’est Embeth Davidtz qui est choisie, mais elle vécut si mal l’expérience des scènes de combat, notamment à cause du tournage de nuit et des prothèses encombrantes, qu’elle décida de mettre un terme à sa carrière d’actrice juste après.

Encore des complications…

Par la suite, les choses se compliquent nettement pour L’Armée des Ténèbres. Dino De Laurentiis, producteur du film Le Sixième Sens, de Michael Mann et Universal sont en conflit concernant le personnage de Hannibal Lecter qu’Universal veut exploiter dans Le Silence des Agneaux et la post-production de L’Armée des Ténèbres est bloquée le temps que cette autre affaire soit résolue. L’attente dure 6 ans et Evil Dead 3 est retouché, dilué de toute scène gore ou de caractère horrifique. Le film est remonté avec quatre versions différentes, dont une avec une fin alternative où Ash, qui s’est trompé dans le dosage d’une potion supposée le faire dormir pendant plusieurs siècles, se réveille dans un futur apocalyptique (les deux fins ont ensuite donné à Sam et Ivan Raimi l’envie d’écrire un 4ème volet, où les deux fins de L’Armée des Ténèbres seraient prises en compte et où Ash vivrait deux aventures parallèles, une dans le présent et l’autre dans le futur, mais hélas ce sera rejeté). Le rendu final divise, la critique est mitigée, mais ce troisième épisode rentre dans ses frais et peu à peu, plusieurs répliques deviennent cultes. Sam Raimi, qui a désavoué ce troisième épisode, prend du recul avec la saga, même s’il n’hésite pas à faire jouer des acteurs des Evil Dead dans plusieurs de ses films, comme Ellen Sandweiss et Betsy Baker (qui font un cameo dans Le Monde Fantastique d’Oz).

L’héritage de Evil Dead

Le carton général de la trilogie entraîne par la suite l’adaptation d’Evil Dead sur plusieurs supports. En plus de 4 nouveaux jeux-vidéo, publiés de 2000 à 2011, et d’un jeu de plateau, la saga s’aventure sur le terrain des comics avec plusieurs séries et crossovers en compagnie d’un autre héros de Sam Raimi, Darkman, mais aussi d’autres légendes de l’horreur comme Herbert West de The Reanimator, et le duo Freddy/Jason. Ash franchit le cadre de l’horreur pour croiser le fer avec Xena la guerrière, Barack Obama ou encore…le groupe Kiss (il rejoint d’ailleurs la Kiss Army of Darkness). Rien que ça. L’univers de la saga semble sans limites et son héros est adaptable quelque soit le cadre. Le succès ne se dément pas au point que l’homme à la tronçonneuse est inclus au sein de Marvel pour un épisode de Marvel Zombies.

Une nouvelle génération débarque dans la cabane

En 2009, Evil Dead est adapté en comédie musicale et 2013 marque un retour aux sources sous la forme d’un reboot. Un premier remake avait été envisagé en 2003, avec Ashton Kutcher puis Marlon Wayans dans le rôle d’Ash. Lorsque Tapert commence à évoquer de nouveau la possibilité de remaker Evil Dead, Raimi est le plus emballé, tandis que Bruce Campbell est plus mitigé car il veut qu’Ash reste dans la saga d’origine. Il se laisse convaincre en rencontrant Fede Alvarez, auteur du court métrage Panic Attack ! (sur des robots qui attaquent des humains) qui a connu un certain succès sur Internet et qui a impressionné Raimi. Raimi, Campbell et Tapert produisent cette nouvelle version en laissant carte blanche au réalisateur.
Le scénario est co-écrit par Alvarez et son acolyte Rodo Sayagues, avec la contribution de Diablo Cody (scénariste de Juno, Jennifer’s Body, Young Adult et créatrice de United States of Tara) qui modifie le script pour l’adapter à une cible jeune. Le casting est composé de Jane Levy dont c’est le premier rôle dans un film d’horreur (elle retrouvera ensuite Alvarez pour Don’t Breathe : La Maison des Ténèbres), Shiloh Fernandez (Deadgirl), Lou Taylor Pucci, Jessica Lucas (Cloverfield) et Elizabeth Blackmore (Vampire Diaries), avec les participations vocales de Bob Dorian (voix du Professeur Knowby dans Evil Dead) et d’Ellen Sandweiss (Cheryl). Le film est tourné en Nouvelle-Zélande en trois mois, quasiment dans l’ordre chronologique de l’histoire pour des raisons logistiques et pour un budget de 17 millions de dollars (soit 6 millions de plus que L’Armée des Ténèbres, film le plus cher de la trilogie originelle).

Vous reprendrez bien un peu de hachis (slashy) ?

