Chaque neuvain est particulier, chantourné singulièrement en fonction de l’auteur évoqué, mais on distingue tout de même à la longue une méthode : d’une part, une prise synthétique sur l’œuvre ou un aspect de cette œuvre qui est celui qui a compté (le plus ?) pour Dubost, ce qui fait qu’il retient ou est retenu par l’écrivain en question. Puis, à partir de là, une broderie disons lyrique, souvent énumérative, toujours joueuse, tournis de langages qui entrechoquent sons et sens produisant de la vitesse et quelque chose comme une musique hétéroclite autant que maîtrisée dans son flux baguenaudant sans se perdre jusqu’au tiret final. A peu près ça. Il y a donc du jeu, mais pas seulement, il y a aussi une vraie justesse dans la prise première, personnelle et globale à la fois, embrassant l’œuvre.
J.C. Pirotte, « une pluie d’une exquise désuétude longueusement tombe dans la prose »(p.31) ; Hugo, « une monstre monstruosité libérée dans un (…) génie spontanément travailleur (…) sans qu’aucune crise du vers ne ronge sa propre fiance »(p.22) ; Bukowski, « le cul cruel est cul sec » (p.18) ; Gracq, « une Phrase Sans Retour aux racines aériennes et aux veines apparentes »(p.26) ; Lahu, « heureuse et réelle rencontre réussie d’une philosophie entre zut et zen »(p.13) ; du Bouchet, « le poids des choses simples est difficile à porter dans l’infini verbal du recommencement »(p.48) ; Whitman, « être vastement soi, dans un brin de poème »(p.33)…
Le dernier poème du livre est consacré à Paul Valéry, et ce n’est sans doute pas un hasard, tout comme le premier évoquait Bernard Collin dont la contrainte « 22 chaque jour » entre en écho avec celle des 9 lignes de prose par auteur que s’impose Dubost. De fait, pour Valéry, il y a bien dans le poème dubostien ici « une fête de l’intellect », mais il faudrait ajouter illico qu’il y a autant travail et débauche, jeu et plaisir et jouissance de s’ébattre « dans le grand bazar souk souk de la langue tous azimuts »(p.47).
Antoine Emaz
Jean-Pascal Dubost, & Leçons & Coutures II, Editions Isabelle Sauvage, 2018, Collection présent (im)parfait, 114 pages, 16€.