Fibromyalgie : Syndrome polyalgique idiopathique diffus

Publié le 14 mai 2018 par Khaled Benokba

La fibromyalgie, ou fibrosite, ou syndrome polyalgique idiopathique diffus ( SPID ), correspond à un syndrome, exclusivement clinique, fait de douleurs chroniques retrouvées à la pression de nombreuses insertions musculo-tendineuses (bilatérales et symétriques), et d’une fatigue musculaire, troubles du sommeil, troubles de l’humeur, retrouvée habituellement chez des femmes jeunes.

Causes de la fibromyalgie 

Son étiologie n’est pas connue, et sa pathogénie, encore incertaine et ceci quels que soient les médiateurs biochimiques mis en évidence, fait essentiellement référence à une perturbation psychologique car on retrouve souvent un état anxiodépressif et des conditions de stress psychologique.

Diagnostic positif et différentiel

Devant des douleurs diffuses accompagnées d’asthénie et parfois de troubles du sommeil, le syndrome fibromyalgique est bien souvent considéré comme un diagnostic d’exclusion, après élimination des affections somatiques connues :

• rhumatismes inflammatoires ;
• maladies endocriniennes/métaboliques ;
• pathologies neurologiques ;
• origine toxique ;
• pathologies du sommeil dont le syndrome d’apnées obstructives ;
• affections psychiatriques : dépression majeure et troubles anxieux caractérisés, simulation (extrêmement rare, bien qu’une part de « rajout » soit possible dans certaines situations de conflit avec l’entourage familial ou professionnel ou les organismes sociaux).

Or il paraît important de rappeler que, comme toute autre pathologie, ce syndrome doit bénéficier d’un diagnostic positif, et que la prise en charge doit débuter dès ce stade.

La clinique du syndrome fibromyalgique est riche, et c’est l’association de différents symptômes ainsi que la description qu’en fait le patient qui doivent faire évoquer le diagnostic.

Un point important reste le caractère chronique du trouble, et il semble raisonnable d’attendre un délai de six mois avant de poser un diagnostic de syndrome fibromyalgique (bien que cela ne doive pas empêcher de débuter une prise en charge dans l’intervalle).

• Douleurs : décrites comme diffuses ; avec parfois un début localisé et une généralisation secondaire ; d’allure plutôt musculaire et/ou tendineuse au niveau des membres et du rachis, avec parfois la description de caractéristiques neuropathiques (fourmillements, engourdissement, brûlure) ; permanentes mais fluctuantes, sans horaire inflammatoire ;

• fatigue, ou plutôt fatigabilité, avec une intolérance marquée et croissante à l’effort ; et la description d’un effet bénéfique mais transitoire du repos ;

• troubles du sommeil, aussi bien à type de difficultés d’endormissement que de réveils nocturnes ; et surtout avec la perception d’un sommeil non réparateur ;

• troubles de mémoire et/ou de concentration ( fibro-fog ) ;

• présence habituelle (signalée spontanément ou en réponse à des questions explicites) de nombreux autres symptômes fonctionnels : digestifs (dyspepsie, douleurs abdominales spasmodiques, ballonnements, troubles du transit), neurologiques (sensations vertigineuses, céphalées de tension), rhumatologiques (enraidissement matinal), thoraciques (douleurs thoraciques non spécifiques), respiratoires (dyspnée sine materia ), oculaires (flou visuel, myodésopsies), etc. Ce cortège de symptômes subjectifs associés à la plainte principale de douleur diffuse est assez évocateur du syndrome fibromyalgique. Il importe toutefois de rester vigilant pour ne pas méconnaître parmi eux le signe d’une affection organique associée.

… et parmi les troubles psychologiques :

• La focalisation sur les symptômes est quasi constante, avec une description de ceux-ci souvent très minutieuse ;

• l’anxiété liée à la santé (hypocondrie) est importante, avec souvent la conviction de souffrir d’une maladie organique méconnue, et parfois la crainte non formulée d’une maladie précise. Les patients peuvent en effet faire le rapprochement entre leurs symptômes et ceux d’un de leurs proches, ce qui les amène à penser qu’ils souffrent de la même affection (cancer, sclérose en plaques, lupus, etc.). Il est primordial que le clinicien cherche à expliciter les craintes spécifiques du malade, car elles ne sont souvent pas révélées spontanément et, en conséquence, ne peuvent jamais être complètement apaisées ;

• certains traits de personnalité et caractéristiques cognitivocomportementales peuvent être retrouvés : une tendance à l’hyperactivité souvent « compassionnelle » (personnes toujours prêtes à aider les autres) relatée par les patients avant le début de leurs symptômes, un « catastrophisme » douloureux avec sensation d’impuissance et de désespoir face à la douleur, le perfectionnisme et, plus rarement, une alexithymie (incapacité à reconnaître et à exprimer ses émotions).