Quasiment vierge de CGI et privilégiant les effets visuels à l’ancienne (par exemple, pas de sang digital mais du faux sang utilisé en quantité industrielle) et le travail de maquillage, Evil Dead marque la volonté d’Alvarez de rendre hommage au côté artisanal cher à Sam Raimi. Dans la lignée du volet de 1981, le film, sombre, intense et effrayant, opte pour un gore sérieux et sensitif. Il va en revanche va bien plus loin que la trilogie d’origine, avec des Deadites hyper-réalistes, extrêmement vicieux et cruels, poussant leurs hôtes à l’automutilation mais aussi à tuer avec une sauvagerie inouïe. L’ambiance est travaillée jusque dans les moindres détails. Certaines scènes poussent le curseur très loin et se montrent difficilement soutenables. Si la première version de 1981 n’était pas exactement une balade de santé pour la petite bande, dans cette nouvelle mouture, ça vire à la boucherie, jusqu’à un final sanglant à un niveau rarement vu au cinéma.

Sortir des sentiers battus tout utilisant un socle commun

Sur le plan narratif, le nouveau Evil Dead ne choisit pas la facilité et reprend le postulat l’original tel quel, mais décide aussi d’explorer de nouvelles pistes. Pas de Ash ici, mais une autre bande qui va écrire sa propre tragédie. Le contexte est lourd d’emblée. Les jeunes ne vont pas à la cabane pour passer un week-end tranquille, mais pour aider l’une des leurs, Mia à se sevrer de son addiction à la drogue. Le récit prend également le parti de se créer une nouvelle antériorité avec une histoire de jeune fille possédée brûlée vive par son propre père.
Cependant, il y a un socle commun, que ce soit le Livre (élément clef de la saga, cette fois écrit en anglais), la cabane, le pont détruit, la météo, mais aussi la structure du groupe. Le leader semble être à la fois son frère David (Shiloh Fernandez) qui fait figure d’autorité mais aussi Eric (Lou Taylor Pucci) dont le personnage se rapproche de celui de Scotty car c’est lui qui, par curiosité, déclenche tout. Comme Ash, Mia n’est pas une leader naturelle, elle a d’ailleurs le statut de victime pendant une bonne partie du film, mais prend du galon petit à petit, jusqu’à ce moment qui la voir se sectionner le bras. Comme un symbole, si l’histoire prend à la base une direction différente, la boucle est bouclée par ce sacrifice. Cela dit, le clin d’œil le plus marquant à la trilogie reste cette séquence post-générique qui fait office d’adoubement d’Alvarez par le trio originel : une brève apparition de Bruce Campbell qui balance sa réplique culte « Groovy ». Une séquence qui, à l’origine, devait être plus longue et mettre en face-à-face Ash, conduisant un camion siglé S-Mart (l’entreprise où on le voit travailler dans L’Armée des Ténèbres) et la survivante et lui demandant si elle avait besoin d’un coup de main, avant un cliffhanger dans la lignée des films de Sam Raimi.
Si le film divise la critique, partagée entre l’amour inconditionnel pour l’original et l’admiration devant le travail d’Alvarez, c’est un succès. À tel point qu’une suite est un temps envisagée. On parle aussi d’un crossover entre Mia et Ash, qui interviendrait après une nouvelle trilogie et ferait office d’Evil Dead 7. Une idée intéressante mais rapidement balayée.

Ash is back !

Si le remake d’Evil Dead par Alvarez a eu le mérite de relancer la dynamique, il n’a pas pourtant fait oublier aux fans de la première heure, leurs envies de retrouver Ash. Ainsi, Sam Raimi décide, deux ans plus tard, de leur répondre par l’affirmative en relançant les aventures de son héros emblématique, cette fois au format série (car il y avait tellement de matière écrite qu’il aurait été impossible d’en faire un film) pour la chaîne Starz (Rob Tapert a travaillé avec cette chaîne pour Spartacus). Tourné en Nouvelle-Zélande, le show fait directement suite aux événements de la cabane des deux premiers films. Durant la saison 1, il n’y a quasiment aucune référence à L’Armée des Ténèbres car les créateurs n’ont pas obtenu les droits. Sam Raimi réalise le pilote avant de laisser la main pour les épisodes suivants.

