Sylvie Simmons, paroles et musique

Publié le 23 juin 2018 par Les Lettres Françaises

Sylvie Simmons, qui est née à Londres et habite désormais en Californie, a fait sa carrière de journaliste dans les meilleurs titres de la presse musicale anglo-saxonne : Creem, Q, Rolling Stone, Mojo, et d’autres… Elle a donné la biographie de plusieurs artistes, notamment Neil Young (Reflections in Broken Glass, non traduit) ou Serge Gainsbourg (Pour une poignée de Gitanes, ed. Camion Blanc, 2009) ainsi que des ouvrages de fiction. En 2014, elle a enregistré son premier album de musique folk, intitulé Sylvie (Light in the Attic Records).

Aujourd’hui sort en France, aux éditions de l’Echappée, I’m your man, sa biographie du poète et musicien canadien Léonard Cohen. Sorti en 2012 et traduit dans 20 langues, dont le français du Québec, le livre n’avait jamais été publié en France : « Plusieurs fois, le livre a failli y être édité et puis à chaque fois les éditeurs se sont désistés pour des raisons assez absurdes… » sourit-elle aujourd’hui. « Je suis très heureuse que le livre paraisse, d’autant plus que j’ai vécu en France il y a quelques années, et la promotion du livre va me donner l’occasion d’y revenir. » Depuis San Francisco, à une heure que personne n’a réussi à déterminer avec précision, elle a répondu à quelques questions des Lettres Françaises.

Quand avez-vous découvert l’œuvre de Leonard Cohen ?

Sylvie Simmons : J’avais environ 13 ans quand j’ai entendu sa musique pour la première fois. C’était sur « The Rock Machine Turns You On », une compilation d’artistes de Columbia Records. L’album était au prix d’un 45 tours : plein de jeunes, qui comme moi n’avait de quoi acheter que des singles, purent se l’offrir ; et ça nous a permis de découvrir Dylan, Simon & Garfunkel, Laura Nyro, etc. La chanson de Cohen sur l’album était Sisters of Mercy. En l’entendant, j’ai eu l’impression d’une voix qui me parlait personnellement, qui cherchait à confier un secret. Dès que j’ai eu un peu d’argent à moi, j’ai acheté ses disques et ses livres.

Quand et comment vous est venue l’idée de lui consacrer une biographie ?

Sylvie Simmons : En 2001, j’ai parlé avec Leonard Cohen, au moment de la sortie de son album, Ten New Songs. J’ai écrit un long article sur lui pour le magazine Mojo. On a parlé pendant trois jours, et comme beaucoup de gens qui l’ont rencontré, j’ai eu le sentiment que c’était la meilleure conversation de toute ma vie ! Mais j’ai aussi eu l’impression que certains des ses réponses étaient parfois un peu diplomatiques, et j’ai eu envie d’aller plus loin. Il m’a dit qu’il avait beaucoup aimé mon livre sur Serge Gainsbourg, et qu’il aimerait que quelqu’un écrive quelque chose comme ça sur lui après sa mort. J’ai dit : pourquoi attendre ?

J’étais très surprise du petit nombre de livres qui lui étaient consacrés, et de leur médiocre qualité. Leonard Cohen m’a apporté tout son soutien. Il m’a autorisé à parler à tous les gens qu’il avait connus, sans restriction. Il m’a donné accès à ses archives personnelles, on a déballé ensemble des cartons de vieilles photos. La seule recommandation qu’il m’a faite, c’est : « N’enjolivez pas les choses. » C’est une attitude assez remarquable dans le monde de la musique.

Ces dernières années, il s’astreignait à des tournées longues et très exigentes pour un homme de son âge. Pourtant, il semblait véritablement heureux de retrouver son public, ce qui n‘a pas toujours été le cas…

Sylvie Simmons : Il avait abandonné la scène il y a longtemps, car il avait toujours détesté les tournées qu’il ne supportait qu’en buvant de grandes quantités d’alcool. Il avait l’impression que c’était une opération promotionnelle, et qu’il prostituait sa musique, son art, pour vendre des disques. Mais lorsqu’il a eu besoin d’argent, après avoir été escroqué et ruiné par sa comptable, il a dû repartir en tournée et il s’est rendu compte que ça lui avait manqué. Sur scène, malgré son âge, il était leste comme un Fred Astaire ! Même après avoir regagné l’argent qu’on lui avait volé, il a continué à se produire en public, avec enthousiasme : il avait fini par apprendre à aimer ça.

En tant que musicienne, quelles sont vos influences ? Est-ce que Leonard Cohen tient parmi elles une place importante ?

Sylvie Simmons : Je n’arrive jamais à penser à ma musique en termes d’influence, parce que j’ai vécu toute ma vie plongée dans la musique. Certains critiques disent que mon style dénote l’influence de Leonard Cohen, mais au moins la moitié des chansons de l’album ont été écrites avant que je ne commence à écrire sa biographie. D’autres ont évoqué Marianne Faithful, Mazzy Star ou même Jane Birkin ! Si c’est le cas, c’est un processus inconscient et peut-être même un hasard dû à la similarité d’une tonalité, d’un accent, d’une tessiture… J’ai commencé à écrire des chansons sérieusement dès que j’ai mis la main sur un ukulélé. C’était à San Francisco, mes instruments habituels (piano, guitare) étaient restés à Londres, et un ami m’a donné un ukulélé. Les chansons me sont venues comme si elles attendaient depuis très longtemps et que le ukulélé les avait fait sortir. D’abord je ne les ai joués qu’à quelques amis musiciens de passage, et certains d’entre eux m’ont dit d’en faire un album. L’idée de les jouer en public me rendait nerveuse, mais quand j’ai fait la tournée promotionnelle pour la biographie de Cohen, pendant plus d’un an j’ai chanté ses chansons au ukulélé, et ça m’a donné le courage d’aller en studio avec Howe Gelb, de Giant Sand, un bon ami et un excellent musicien, et j’ai enregistré mon premier album.

Propos recueillis et traduits par Sébastien Banse


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