Évolution et complications

Le syndrome fibromyalgique est bien souvent considéré comme une pathologie chronique peu sévère, du fait du très faible taux de mortalité qu’elle entraîne. Or la gravité en est variable, de quelques douleurs diffuses parfaitement compatibles avec une insertion socioprofessionnelle normale à une pathologie invalidante responsable d’un isolement et d’un handicap majeur. L’enjeu de cette pathologie se joue aussi à l’échelle de la société, avec un coût médico-économique important, engendré à la fois par les actes de soins et médicaments, et les arrêts de travail.

Les symptômes restent habituellement présents plusieurs années après le diagnostic, et semblent en règle générale se stabiliser au fil du temps, avec une meilleure gestion de la douleur et des symptômes par le patient.

Les complications sont somatiques (dépendance médicamenteuse, possible retard de diagnostic de certaines maladies organiques, risque accru de mortalité par pathologie cardiovasculaire ou néoplasique, de mécanisme encore mal élucidé), psychiques (dépression) et sociales (arrêts de travail, licenciement, difficultés financières).

Prise en charge thérapeutique 

Son objectif est l’amélioration de la qualité de vie. Les recommandations de l’Eular (publiées en 2008 ) mettent en 1 er choix thérapeutique les approches non médicamenteuses avec un accent sur l’activité physique aérobie, les thérapies cognitives et comportementales et les approches associant plusieurs composantes (physiques et psychologiques). • Elles insistent sur les molécules à ne pas utiliser telles que : les AINS , la corticothérapie, les benzodiazépines , et les opioïdes forts .

Psychothérapie

Elle commence par une écoute attentive et patiente de la plainte et de ses facteurs de survenue et d’entretien. Elle est très importante dans la prise en charge des patientes, qu’il faut rassurer sur la « bénignité » de leur cas ; le « catastrophisme » ne ferait qu’aggraver la situation. Des exercices de relaxation sont souvent bénéfiques.

Activité physique

Elle n’est nullement contre-indiquée, mais doit être fractionnée pour ne pas aggraver les douleurs. Les techniques de réadaptation musculaire progressive à l’effort, de renforcement musculaire, pratiquées par la patiente, peuvent être utiles, et seront poursuivies en cas de réel bénéfice.

Approche médicamenteuse

Elle apporte parfois 20 à 30 % d’efficacité, et fait appel surtout aux :

– antidépresseurs tricycliques dont certains ont fait preuve d’efficacité, et agissent en général après 2 à 4 sem. de prescription : amitriptyline ( LAROXYL ). • La prescription doit être poursuivie plusieurs mois, à la dose minimale efficace, avant d’envisager une diminution ;
– antidépresseur inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS) : paroxétine ( DEROXAT ). L’utilisation à long terme doit être régulièrement évaluée ;
– anticonvulsivants : gabapentine ( NEURONTIN ) et prégabaline ( LYRICA ) ;
– antalgiques classiques : principalement les antalgiques de palier 2 comme le tramadol, ou à la rigueur le néfopam (les autres antalgiques de palier 1 sont souvent bien connus des patients et jugés peu efficaces). Les AINS sont inefficaces et source d’effets secondaires.

Il faut toujours tenir compte des effets secondaires des médicaments, fréquents au cours de la fibromyalgie, qui semblent correspondre à une exacerbation des symptômes eux-mêmes (effet nocebo).

Moyens non médicamenteux

La kinésithérapie peut être utilisée à visée antalgique, avec les différentes techniques de massages doux, de physiothérapie, et surtout de balnéothérapie. Le kinésithérapeute occupe une place centrale dans la prise en charge du syndrome fibromyalgique, puisqu’il doit allier antalgie et renforcement musculaire, en s’adaptant aux limites propres au patient à chaque moment de la prise en charge.

La neurostimulation transcutanée (TENS) est une bonne alternative au traitement médicamenteux, particulièrement utile lors de la période de reconditionnement à l’effort, et quasiment dépourvue d’effets indésirables.

L’autohypnose et d’autres techniques de relaxation peuvent être utilisées dans la gestion quotidienne de la douleur.

Le syndrome fibromyalgique est une véritable problématique de santé publique, de mieux en mieux comprise sur le plan scientifique mais pourtant encore méconnue de nombreux praticiens. D’importants progrès restent à faire pour un dépistage plus précoce, ainsi que pour la mise en place de protocoles de soins personnalisés.

Références :
Recommandations pour la prise en charge de la fibromyalgie, Eular, 2008.

Guide de thérapeutique Perlemuter 2017 : Léon Perlemuter et Gabriel Perlemuter
Traité de médecine AKOS : J. Goutte, C. Maindet-Dominici et P. Cathébras

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