Un casting d’habitués

Le trio Tapert/Raimi/Campbell produit et les frères de Sam sont impliqués comme au bon vieux temps. Raimi qui envisage un temps de faire appel à Robert Englund et Kane Hodder mais l’idée est abandonnée. Une autre légende de l’horreur, Sid Haig (Captain Spaulding dans La Maison des 1000 Morts et The Devil’s Rejects) postule pour le rôle d’El Brujo mais on lui préfère Hemky Madera (Weeds) qui a joué avec Bruce Campbell dans la série Burn Notice. Pour épauler Ash, le choix est fait de recruter Ray Santiago (Touch) et Dana DeLorenzo. Jill Marie Jones campe le premier antagoniste, une policière qui soupçonne Ash de crimes. Les créateurs font également appel à des acteurs avec lesquels ils ont déjà tourné. Ellen Sandweiss fait une apparition dans le rôle de Cheryl, en hommage au premier Evil Dead. Joel Tobeck (Baal dans la saison 2) a joué dans Xena, la Guerrière, série durant laquelle Lucy Lawless (Xena) a travaillé avec Bruce Campbell, Sam Raimi et Rob Tapert (elle s’est d’ailleurs mariée par la suite avec Tapert). L’actrice a aussi fait une apparition dans Spider-Man de Sam Raimi. Sian Davis, qui a le petit rôle de la vieille voisine d’Ash, est apparue quant à elle dans un épisode d’Hercule (ainsi que dans le remake d’Evil Dead). Le jeune Milo Cawthorn a pour sa part obtenu un petit rôle suite à son implication dans Deathgasm, une petite production horrifique qui possède des similitudes avec Evil Dead.

Une série groovy !

Si elle aurait pu relever du pur fan service, la série Ash vs. Evil Dead a fait le pari de s’imposer tel un show drôle, audacieux, et de coller au matériau d’origine tout en l’approfondissant. Le tout en prenant soin d’offrir des morceaux de bravoure très borderline avec un humour sans aucunes limites, loin des séries sages et faussement subversives. L’esprit comédie horreur est ici totalement respecté, tout en n’oubliant pas l’émotion dans les moments-clés. Bourrée de références, la série multiplie les clins d’œil non seulement à l’univers d’origine mais aussi à d’autres films, de manière subtile (Basic Instinct, Terminator, Piège de Cristal, La Vie est Belle, The Thing) ou plus explicite comme cet épisode avec la Delta maléfique qui rend hommage à Christine. Un clin d’œil à la fois à Stephen King qui a donné un gros coup de pouce à la saga, mais aussi aux fans de Sam Raimi. Un moment peu anodin car la Delta est dans tous les films du réalisateur. C’était sa voiture quand il était étudiant et son fétiche. Autre preuve du génie de l’entreprise : l’épisode 7 de la saison 2 hyper ambitieux et audacieux qui remet tout en question, notamment l’équilibre mental d’Ash et la véracité des événements passés. On est ici dans une rupture de ton totale.
Malgré tout, le succès en termes d’audience ne fut pas au rendez-vous et après un final d’anthologie, la série s’arrête cette année au terme de son troisième acte. Et c’est dommage car une saison 4 était prévue par Sam Raimi, où il aurait été question d’exploiter l’arc narratif de la fin alternative de L’Armée des Ténèbres, et qui se serait déroulée dans un futur post-apocalyptique où Ash aurait affronté Les Grands Anciens (menace évoquée pendant toute la série). Une autre piste est également évoquée dans un éditorial du site Bloody Disgusting, à savoir un crossover durant lequel Mia, la survivante du remake, ferait équipe avec le reste des Ghostbeaters (Pablo, Kelly et la fille d’Ash). Autant de pistes intéressantes qui montrent l’attachement du public à la saga dans son ensemble (il suffit de voir la colère des fans sur les réseaux sociaux, mais aussi de rédacteurs de plusieurs sites spécialisés pour s’en rendre compte). Le fait qu’on soit en face d’un ensemble aussi audacieux et unique, qui a transcendé le cadre de la série B pour entrer dans une culture pop plus globale n’y est pas étranger.

This is my boomstick

La saga Evil Dead est unique en son genre. Jamais une trilogie n’avait exploré des styles aussi différenciés d’un épisode à l’autre, entre l’horreur pure pour le premier, la comédie horrifique cartoonesque tendance Tex Avery pour le second (un registre qui influencera plusieurs réalisateurs, comme par exemple Peter Jackson) et l’heroic fantasy pour le troisième. Les incohérences scénaristiques des 3 films participent à leur charme, notamment la séquence d’introduction à chaque fois (c’est surtout flagrant entre le 1 et 2) avec trois actrices différentes pour jouer Linda (invraisemblances à laquelle Ash fera régulièrement référence dans la série). Mais ce sont aussi ces défauts scénaristiques et le caractère bricolé des effets qui donnent tout le charme de série B à l’ensemble. Cela dit, ce ne sont pas les seuls éléments explicatifs du caractère culte de la saga. Et c’est là qu’il faut souligner l’importance d’Ash, ce héros atypique. L’élément central culte de la saga, opposé à des entités démoniaques elles aussi marquantes et donc responsables du succès de la franchise.

