Saluons, d’entrée de jeu, le grand œuvre de l’artiste. Salons aussi le magnifique travail du commissaire de l’exposition Nicolas Martin Ferreira et celui des organisateurs, Brice Roquefeuil et Sylvia Benassy, qui ont permis que cette grande exposition monographique Viallat en Amérique centrale, proposée par l’Ambassade de France au Panama, soit une éblouissante réussite.
Intitulée « Claude Viallat, la couleur à perte de vue », cette première grande rétrospective d’un artiste contemporain français à Panama s’est déployée sur trois sites : la Casa Blanca, remarquable édifice de style néoclassique (construit en 1924-1925) du quartier de Bella Vista, siège de la présence culturelle française dans la ville, l’alliance Française ; le Papaya Planet, un espace culturel-café-librairie situé dans le Casco Antiguo, la partie la plus ancienne de la ville, et qui présente à la fois les réalisations d’artistes jeunes ou émergents et celles de grands noms de l’art contemporain ; et enfin l’Hôtel Hilton, un édifice moderne de soixante-dix étages, situé à quelques mètres des quartiers financiers, doté d’une galerie de 200 m2 et surplombant l’océan.
Acryliques sur bâches, draps, rideaux, montages de tissus, tissus d’ameublement, voiles, parasols, nappes ; acryliques montées sur des cercles de barriques ou des cerceaux de gymnastique, les œuvres de grands ou moyens formats, parcourues de motifs imprimés sont tendues dans l’espace. Elles voisinent avec cordes et filets sandow et coco dans un étonnant jeu de couleurs et de formes ou l’identique répété formant sa signature ne cesse d’être à la fois même et toujours différent. Anne Favier, dans son intéressant texte publié dans le catalogue de l’exposition parle de ce rituel de l’artiste chaque jour rejouant le motif qui « comme une partition à chaque interprétation, fait retentir toutes les reprises préalables, mais produit une musique différente à chaque fois ». Car, « chaque jour de nouveaux évènements adviennent entre supports et matières colorantes ». Ces toiles, « marquées régulièrement comme une rime plastique », vibrent en effet de mille couleurs, entre en résonance, dansent ad libitum une semblable danse sans cesse renouvelée. Et de ces formes élémentaires naissent, tel le vent dans les cordages, l’ondoiement des couleurs, de nouvelles rêveries, toute une gamme de tons, de nouveaux sons.
Trois expositions, une même exposition. Les variations infinies de matières colorées, de formes et de supports proposées dans ces espaces non conventionnels sont étonnantes, facilitent la rencontre entre différents imaginaires esthétiques… Et offre également le début d’un questionnement sur la place de l’art dans l’espace public de la ville … de Panama.
Marc Sagaert
Claude Viallat, La couleur à perte de vue Textes de R. Roquefeuil, N. Martine Ferreira, S. Benassy, A.Favier Ceysson éditions d’art, 91 pages.Share this...