Docteur Bruce et Mister Ash

Que serait Ash Williams sans son acteur Bruce Campbell ? Nul doute qu’avec un autre comédien, la saga ne serait pas entrée dans une telle dimension. S’il faut saluer la créativité et l’audace de Sam Raimi, il ne faut pas oublier que dans ce film de potes, Bruce Campbell s’est également investi corps et âme.
Bruce Campbell et Sam Raimi, c’est une histoire d’amitié qui commence au lycée. Les deux hommes partagent les mêmes passions. Aussi, quand Sam Raimi fait ses premiers courts-métrages, Bruce Campbell se lance sans hésiter. Dans Within the Woods, il développe un personnage qui est le brouillon de ce que deviendra Ash plus tard : ce mec qui touche à ce qui ne faut pas et déclenche les horreurs. Le Bruce zombifié sert d’inspiration pour l’Ash transformé en Deadite dans Evil Dead 2. Impliqué dans la production de la trilogie Evil Dead, il porte le personnage d’Ash comme son bébé (de la même manière que Sam Raimi pour ses films). Il donne son avis sur des trucages éventuels, paie de sa personne en réalisant une grande partie de ses cascades, multipliant les blessures, et marquant son visage et son corps. Il donne de l’épaisseur à son personnage, qu’il qualifie ainsi : « c’est moi dans un mauvais jour, c’est le plus malin mais aussi le plus con de moi-même », tout en concédant que c’est le type aux côtés de qui on aimerait être dans la bataille. Quand Evil Dead premier du nom sort dans le cinéma où l’acteur allait voir des films quand il était plus jeune, c’est une grande fierté qu’il ressent, bien plus que par rapport au succès du film au box-office.

Fidèle à Raimi et « sa famille »

Fidèle à son ami et réalisateur, il l’accompagne, même quand Raimi se fait piéger par Hollywood avec Mort Sur Le Grill. Inversement quand Campbell participe, avec Scott Spiegel et Josh Becker (technicien sur Evil Dead, qui travaillera plus tard sur Xena) à l’écriture d’un film d’horreur underground comme Thou Shalt Not Kill…Except. Sam Raimi joue volontiers dedans. C’est toute une bande, avec son langage propre, ses private jokes et Bruce Campbell est dans son élément. Aussi, quand il joue dans un autre film, ses potes ne pas loin, comme par exemple Maniac Cop, produit par Irwin Shapiro, où Sam Raimi fait un caméo, ou Easy Wheels, écrit par les frangins Raimi. Aussi, quand Sam s’éloigne de l’univers Evil Dead et sort Darkman (L’Armée des Ténèbres était déjà tourné, mais sa sortie était bloquée), Campbell fait une petite apparition lors de la dernière scène. Il en sera de même avec Mort ou Vif (caméo finalement coupé au montage), la trilogie Spider-man, et Le Voyage Fantastique d’Oz, ainsi que les séries Xena, Princesse Guerrière et Hercule.
Mais la bande à Sam et Bruce, c’est aussi Joel & Ethan Coen (Joel Coen a monté Evil Dead). Sam Raimi a ainsi fait jouer Frances McDormand (qui est marié avec Joel Coen) dans Darkman et les futurs réalisateurs de The Big Lebowski renvoient l’ascenseur. Campbell joue dans Le Grand Saut, fait un cameo dans Intolérable Cruauté, Ladykillers, et Fargo. Il retrouve l’univers de ce dernier film en apparaissant sous les traits de Richard Nixon dans la série dérivée, produite par les Coen. Un rôle qu’il apprécie d’autant plus car, jeune, il s’amusait, avec son ami James Cameron, à imiter ce président des États-Unis.

Un rôle qui colle à la peau

Bruce Campbell reste tout de même indissociable de son personnage phare (il dit cependant qu’il ne sent pas piégé, car c’est lui-même qui l’a choisi), et même quand il s’en éloigne, il y a toujours un peu d’Ash en lui. Quand, dans Bubba Ho-Tep il joue un Elvis dans un hospice, que personne ne croit et qui est pourchassé par une momie, il y a des traits de caractère communs avec son personnage dans Evil Dead. En 2005, quand il retrouve Josh Baker (avec qui il a tourné plusieurs films indé) pour le téléfilm Alien Apocalypse, à nouveau, l’homme au bras-tronçonneuse n’est pas très loin, jusque dans l’affiche le représentant armé jusqu’aux dents avec une tagline qui dit « Quand L’Armée des Ténèbres rencontre Starship Troopers ».
En dépit de la passion des fans, Bruce Campbell ne se sent pas comme une star, et écume les conventions avec à chaque fois le même plaisir, pour défendre le film qui l’a fait connaître. Icône de la culture geek, il s’en amuse comme l’atteste le documentaire Fanalysis sur les fans de films et séries cultes. En 2007, il va plus loin en réalisant My Name is Bruce, série B (écrite par Mark Verheiden, qui travaillera plus tard sur la série) dans laquelle les habitants d’une bourgade le confondent avec son personnage Ash et le kidnappent pour le forcer à affronter un véritable monstre. Dans ce film, il multiplie les clins d’œil à la franchise, par les dialogues, comme le casting, et fait des petites références à des événements qui lui sont arrivés en tant qu’acteur. Si le film n’a pas marqué les foules car Bruce Campbell n’est pas vraiment un cinéaste, il montre son attachement à son rôle culte et permet aux fans qui rongent leur frein de se délecter le temps de quelques séquences savoureuses et très référentielles. La même année, il réussit à faire un break en incorporant la série dramatique Burn Notice, qui dure 7 saisons. Il y joue le rôle de Sam Axe, ancien Navy Seal à la retraite, fauché balourd et dragueur qui passe son temps à coucher à droite et à gauche. Un personnage qui par certains aspects, rappelle curieusement Ash. Sollicité à chaque convention au sujet d’un éventuel retour d’Ash et un 4ème volet d’Evil Dead, il n’hésite pas un instant quand Burn Notice s’arrête, à chausser de nouveau la tronçonneuse. Dans Ash vs Evil Dead, il s’amuse comme un fou, comme au bon vieux temps, improvise certaines répliques, sans surjouer, avec un naturel déconcertant et une coolitude communicative. Comme à l’époque du remake, il se sert de son expérience pour guider ses jeunes partenaires. Il s’investit à la production, et travaille à donner une épaisseur à son personnage, et lui conférer une dimension dramatique supplémentaire, loin de la comédie, qui était son premier amour.

The mettle of man

Alors que d’habitude, le genre horrifique s’attarde soit sur les menaces, soit sur un méchant qui réduit en charpie des gentils qui servent surtout de chair à canon et ne s’ancrent pas dans la mémoire collective, Evil Dead fait l’inverse en mettant en avant un anti-héros, à mi-chemin entre le personnage de cartoon et celui bien badass et burné des films d’action. Comme le décrit Bruce Campbell, c’est l’anti-héros ultime, un homme qui n’a pas de pouvoir particulier. Ce n’est pas un ancien marine, ou un ex-flic du FBI ou de la CIA. Juste un type qui bosse au S-Mart et auquel tout le monde peut s’identifier.
Un mec qu’on va voir évoluer au fil des épisodes et qui ne cesse d’en prendre plein la tronche, provoquant paradoxalement notre attachement (comme plus tard, dans un autre registre, John McClane de la saga Die Hard). Ashley Joanna Williams (oui, c’est son nom) est un héros improbable, dans la tradition arthurienne de celui à qui il arrive par inadvertance un truc extraordinaire et qui doit épouser un destin qui le dépasse.

Entrée dans l’arène

Dans Evil Dead, il n’est même pas le leader naturel de la bande, mais un de ses membres. Le mec qui a l’assurance, l’inconscience, qui fait des blagues et qui déclenche les problèmes, ce n’est pas lui (rendons à César ce qui est à César) mais Scotty. C’est quand Scotty meurt puis se transforme en deadite qu’Ash gagne du galon.
Dans le 2, Scotty est zappé dès l’introduction et Ash est seul, livré à la menace, et doit lutter contre sa possession par le démon. Le moment fatidique intervient quand il est obligé se couper la main. Pour ne pas passer de l’autre côté, il sacrifie une partie de son corps et devient un héros. Il est aussi plus sage que dans le film précédent car il sait contre qui il doit se battre. Plus tard, dans le film, la lecture des pages perdues du Necronomicon le fait apparaître comme l’élu d’une prophétie, dans un dessin qui renvoie directement à l’épisode 3. Enfin, quand il décide de prendre le problème à bras le corps, il se greffe une tronçonneuse sur son moignon et s’arme d’une Remington à canon scié. Il entre alors dans la légende d’Evil Dead et du même coup dans l’inconscient collectif.
Dans L’Armée des Ténèbres, Ash est perçu comme un homme venu du ciel pour combattre le mal absolu (un élément auquel fait référence la saison 3 d’Ash vs. Evil Dead avec les chevaliers de Sumer). Néanmoins, alors que dans le 2, c’était son inconscience vis-à-vis du danger qui primait, dans le dernier épisode de la trilogie se dessine un portrait encore plus nuancé. « C’est l’archétype de l’horrible Américain » comme le répète l’acteur dans les interviews. Ash apparaît comme un mec lâche, égoïste, sexiste voire un peu con, mais dont le côté bourrin à souhait va l’emmener à sauver le monde, entre deux punchlines d’anthologie.

Shoot first, think never !

Quand on le retrouve 20 ans plus tard (enfin, plus, car la série n’évoque en premier lieu que les 2 premiers Evil Dead), on voit un Ash vieillissant, bedonnant, un Américain moyen un peu con, sexiste et légèrement raciste. C’est surtout un mec à fleur de peau, traumatisé par la mort de sa sœur Cheryl, de sa copine Linda. Il est persona non grata dans sa ville natale et rejeté par son père. Il exerce toujours comme magasinier et vit dans un trailer park miteux. Il cherche à oublier son passé dans l’alcool et la drague de femmes névrosées dans des bars minables.
Comme le montre l’épisode 4 de la saison 1 avec l’une des meilleures scènes de trip jamais vues à l’écran, Ash, qui aurait dû aller se la couler douce à Jacksonville (en Floride) après un week-end dans une cabane dans les bois, est passé à côté de sa vie à cause des événements. Bref, c’est un héros déchu, plus humain, mais toujours aussi inconscient et qui déclenche les forces maléfiques en récitant une incantation en voulant séduire une donzelle.

Ghostbeaters

Ash est toujours maudit avec les femmes et celles qui l’aiment périssent violemment, comme Linda dans les trois Evil Dead, Annie Knowby qui commence à s’intéresser à lui dans Evil Dead 2, Sheila dans Evil Dead 3 qui devient la deadite bras droit du mauvais Ash, la policière Amanda Fisher dans la série, ou encore Candace, la mère de sa fille dans la saison 3.
Cependant, Ash se sociabilise et accepte deux sidekicks pour l’accompagner dans sa tâche : Kelly Maxwell et Pablo Simon Bolivar, incarnés par Dana DeLorenzo et Ray Santiago, tous les deux impeccables. Kelly est un peu le pendant féminin d’Ash. C’est une dure à cuire qui veut venger la mort de ses parents en cassant du Deadite. Elle est courageuse, déterminée, impulsive, un brin sauvage et jusqu’au boutiste. Pablo de son côté, apparaît comme le coéquipier typique des buddy movies. Un mec un peu falot, maladroit et naïf avec le cœur pur. Il voue une admiration sans bornes à Ash, son mentor, en qui il voit le Jefe décrit par El Brujo, son oncle shaman. En contact étroit avec le mal, il est atteint d’une malédiction, ce qui le pousse à évoluer grandement.
À leurs côtés, Ash s’épaissit et s’humanise. Sa paternité nouvelle lui donne une sagesse qu’on ne lui connaissait pas. Sa sociabilisation est cependant compliquée, car sa crédibilité est régulièrement remise en question, par son propre père, par la police et les habitants de sa ville natale, mais aussi par les forces du mal à plusieurs reprises.
Il faut dire qu’il semble étrange aux yeux de ses pairs car il est perpétuellement inconscient du danger et des enjeux. Alors que tout le monde autour de lui réagit normalement et se montre effrayé, lui reste imperturbable. C’est ce trait de caractère qui le rend redoutable. Il connaît son ennemi et sait comment le combattre. Malgré l’âge, il reste ce mec badass et kamikaze, prêt à en découdre fusil et tronçonneuse à la main (en balançant des répliques qui tuent) avec ce mal qui lui a tout pris et semble s’acharner contre lui, jusqu’à l’affrontement ultime où il embrasse sa destinée hors normes. Une destinée qu’il n’a jamais demandée et qui lui a fait subir bien des tourments, et qui a commencé des années auparavant, dans une cabane isolée.

Le Necronomicon

Le livre au centre de toute la saga est connu dans le premier Evil Dead sous le nom de Naturom Demento. C’est un grimoire sur les pratiques et incantations funéraires chez les Sumériens. Il s’agit d’un ouvrage relié en peau humaine et écrit avec du sang, qui traite de démons et de leur résurrection, et de forces qui hantent la forêt et les chaumières. Des créatures immuables endormies mais jamais mortes qui peuvent être ressuscitées par les incantations du livre. Lorsqu’on récite des passages de l’ouvrage, les démons peuvent posséder les vivants.
Dès le deuxième volet, il prend son nom sous lequel on le connaît le mieux : Necronomicon ex Mortis (le Livre des Morts). Nom choisi par Raimi en référence à un ouvrage fictionnel inventé par H.P. Lovecraft. Écrit il y a 3000 ans, à une époque les océans charriaient des flots de sang, le Necronomicon aide l’âme des morts à triompher d’épreuves pour accéder à l’immortalité.
C’est Lionel, bouquiniste spécialisé, propriétaire de Books From Beyond, qui en parle le mieux : « C’est une passerelle avec l’Enfer, un moyen d’invoquer les forces du mal sur Terre. Dans les temps anciens, il y avait un groupe appelé The Dark Ones  (en VF : les Grands Anciens), ni démons ni totalement humains. Ils ont créé ce livre comme une arme contre l’humanité. Les pages sur lesquelles Les Grands Anciens écrivaient les textes, ont été prélevés sur le corps des damnés. Des passages qui contiennent le pouvoir de créer des portails contre notre monde à celui des Enfers. Les Grands Anciens utilisent le livre pour avoir le pouvoir sur l’Humanité ».

Un livre qui a voyagé dans le temps et l’espace

En 1300 après J.-C., le Livre disparut une première fois, pour apparaître en Angleterre, chez les chevaliers de la Table Ronde (L’Armée des Ténèbres). Un homme venu du ciel, l’Élu de la Prophétie, avec l’aide du Necronomicon, a permis aux chevaliers de vaincre la terrible malédiction du Château de Kandar et l’armée des morts (cependant, en récitant une incantation de manière aléatoire, l’Élu, à savoir Ash, fait revenir les morts sur Terre).
Le Livre réapparaît, par la suite, une première fois dans un chantier de fouilles archéologiques entrepris par le Professeur Knowby qui l’emmène dans une cabane recluse au fond d’un bois. Après les événements que l’on connaît, on n’en entendra plus parler durant plusieurs années, jusqu’à ce qu’un beau jour, un mystérieux homme viennent trouver le père d’Ash Williams pour lui dire qu’il possède des pages manquantes du Necronomicon permettant d’annihiler le Mal pour de bon. Malheureusement, le message ne parvient pas à Ash et ce dernier, au cours d’une beuverie, récite des incantations qui libèrent à nouveau les forces des ténèbres.

Ceci n’est pas qu’un livre

Le Necronomicon ex Mortis possède une infinité de pouvoirs. Il permet de libérer les forces du mal, dont le Démon de Kandar qui possède les humains et toutes choses pour les transformer en Deadite. Il permet d’invoquer toutes sortes de démons, de ressusciter les défunts, de jeter des sorts, mais aussi de remonter le temps et de créer des passages dans des dimensions parallèles. Il se met à parler lorsqu’il est touché par du sang. Autre particularité : si on découpe sa couverture, en récitant une incantation, cette couverture peut se greffer sur le visage de quelqu’un et le transformer en portail humain pour engendrer des créatures. C’est ce qui arrive à Pablo dans le final de la saison 1. Une mésaventure qui va marquer Pablo à jamais jusque dans sa chair car il se connecte peu à peu au Livre, et devient maudit.

Démons et merveilles

Comme on l’a dit plus haut, le Mal qui exploite (et est à la source) du Necronomicon, peut prendre diverses formes. Le premier auquel on est confronté, d’entrée de jeu, dès l’introduction du premier Evil Dead, est le Démon Kandarien. C’est un démon surpuissant. Il peut apparaître sous forme d’ombres noires, de brouillards menaçant, ou avoir une manifestation plus visible, comme à la fin d’Evil Dead 2, où il apparaît sous forme d’un arbre maléfique. Autrefois cantonné dans un château, il s’est par la suite volatilisé pour hanter les forêts. Réveillé par les incantations du Professeur Knowby, il apparaît dès le début du premier film, où il essaie de provoquer un accident de voiture. Il possède les humains, les animaux, les végétaux et même les objets pour les transformer en Deadites. Il tente une première emprise sur Cheryl, la sœur d’Ash, en la contraignant à dessiner le Necronomicon. Il arrive à la posséder par la force lors d’une séquence entrée dans les mémoires. Par la suite, il gagne en puissance, dévastant tout sur son passage.
Les Deadites (ou Cadavéreux dans la V.F. d’Evil Dead 3) sont le résultat de cette possession. Ce sont des créatures quasi-indestructibles, grossières, perfides, pouvant manipuler les autres par divers stratagèmes (dont celui de faire croire que son hôte n’est plus possédé), et surtout d’une grande sauvagerie. Ils peuvent aussi revêtir l’aspect d’une ombre, d’un reflet facétieux dans un miroir. Si un deadite tue ou blesse un humain, ce dernier se transforme presque aussitôt. Il peut aussi ne contaminer qu’un membre. C’est ce qui arrive à Ash dont la main est infectée et possède du coup sa propre conscience. Cette main, amputée à la tronçonneuse par notre héros, se fera par la suite pousser un autre corps pour créer un méchant Ash. Les deadites ne peuvent être tués que par le feu, la décapitation, le démembrement. Certains sont plus durs à massacrer que d’autres. C’est par exemple le cas d’Henrietta Knowby, et de Cheryl Williams, les premiers deadites contemporains. La méthode la plus efficace est le poignard kandarien, seule arme qui tue le corps et l’esprit possédés.

Le Mal à visage humain

Dans la série, le Mal se diversifie et prend la forme d’un antagoniste en chair et en os, en la personne de Ruby. Surnommée Démone de Feu par les Romains, c’est une Grande Ancienne qui a trahit les siens et les a chassé de notre monde. C’est elle qui a écrit le Necronomicon. Ses pouvoirs semblent sans limites, elle manipule comme personne, a une capacité à usurper l’identité de tout le monde (elle est appelée Ruby car elle a pris l’identité de Ruby Knowby, fille du professeur Knowby), sa force est surhumaine et elle est dure au combat. Un personnage joué par la néo-zélandaise Lucy Lawless qui trouve là un des rôles de sa vie. Le personnage de Ruby évolue de manière contrasté car durant une saison, elle devra s’allier aux côtés du trio Ash/Kelly/Pablo pour contrer d’autres créatures, ses « enfants », qui ont pris le dessus sur elle et veulent faire revenir sur Terre un être infernal plus coriace que les autres.
La série élargit l’univers d’Evil Dead et va piocher dans des créatures issues de la démonologie classique comme Eligos ou Baal.

Ashuniverse : des passerelles entre les films et la série

Si Ash vs. Evil Dead a pu devenir pour une bonne partie des fans aussi culte que le matériau d’origine, c’est non seulement grâce à son humour borderline et sa noirceur (quand il le faut), mais aussi à son respect pour une trilogie qui a marqué son époque. Non seulement, il y a des clins d’œil malicieux aux caractéristiques des trois Evil Dead (notamment les boutades sur les incohérences scénaristiques), mais aussi une vraie audace quand il s’agit d’expliquer des passages qui auraient pu paraître obscurs, en multipliant les passerelles.
Une démarche qui passe par des petits éléments subtils comme ce rocking-chair qui bouge tout seul dans une maison où deux policiers font une descente dans l »épisode pilote, ou alors via des pans entiers, comme ces épisodes dans la cabane qui font office de quasi-remake et font apparaître d’anciens personnages clés comme Linda ou Henrietta, avec qui Ash doit se battre de nouveau. Ce n’est pas un hasard si on retrouve ce lieu dans la dernière partie de la saison 1 et de la saison 2. Ces épisodes renvoient au fait qu’au-delà du Necronomicon, Evil Dead est une saga liée avant tout à un lieu particulier qui l’a fait entrer dans la légende. Une cabane qui est autant menaçante que la forêt environnante et ses démons. Une cabane qui fait perdre à Ash ceux qu’il aime.
Dans ce contexte, le recours au double maléfique (arc narratif récurrent de la saga) est logique. La réplique « découper mon clone maléfique, peut-être qu’un jour ce sera bizarre » est une référence explicite à Evil Dead 3. Dans le final de la saison 2, ce retour à la cabane par le prisme d’un voyage spacio-temporel amène à reconsidérer le personnage de Knowby qui semble du coup avoir sombré dans la folie. Une saison qui marque aussi le retour de Cheryl, qui est interprétée par l’actrice originelle. Dans la saison 3, il y a une nouvelle référence au Professeur qui a découvert le Livre, du moins à une séquence d’Evil Dead 2 où il apparaît sous forme spectrale. On comprend alors qu’il était dans les limbes, dans un passage, entre la Terre et l’Enfer, ouvert par le Necronomicon. Cette saison est la seule à raccrocher les wagons avec L’Armée des Ténèbres (cela n’avait pas pu être fait plus tôt, faute de droits, comme souligné plus haut) via le personnage de Dalton et ses amis descendants des chevaliers de Sumer qui connaissent la prophétie où Ash sauve le monde. Le final de la série fait également référence à la fin alternative de ce troisième volet, où Ash se retrouve dans un futur post-apocalyptique, avec une Delta transformée en char d’assaut.

On pourrait parler pendant des heures d’Evil Dead, de son héros bien badass digne des meilleurs films d’action et de ses particularités, de ses méchants, du mythe autour de son livre tant le sujet est passionnant de bout en bout. Peut-être parce qu’à sa façon, Sam Raimi a révolutionné le cinéma de genre en apportant quelque chose de nouveau, de plus fouillé, tout en gardant à l’esprit l’idée de faire une œuvre fun et totalement décomplexée. Peut-être parce que si Evil Dead n’avait pas existé, un pan entier de la culture horrifique n’aurait pas vu le jour. Mais aussi parce que rares sont les œuvres horrifiques de série B qui ont à ce point marqué la culture pop. L’attente générée autour de la série en dit long. Evil Dead est et restera un énorme morceau de culte dont les raisons du succès sont indiscutables et si l’annonce par Bruce Campbell de la retraite de son personnage fait un pincement au cœur, on ne peut qu’être reconnaissant envers Bruce, Rob, Sam, Ted, Diana, Ray et tous les autres d’avoir prolongé le plaisir pendant 15h supplémentaires. À l’heure où il raccroche le boomstick et le bras-tronçonneuse et remise la Delta au garage, il est bon de se joindre aux nombreux fans de dire à ce héros hors du commun un grand merci. Hail to the King !

@ Nicolas Cambon


Crédits photos : Metropolitan Filmexport/Rosebud Picture/Starz/Universal Pictures/TriStar Pictures